M. Bilal ould Werzeg, homme politique, ancien ambassadeur : ‘’Dans sa configuration actuelle, la CENI ne peut pas jouer le rôle d’arbitre neutre’’

18 April, 2019 - 01:25

Le Calame : Parmi les candidats à la prochaine présidentielle, vous avez porté votre choix sur l’ancien Premier ministre, Sidi Mohamed ould Boubacar. Mais n’aviez-vous pas déclaré, il y  a quelques mois,  que vous quittiez l’arène  politique ?

Bilal ould Werzeg : Effectivement. Au sortir du dialogue auquel je participais, avec ma coalition, j’étais grandement déçu et avais décidé de quitter l’arène politique. Je m’y suis tenu, un an durant.

Jusqu’à ce qu’une lueur d’espoir me revienne, lorsque monsieur Sidi Mohamed ould Boubacar me fit part de sa volonté de se porter candidat à l’élection présidentielle 2019.

Sidi Mohamed ould Boubacar détient les qualités d’un homme d’Etat. Il l’a prouvé quand le pays en a eu besoin, de 1992 à 1995 (contestations des élections et crise avec les bailleurs de fonds) et de 2005 à 2007, quand il fallut gérer une transition, après le coup d’Etat de 2005. Si notre candidat actuel a réussi cet excellent parcours qui n’est d’ailleurs pas exhaustif, c’est, d’abord, par sa compétence et son savoir-faire, doublés d’une moralité irréprochable et d’un amour profond pour son pays et son peuple. En  fait, il me rappelle, toutes proportions gardées, ma propre carrière : celle d’un patriote toujours présent, quand son pays a eu besoin de lui.

 

- Depuis quelques temps, la transparence des élections est mise en doute par les candidats de l’opposition. Au cours d’une conférence de presse tenue, mercredi passé, ils  ont réclamé la refonte de la CENI, actuellement composée, dans sa majorité, de représentants de partis acquis à la cause du candidat de la majorité présidentielle, le général Ghazwani. Ils ont, dans la foulée,  organisé des marches et un rassemblement, à la place Ibn Abass, le jeudi 11, pour décliner leurs revendications. Avez-vous le sentiment  que le pouvoir  pourrait accéder à leurs doléances ? Le cas échéant, quelles chances  pourrait avoir votre candidat,  dans une compétition qui paraît, pour l’instant, quasiment jouée d’avance ?

- Il faut d’abord préciser que le pouvoir est resté sourd aux doléances de ceux-là mêmes qui ont participé au dialogue, dont notre coalition, et qui demandèrent, après la mise en place de la CENI, d’en revoir la composition, pour plusieurs raisons. Puis divers partis représentés, dans cette CENI, en tant que membres de l’opposition dialoguiste ont rejoint la majorité. Nous avons dénoncé le déséquilibre flagrant mais en vain.

Pour répondre plus précisément à vos questions, j’espère que, cette fois- ci, le pouvoir va accéder aux doléances des candidats de l’opposition. Et nous sommes bien sûr confiants qu’avec un minimum de transparence, notre candidat a toutes les chances dans cette compétition.

 

- Pensez-vous que dans sa configuration actuelle, la CENI pourrait jouer le rôle d’arbitre suffisamment  neutre ?

- Absolument pas. Non seulement parce qu’elle ne représente qu’un seul côté de l’arène politique mais, aussi, en raison de son incompétence, de son inféodation aux partis de la majorité et de son manque d’autonomie financière.

 

- Que vous inspirent la tournée qu’effectue, à l’intérieur du pays, depuis début-Avril,  le candidat de la majorité et les nombreuses initiatives qui lui déclarent soutien ? N’avez-vous pas l’impression que ces initiatives, devenues même familiales, aujourd’hui,  et  l’échec de l’opposition à unir ses forces derrière un seul candidat, contribuent à  discréditer l’action politique et, donc, la démocratie mauritanienne ?

- La démocratie mauritanienne a encore un long chemin à parcourir mais je suis convaincu que l’entrée en scène d’hommes comme Sidi Mohamed ould Boubacar  constitue une valeur ajoutée qui permet d’espérer une autre façon de faire la politique. Le discours de candidature de Ghazwani constitue déjà une rupture, par rapport aux habituels d’Ould Abdel Aziz. Mais le problème, pour nous, ne se situe pas dans l’alternative continuité ou rupture. Pour moi, la seule vraie solution est d’en finir avec les coups d’Etat répétitifs et d’aller, réellement, vers l’alternance pacifique civile que nous offre notre actuelle Constitution.

 

Propos recueillis par AOC