Programmes des candidats pour l’Education nationale : Promesses, promesses....

20 June, 2019 - 02:38

S’il ya une chose sur laquelle tous les Mauritaniens sont d’accord, c’est bien les mauvaises prestations du système éducatif national qui souffre, depuis plus de deux décennies, de très graves problèmes structurels. La démission de l’Etat qui ne semble plus lui accorder aucune importance est totale. Les espoirs suscités, lors du bref passage – quelques mois… – de madame Nebghouha mint Mohamed Vall à la tête du ministère se sont vite estompés, après le coup d’Etat militaire du 6 Août 2008 : quasiment une vingtaine de ministres se sont succédés s’employant à davantage enfoncer un secteur qui engloutit pourtant, chaque année, des dizaines de milliards de MRO (cinquante-quatre, en 2018/2019 !), décorées de quelques actions d’éclat, comme les Journées nationales de l’Education-formation, dont les conclusions et recommandations dorment encore dans les tiroirs, ou la déclaration de  2015 en Année nationale de l’Education, plus un slogan de campagne, au final, qu’une véritable volonté politique de sortir le secteur éducatif du marasme où il se débat inextricablement, depuis si longtemps. Le constat de crise multiforme de l’école mauritanienne est général et sans appel. Les résultats catastrophiques sur le plan de la formation, les échecs successifs traduits par des résultats aberrants des examens nationaux (moins de 10% d’admis), la transformation de l’école en facteur de division, sur des bases raciales, ethniques ou de « classe sociale », entre autres manifestations évidentes de cette déconvenue scolaire et pédagogique, illustrent éloquemment sa faillite.

 

Une école pour tous

Comme tous les Mauritaniens, les six candidats de la présidentielle de 2019 reconnaissent l’état de délabrement très avancé du système éducatif national et avancent, dans leurs programmes électoraux, de très alléchantes promesses visant à corriger, parfois en un temps record, les errements du mammouth. Et tous de répéter que l’école doit offrir un enseignement de qualité, et incarner les valeurs républicaines, fondées sur les principes régaliens d’égalité des opportunités de justice et d’universalité. Birame Dah Abeid veut une école pour tous. Il compte engager la réforme des ordres secondaire et universitaire, pour mieux répondre aux exigences nationales ; officialiser l’enseignement des langues nationales, pour faire, de l’école, un creuset d’échange culturel et social au-delà de sa mission traditionnelle d’éducation, renforçant ainsi les rapports entre les communautés.

Mohamed ould Maouloud propose, pour sa part, toute une batterie de mesures pratiques, comme la suppression systématique de toute directive empêchant les inscriptions d’enfants mineurs ; l’organisation d’états généraux de l’Education et l’adoption de mesures concrètes de transition ; la promulgation d’une loi d’orientation du secteur éducatif et de mesures d’accompagnement, pour la mise en œuvre de la loi d’obligation scolaire ; l’augmentation substantielle du  budget de l’Education, passant de 15%,en début de mandat, à 25% ; le respect des engagements de la Mauritanie dans le cadre du GPE (Partenariat Mondial pour l’Education) ; la réunification du système éducatif, avec la suppression du séparatisme linguistique ; la réhabilitation de l’Institut des Langues Nationales ; la revalorisation du métier d’enseignant (tous les ordres), avec une nette amélioration de ses conditions de vie ; la révision des rapports entre l’enseignement public et l’enseignement privé, pour qu’à l’horizon 2021, l’enseignement primaire ne relève plus que de la compétence du secteur public…

 

Lourd héritage

Pour Sidi Mohamed ould Boubacar, la déliquescence du système éducatif national est un lourd héritage dont le redressement demande des efforts soutenus, aussi progressifs que titanesques. Et d’avancer quelques propositions en ce sens : promulgation d’une loi-cadre pertinente, pour la réforme du système, engageant de profondes réflexions sur les politiques éducatives visant à initier une approche pragmatique, concertée et dépouillée de tout présupposé idéologique ; amélioration de la qualité du système, à travers l’élaboration d’une charte de qualité à laquelle seront soumis tous les établissements scolaires ; professionnalisation de l’enseignement et promotion de la scolarisation universelle ; fondation d’un Haut Conseil Supérieur de l’Enseignement ; refonte des programmes scolaires, afin de les conformer aux défis de la mondialisation et aux exigences du marché de l’emploi. Les trois autres candidats – Mohamed ould Cheikh Mohamed Ahmed Ghazwani, Kane Hamidou Baba et El Mourteiji Wavi – ont également réservé, dans leurs programmes électoraux, de larges extraits dédiés à l’extraction du système éducatif national de ses multiples ornières.

Selon de nombreux observateurs, la dernière décennie fut une des plus « noires » périodes de l’école mauritanienne. Ses pilotes n’en ont jamais su engager les impératives et profondes réformes, se contentant de gérer a minima quelques affaires courantes, comme la gestion, au demeurant calamiteuse, des examens nationaux ; l’affectation tendancieuse et subjective de la quinzaine de milliers de ses fonctionnaires ; la liquidation, on ne peut plus opaque, des ressources budgétaires du ministère ; les manœuvres dilatoires pour le parrainage et la validation des promotions, sur la base du clientélisme, du népotisme et autres allégeances politiques et régionalistes…

Des pratiques qui ont fini par faire, du département, une jungle de non-droit où des lobbies s’affrontent, sans pitié, pour la garantie d’intérêts totalement égoïstes, au détriment de la promotion et de l’émergence d’un système éducatif performant et fédérateur. Bref, de véritables écuries d’Augias dont le nettoyage nécessite une véritable volonté politique, instruisant une révision de fond en comble du système ; pas de plus ou moins vagues promesses électorales n’engageant, comme le dit si bien le dicton, que ceux qui y croient.

El Kory Sneiba