Calamités ...

27 February, 2019 - 23:41

Plus que trois à quatre mois avant une présidentielle peut-être tournant décisif, dans l’histoire politique de la Mauritanie. Après l’échec des mesquines et paradoxales manœuvres d’un groupe de cent deux députés appelant à modifier la Constitution, pour permettre, au président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz, de briguer un troisième mandat, la majorité a presqu’officiellement désigné son candidat, en la personne du ministre de la Défense, Mohamed ould Cheikh Mohamed Ahmed, alias Ould Ghazwani, candidature dont la confirmation ne serait plus qu’une question de jours. Le renoncement impromptu d’Ould Abdel Aziz, suite à un communiqué, tombé comme un couperet et dont l’origine et les modalités continuent à alimenter toutes sortes de supputations, donne déjà un avant-goût de la probable zone de turbulences à l’horizon immédiat du pays. Si le gouvernement et sa majorité ne sont plus qu’à affiner les détails de leur candidature, il ne reste plus, à l’opposition, qu’un peu plus de quatre-vingt-dix jours – en fait, beaucoup, beaucoup moins – pour sortir des inextricables problèmes où elle se débat, sans trop savoir quoi faire. Certains de ses partis refusent, catégoriquement, l’idée d’une candidature interne, d’autres « lessivent leur assiette » pour la promotion d’une telle issue. Et, entre çà et là, le temps passe, de réunions-marathons en marathons-réunions, ordinairement sans autre résultat que de faire ressurgir, au grand jour, les divergences inopportunes, incompréhensibles en leur origine, entre les principaux dirigeants d’une opposition aux abois et dont la crédibilité s’écorne, inexorablement, jour après  jour. Pour le moment, deux choix s’offrent à sa décision. Celui de Sidi Mohamed ould Boubacar, ancien Premier ministre, technocrate de renom et dont l’intégrité morale ne souffre d’aucun reproche. Puis celui de l’homme d’affaires en exil, Mohamed ould Bouamatou, qui bénéficie d’un très large capital de sympathie au sein des couches populaires et au sujet duquel l’opposition, toutes tendances confondues, a adressé une lettre, à l’ambassadeur de France, en le priant d’intervenir auprès des autorités nationales pour lever les poursuites judiciaires engagées contre lui et lui permettre, ainsi, de se présenter à la présidentielle de 2019. Une candidature qui devrait alors brouiller les cartes du pouvoir et fausser ses probables calculs. Mais le vraiment regrettable, en ces atermoiements, c’est qu’après trente ans de lutte, l’opposition continue à s’empêtrer dans des querelles internes sans lendemain, et l’incapacité à désigner, une fois pour toutes, un candidat consensuel, pour se lancer résolument, à moins de quatre mois de l’échéance, à la confection d’un programme de gouvernance à proposer aux Mauritaniens. Cette opposition doit comprendre qu’il est vraiment venu le temps où ses responsables doivent dépasser leurs querelles de minarets, interminables depuis 1992. Il s’agit, à tout le moins, d’essayer, vaille que vaille, à ne pas faire perdre, au peuple et pour la énième fois, la possibilité d’une alternance pacifique au pouvoir. Il s’agit de donner chance à la rupture, définitive, de l’emprise étouffante d’un système militaire qui n’a cessé de prendre en otage le pays depuis le coup d’Etat de 1978. Certes, ce ne sera pas aussi facile à réaliser qu’à dire. Mais il est tout aussi évident que la dispersion des rangs de l’opposition et sa mésentente ne font que compliquer davantage la tâche. Les exemples d’autres pays africains, comme le Sénégal ou le Burkina Faso, doivent servir l’opposition nationale, en termes de capacité à dépasser ses divergences internes et de conjuguer ses efforts, autour d’un objectif commun. C’est cette volonté commune qui a permis de « dégager » des dictateurs dont les suppléants issus de l’opposition constituent juste un moindre mal, à la limite du président par défaut. Ce fut le cas du Sénégal en 2012 et de la RDC, il y a à peine un mois. Mais, on ne le dira jamais assez, les vœux pieux et les déclarations d’intention ne servent strictement à rien. L’opposition gagnerait à être plus pragmatique et plus unie. Si les peuples n’ont que les gouvernements qu’ils méritent, les Mauritaniens, eux, n’ont, malheureusement, que l’opposition qu’ils ne méritent pas.

 

El Kory Sneiba