Pouvoir v/s Tawassoul : Jusqu’où ira l’escalade ?

4 October, 2018 - 00:41

Rien ne va plus, entre le pouvoir et les islamistes de Tawassoul, première force de l’opposition démocratique. Leurs relations sont devenues exécrables et l’escalade verbale ne cesse d’aller  crescendo, avec, tout récemment, la fermeture  du centre de formation des oulémas, dirigée par Dedew, tête pensante, aux dires du pouvoir, du parti islamiste dont la dissolution serait, même, à l’étude.

 

Des signes inquiétants

Depuis le Printemps arabe  et  la conquête, par les islamistes, de la première place de l’opposition  démocratique, en 2013, Tawassoul était fréquemment aux avant-postes des discussions du FNDU avec le pouvoir, comme en témoigne l’affaire des pourparlers secrets de l’an dernier, torpillés par des fuites, en Avril 2018, chaque camp accusant l’autre de les avoir orchestrées. La campagne électorale des  municipales, régionales et législatives a renversé cette position. Monté en première ligne au soutien de « sa » majorité, le président de la République n’a pas hésité à qualifier Tawassoul  de « force extrémiste et terroriste, financée depuis l’étranger ». Ajoutant même : « l’islam politique est dangereux », avant de menacer de prendre des mesures de rétorsion, le moment venu, contre cette menace. « Il n’est pas normal qu’un seul parti utilise et s’accapare l’islam », balançait-il, « ce n’est pas acceptable et ne sera plus accepté dans l’avenir, […] l’islam politique a détruit des nations entières et rendu les meilleurs services aux sionistes qui, au regard des conséquences de l’activisme de celui-là, sont d’ailleurs plus cléments que lui, vis-à-vis du monde arabe ». Et le porte-parole du gouvernement d’appuyer : « toutes ces institutions [à l’instar du centre de formations des oulémas, ndr] sont le bras scientifique, la chaîne « Al Mourabitounes », le bras médiatique et Tawassoul, le bras politique d’une même entreprise subversive […] Ould Dedew  n’a-t-il pas émis des fatwas appelant à voter pour ce parti ? » Et d’enfoncer le clou : « [selon le dit savant], les guerres et les conflits que connaît le monde arabe et islamique ne sont pas le fait des extrémistes, mais plutôt l’œuvre de nos dirigeants. N’a-t-il pas traité notre président de la République de personne belliqueuse ? »

 

Dissolution ou… diversion ?

Bien avant ces sorties enflammées, nombre de responsables du gouvernement mauritanien s’étaient déjà employés à charger le parti islamiste. Il y a quelques années, un chargé de mission à la Présidence en avait publiquement réclamé la dissolution. Plus récemment, c’est le ministre de la Défense qui l’a qualifié d’« extrémiste et terroriste ». Des tirs croisés qui n’ont eu pourtant qu’un effet très relatif, lors des dernières élections, et augurent, en conséquence, un avenir incertain, pour le premier parti de l’opposition démocratique. La coalition électorale de celle-ci ne s’y est d’ailleurs pas trompée, en se réunissant, quelques heures, à peine,  après la décision du gouvernement de fermer le centre Ibn Yassine de formation des oulémas, pour condamner ladite mesure et mettre en garde le pouvoir contre les menaces qu’il ne cesse de proférer contre Tawassoul. Mais ira-t-il jusqu’à les mettre à exécution ? Le porte-parole officiel du Gouvernement reste, à cet égard, sibyllin : « S’il y a violation de la loi, par n’importe quel parti, celui-ci s’expose à la dissolution, conformément aux textes en vigueur concernant les activités politiques ». Le cas échéant, quelles pourraient en être les implications ? Deux questions qui en posent une troisième, en filigrane : en quoi Tawassoul menace-t-il le pouvoir d’Ould Abdel Aziz ? Ce serait donc de la présidentielle de 2019 qu’il s’agirait et, conséquemment, de notre démocratie où le parti islamiste paraît appelé à jouer un rôle déterminant, au sein de l’opposition. Autre hypothèse avancée par divers observateurs de la place qui ne comprennent pas, eux, cette espèce d’acharnement contre le parti islamiste modéré : le pouvoir chercherait à faire « diversion », pour égarer l’attention  de l’opinion nationale et internationale loin du troisième mandat qui agite les débats et alimente les divergences entre le pouvoir et son opposition dite radicale…

 

DL