Aviculture semi-intensive en Mauritanie : Le ProLPRAF porteur d’une nouvelle dynamique pour la filière

16 October, 2014 - 01:49

L’aviculture est une des sept filières soutenues par le Programme de Lutte contre la Pauvreté Rurale par l’Appui aux Filières (ProLPRAF). Les résultats probants des unités expérimentales de production de poulets de chair en milieu rural, notamment à Bourratt (Brakna) et à Foum Legleïta (Gorgol) permettent d’enclencher une nouvelle dynamique et d’étendre, dans le cadre du Fonds d’Appui aux Filières (FAF), le programme à  d’autres sites et groupes-cibles...

Assurer une production locale soutenue de qualité en viande blanches, par la fondation et la promotion de petites unités de production, dans les zones rurales arides, est un des objectifs majeurs de développement de la filière avicole soutenue par le ProLPRAF. Deux importantes expériences-pilotes de production de poulet de chair furent ainsi mises en place, à Bourratt et Foum Legleïta, tandis que les groupements féminins de Taghada El Wassa (Assaba) se voyaient soutenus en ce sens. Pour faire, de l’aviculture semi-intensive, une réalité et un véritable outil de lutte contre la pauvreté en milieu rural, le ProLPRAF a pris note des expériences  antérieures réussies, tant en aviculture semi-intensive que traditionnelle, du GRDR et du GNAM, respectivement au Guidimakha (Sélibaby) et au Brakna (Bouhdida). Une stratégie renforcée par des études et des enquêtes légères de marché, pour mieux affiner l’intervention.

 

Implication des acteurs à tous les nivaux

L’approche adoptée par le Programme est une approche de développement global de la filière aviculture, impliquant tous les acteurs des différents maillons (producteurs, fournisseurs d’intrants, transformateurs, commerçants, transporteurs, financiers, institutions publiques et privées, entrepreneurs, etc.) et ce, à tous les niveaux. Ces acteurs, y compris le Programme, ont eu à jouer différents rôles, dans l’exécution des activités et la mise à l’échelle. Celui du Programme s’est diversifié bien au-delà du simple financement des unités de production : mise à disposition de matériels d’élevage, d’intrants et d’aliments aux volailles ; appui à la fabrication de poulaillers ; appui à la réception et au transport des « poussins d’un jour », en provenance du Maroc ; appui à la commercialisation et au marketing des poulets de chairs ; appui à la structuration et mise en relation  des acteurs…

Les groupements de femmes, organisations et communautés rurales de Bourrat (Brakna), Foum Legleïta (Gorgol) et Tagadah El Wassa (Assaba) ont été sollicitées dans la construction des poulaillers, par la fourniture de main d’œuvre et de matériaux locaux (copeaux de bois sec, paille). Ces acteurs ont été aussi fortement impliqués dans la gestion, le suivi des poulaillers et la commercialisation de la production, à travers la mise en place de comités chargés du suivi et de la supervision des poulaillers et de la commercialisation du produit. Ces comités ont été dotés d’outils de suivi des opérations courantes (recettes/dépenses, journalisation des opérations, etc.).

Idem pour le Groupement National des Aviculteurs de Mauritanie (GNAM) chargé d’identifier les sites d’implantation des poulaillers, la construction/supervision des bâtiments, ainsi que la formation des populations-cibles sur la conduite d’élevage et la sensibilisation à l’aviculture semi-intensive. Enfin, certains services techniques déconcentrés de l’État, notamment le CNERV, ont eu à assurer le contrôle sanitaire et le suivi de proximité, durant la période de l’élevage (entre 40 à 50 jours).

 

Dimensionnement standardisé des unités d’élevage de poulets de chair

Les activités menées, dans le cadre de ces expériences-pilotes, ont consisté, pour l’essentiel, à l’organisation de sessions de formation des femmes (plus de trois cents) sur la conduite des élevages de poulets de chair ; la construction de poussinières, pour abriter les poussins d’un jour en provenance du Maroc – mille six cents sujets, répartis, à parts égales, entre les deux poulaillers de Bourrat et Foum Legleïta) – l’installation du kit solaire pour l’éclairage des poulaillers ; la dotation des groupements féminins bénéficiaires en blouses et gants, pour les besoins de l’élevage ; l’équipement des poulaillers (mangeoires, abreuvoirs, congélateur solaire ; la mise à disposition de stock d’aliments composés pour volaille, de vaccins et vitamines de croissance ; la signature de contrats de prestation de services, pour le suivi et le contrôle sanitaire de proximité, ainsi que l’ouverture de points de vente des produits, au niveau local et dans les principaux centres et marchés urbains.

De l’avis de nombreux observateurs, trois leçons principales, voire innovations reproductibles à grande échelle, sont à tirer de ces expérimentations : le dimensionnement standardisé des unités d’élevage de poulets de chair : mille sujets par poulailler contre cinq à huit cents auparavant, déclinés selon plusieurs modèles (poulaillers de génération 1 à 3) ; l’amélioration des conditions d’habitat (conception de bâtiments plus adaptés aux conditions climatiques sévères) et le développement d’une expertise locale, dans la fabrication de ces poulaillers.

 

Lutte contre la pauvreté et professionnalisation progressive des producteurs ruraux

Les résultats sont encourageants, dans la lutte contre la pauvreté chez les groupes ciblés : augmentation sensible de leurs revenus, professionnalisation progressive et maîtrise de ce type d’élevage, par les groupements ruraux de femmes et de jeunes. Le chiffre d’affaires généré, par bande de 45 jours et par femme, est de 558 000 ouguiyas, sur le site de Tagadha El Wassa (11 chefs de ménage) ; 600 000 ouguiyas, sur celui d’Oum Chegag (30 chefs de ménage) et de 400 000 ouguiyas, à Tintane (20 chefs de ménages). La production varie entre 20 à 30 tonnes de viande blanche  par poulailler, offrant un produit de qualité hautement concurrentiel, et établissant de solides Groupes de Travail-Filière (GTF) en aviculture, dans les wilayas de l’Assaba, Brakna, Trarza, Hodh El Gharbi, Gorgol et Guidimakha, appuyés, par le Programme, grâce à des mécanismes pérennes de fonctionnement, d’autogestion et financement, ainsi que la mise en relation des acteurs de la filière et le développement de partenariats féconds, à l’échelle locale et nationale, entre producteurs en milieu rural, services privés d’approvisionnement, appui/conseils et services techniques déconcentrés de l’État.

 

Fonds d’Appui aux Filières (FAF) : étendre l’expérience à d’autres régions

Les résultats concluants de cette phase expérimentale, attestés par une mission de supervision de la coopération italienne – un des principaux bailleurs – ont fini par convaincre le ProLPRAF d’envisager le développement et la pérennité de cette filière, dans le cadre de la composante 3 (Fonds d’appui aux filières) du Programme. En 2014, suite à des appels à propositions lancées par celui-ci, plusieurs offres de financement et de mise en place d’activités de mise en place de poulaillers traditionnels et semi-intensifs émanant d’acteurs de la filière aviculture en Assaba, Brakna, Trarza, Gorgol et Guidimakha ont été retenues. Près de 5 775 femmes et 1 312 jeunes en bénéficieront.

L’analyse économique des résultats (coût de revenu par poussin, marge bénéficiaires et revenu moyen net par ménage) incite à poursuivre l’action pour faire, de cette filière, un véritable outil de lutte contre la pauvreté en milieu rural. Le ProLPRAF prévoit la mise en place d’une quarantaine d’autres poulaillers, en divers sites et régions, en mode partenariat public-privé. Il aura alors quasiment démontré la faisabilité de l’aviculture semi-intensive, en milieu aride, sous des températures extrêmes, atteignant les 42° à l’ombre. Reste toutefois à lever d’autres contraintes, non moins importantes, qui entravent encore sérieusement le développement de cette filière en Mauritanie : absence d’unités de production locale de poussins d’un jour et forte dépendance de l’extérieur (Maroc, Sénégal) pour l’achat de matériel d’élevage, intrants et aliments.