Présidentielle de 2019 sur fond de crise au Hodh : Les prix s’envolent, la monnaie dégringole, l’éducation caracole, le cheptel bat de l’aile…

30 April, 2019 - 12:01

Vues de l’Est, l’élection présidentielle de 2019 va se dérouler sur  fond de profonde crise socio-économique, sans précédent. Jamais, dans leur histoire « démocratique »,  les populations des Hodhs,  cet immense  réservoir  électoral très convoité, depuis 1991, par tous les candidats, n’a connu une telle cherté de la vie. Pratiquement tous les secteurs vitaux sont drastiquement affectés : les prix s’envolent, la monnaie dégringole, l’éducation caracole, le cheptel  bat de l’aile… Les indicateurs socio-économiques sont dans le rouge. Et qui est évident, pour ces régions de l’Est, l’est aussi probablement pour toutes les autres. 

Les prix des  produits alimentaires donnent le tournis aux consommateurs. Dans son ascension  assourdissante, incontrôlée et incontrôlable, le  prix du  kilogramme de riz, la denrée la plus consommée, est passé,en quelques mois, de 280 à 400 MRO. Le sac de farine se négocie maintenant à 8000 anciennes ouguiyas, en place des 6000 de 2018. Plus grave, le programme Emel, brandi, à tout bout de champ, a fermé boutiques depuis quatre mois, laissant les franges nécessiteuses dans le plus total dénuement,  à la merci des commerçantsvéreux.

Le prix du sac de l’aliment bétail a atteint 7500 anciennes ouguiyas, en place des 4500 de 2018. Jusqu’où grimpera son prix, en cette période de soudure, tant attendue et tant redoutée, généralement étalée sur trois mois –Mai, Juin,Juillet – s’interroge les éleveurs qui se perdent déjà en conjectures.

A l’origine de cette spectaculaire flambée des prix, la dévaluation de l’Ouguiya dont les pièces de 1 MRU (10 A-UM) et 2 MRU (20 A-UM) ont volontairement  disparu des échanges. La plus petite unité monétaire est  maintenant  5 MRU (50 A-UM) qui  commence donc, elle aussi, à se raréfier. Une dégringolade que les décideurs connaissent pertinemment mais refusent de reconnaître, dans une sorte de jeu de duperie, aujourd’hui dévoilé, entre le sommet et la base.

Une telle situation interpelle  les candidats à la présidentielle, avant tout attendus sur  le front social. Partagent-ils et reconnaissent-ils ces amers constats et diagnostics ? Que proposent-ils pour alléger les souffrances au quotidien des populations et les tirer de ce labyrinthe qui augure de lendemains incertains ? Quelles priorités accordent-ils, dans leurs programmes, aux secteurs de l’éducation et  de la santé ?

Ghazwani, le candidat du « changement dans la continuité », dauphin d’un Aziz qui s’en va tout en restant,  feint d’ignorer, dans ses sorties mitigées, le calvaire où sont engluées les populations et dont il est, en partie, comptable. Comme si l’enjeu, pour lui, ne valait pas la chandelle. Aucune autocritique, ni promesses, ni d’engagement, rien pour ces populations –pacifiques, mais jusqu’à quand ? –qui n’ont plus que le ciel à scruter, pour espérer en l’amélioration de leurs conditions de (sur)vie. 

Issu de l’institution militaire ou, plutôt, candidat de la Grande Muette, submergé par les bains de foules, flatté par la pléthore d’initiatives, l’ancien nouveau général  s’estime déjà Président.  Mais tout cela ne peut lui assurer la victoire. Les entorses et manipulations qui ont entaché le  referendum  constitutionnel, ainsi que le troisième tour à Arafat, ont mis à nu la fragilité du système, malgré le déploiement abusif de moyens, par ses acolytes et sbires, face à des électeurs  imperturbables et chaque jour plus conscients. Les élections de 2019 ne sont pas celles de 1992. Les populations ont acquis une certaine culture démocratique et deviennent  de plus en plus difficiles à manier.

 

Moustapha Bechir

Cp Hodhs