Festival d’Argane Cheddat : Un pan important de l’histoire nord-africaine

2 April, 2019 - 14:49

A Rass Taref-Sidi Mech-hour, aux environs de Guelmime et, plus précisément, à Argane Cheddat (Maroc), se tiendra le 17 et 18 Août 2019, une manifestation culturelle qui vise à tirer de l’oubli l’un des plus importants pans de l’histoire Nord-africaine.

Le choix du site d’Argane Cheddat n’est cependant pas fortuit, car ce lieu symbolise bien des événements historiques dont la naissance de la confédération des tribus de TEKNA, consécutive à la chute de l’Etat Almoravide, dont ces tribus étaient les alliées et le principal bras armé.

A Argane Cheddat, la naissance de la confédération des tribus TEKNA venait répondre à des besoins stratégiques de l’époque, mais aussi et surtout, à celui de faire face à la tyrannie des MOUWAHIDINE qui faisaient payer aux tribus de la région, le prix de leur soutien aux Almoravides vaincus.

Pour mieux affirmer leur volonté de nouvelle puissance, les MOUWAHIDINE placèrent les tribus rebelles sous l’autorité d’un despote nommé OUJANA, lequel OUJANA, fidèle aux méthodes qui singularisent les conquérants, ne tarda pas à ériger  l’humiliation et la répression, en mode d’administration.

Ayant eu l’occasion d’observer sur le terrain des batailles, la résistance et la fougue guerrière des tribus dont il avait désormais la charge, OUJANA savait que, même vaincues, leur gestion n’était pas une promenade de santé.

C’est ainsi qu’il leur imposa un tribut annuel qui avait à la fois son poids économique contraignant et sa dimension d’humiliation dans la manière de s’en acquitter.

Comme cela arrive souvent quand la tyrannie prend des proportions exagérées, l’humiliation exercée par l’administration d’OUJANA avait fini par crever le seuil de tolérance  de la soumission civile et du maintien de l’ordre public, mais de manière latente.

La révolte, alors prévisible, des tribus du Nord commença avec l’entrée en dissidence d’un homme, nommé Brahim Saadi, lequel Brahim, accompagné de ses enfants, tua OUJANA dans un guet apens, à Argane Cheddat .

Le soulèvement qui s’en suivit ne tarda pas à mettre en déroute la puissante armée d’OUJANA, libérant, par la même occasion, la volonté d’indépendance des tribus qui croupissaient sous le joug de son occupation.

OUJANA mort et son armée défaite, la vacance du pouvoir, la délocalisation de l’autorité publique et la liberté fraichement acquise au bout de l’épée, provoquèrent un désordre, rapidement transformé en anarchie généralisée.

C’est pour répondre aux impératifs, notamment sécuritaires, qui découlaient de cette situation, que la confédération des tribus de TEKNA a été créée.

Une quarantaine de tribus s’est alors concertée et a décidé d’un parlement nommé ‘’AÏT ARB’INE’’ où chaque tribu était représentée.

 Ainsi, et grâce à cet d’embryon d’Etat central, l’ordre et la sécurité furent rétablis sur une zone allant du bas Atlas au fleuve Sénégal, en passant par Tombouctou.

Grâce à la protection que la confédération TEKNA assurait aux caravanes, le commerce entre le Nord et le Sud reprit, après s’être dégradé pour cause de l’insécurité qu’OUJANA faisait régner dans la région.

C’est d’ailleurs sous bonne escorte de la confédération TEKNA, que l’émir Ely Chandhoura put regagner son Trarza natal à la tête de son fameux Jeich El Aramram, avant de rétablir son émirat.

Après que la confédération a contribué à la restauration des équilibres sécuritaires, permettant aux échanges entre le Nord et le Sud de reprendre sur l’ensemble des routes caravanières, celle-ci se scinda en deux groupements, Aït Jmel et Aït Billa, respectivement en charge de la sécurité sur les frontières Ouest et Est de ses zones d’influence.

Le but du festival d’Argane Cheddat est donc de faire revivre cet épisode de l’histoire et de permettre à l’ensemble TEKNA d’y puiser les repères lui permettant de jouer le rôle central qui fut le sien dans les rapports de bon voisinage à travers tout le Sahara.

Quand on sait, par ailleurs, que l’union des tribus de TEKNA est présente au Maroc, en Mauritanie, en Algérie, au Mali et au Sénégal, qu’elle compte une riche et puissante diaspora à travers le monde, on imagine plus facilement le rôle qu’elle peut jouer en faveur de l’intégration économique et sociale de la sous-région.

 

Mohamed Saleck Beheite