Freiner la progression du tabac en milieu scolaire et hospitalier : La nécessaire riposte

5 July, 2018 - 02:57

Des voix se sont élevées,  contre la vente du tabac aux abords d’établissements scolaires et de centres de santé.  Au centre National  de Cardiologie (ex-hôpital Sabah), dans les kiosques achalandés de diverses marchandises, se côtoient cigarettes de toutes marques, produits laitiers et autres denrées variablement utiles à la santé des gens.

Les accompagnants et les professionnels de santé s’y approvisionnent et fument à tout va. La même situation prévaut dans les autres centres de santé de Nouakchott et de l’intérieur du pays.  Des pratiques devenues monnaie courante, loin d’offusquer les citoyens mais dans le viseur, tout de même,  des organisations de la Société civile. Le tabac est le seul produit de consommation en vente légale, dont on sait, pourtant, les très hauts risques de mort prématurée, du tiers à la moitié de ceux qui l’utilisent. Un comble, dans les hôpitaux, censés donner la vie et les écoles, la promouvoir, à tout le moins, susciter l’espoir.

En pointe dans le combat contre le tabac, l’Association MAuritanienne de LUtte contre la Tuberculose, le Tabac et le Sida (AMALUTS) et ses alliés sont montés sur leurs grands chevaux, pointant un doigt accusateur sur ces pratiques, pour mettre en branle une vigoureuse riposte. La sonnette d’alarme a été tirée, le jeudi 21 Juin, lors de la célébration de la Journée mondiale sans tabac du 31 Mai, reportée, cette année, en raison du Ramadan. Sous le thème : « Le tabac et les maladies cardiovasculaires », elle a rappelé que la consommation de tabac constitue la cause principale des cancers des poumons, du colon, des reins et de la prostate, sans compter ses risques sur la femme enceinte et le fœtus. Cette drogue peut occasionner d’autres graves affections : cancers des lèvres, de la bouche, de la gorge, de l'œsophage, du pancréas, de la vessie, du col de l'utérus ; angine et bronchite, artérite des membres inférieurs, coronarite et infarctus du myocarde, induction de leucémie chez le nouveau-né. Et le tabagisme passif est susceptible d’entraîner les mêmes méfaits…

 

Chiffres effarants

18% de la population mauritanienne fume en permanence, révèlent diverses études, avec un taux chez les hommes de 32% et de 5% chez les femmes. Une autre étude montre que 70% des jeunes en âge de scolarisation sont des fumeurs, invétérés ou occasionnels. Cela est dû à la facilité d'accès au tabac, vendu partout et à faible prix, à des individus de tous âges et de tous genres. «La prévalence tabagique reste très forte, au sein de la jeunesse mauritanienne, notamment en milieu scolaire », estiment plusieurs enquêtes concordantes.

Ladite enquête ciblait les élèves âgés de 11 à 15 ans, au sein de cinquante établissements scolaires, la moitié à Nouakchott et l’autre répartie entre l’Adrar, le Gorgol, Dakhlet Nouadhibou et l’Assaba. Elle a permis d’évaluer les attitudes, les connaissances et les comportements des élèves, en relation avec l’usage du tabac et l’exposition à la fumée ambiante, ainsi que l’impact, auprès de ces jeunes, des programmes scolaires de prévention, des initiatives communautaires et des messages médiatiques, visant à prévenir et réduire le tabagisme dans leur tranche d’âge. En comparaison avec les données de 2002, il apparaît, hélas, que le pourcentage du nombre de non-fumeurs a globalement baissé, tant chez les femmes que chez les hommes.

Plus d’un quart de ces jeunes a bénéficié d’une distribution gratuite de cigarettes. « Ils courent un véritable danger de mort, d’autant plus qu’ils sont de moins en moins nombreux à accéder à des informations fiables, sur les dangers du tabac. De l’école au lycée, seuls 40% d’entre eux ont bénéficié d’un tel enseignement », se désolent les responsables du programme de lutte contre le tabac. Cela pose, à l’évidence, un sérieux problème  de  santé  publique.

La Mauritanie vient de se doter d’une loi  interdisant la publicité du tabac, rendant obligatoire la mention de « nuisance à la santé », sur les emballages extérieurs, l’interdiction de la vente aux et par les mineurs, et exigeant la sensibilisation des populations – les jeunes en priorité – sur les dangers du tabagisme. Les organisations de la Société civile comme AMALUTS qui se battent, sur le terrain, depuis le retrait du projet de loi de 2012, voient leurs efforts porter leurs fruits.

La nouvelle loi prohibe également la consommation des produits de tabac dans les lieux publics. « Le texte vise à réduire les effets du tabagisme, au constat de ses répercussions désastreuses sur la santé collective et individuelle », a expliqué le ministre de la Santé, Kane Boubacar, qui défendait le projet de loi.

Il reste à adopter, dans les plus courts délais, de stricts et efficaces décrets d’application, permettant ainsi, à la Société civile, de solliciter des ressources financières pour contribuer à mettre en œuvre la loi. À cet égard, il serait judicieux de lancer de  nombreuses campagnes de sensibilisation et de prendre des mesures d’accompagnement, notamment en proposant de nouvelles activités génératrices de revenus, aux vendeuses de tabac, dans le sillage des actions destinées compenser les pertes des exciseuses.

Cette vaste de campagne de sensibilisation et de conscientisation sera orientée vers le grand public, les parlementaires, les professionnels de la santé, les jeunes élèves du collège et du lycée, en insistant sur les  dégâts causés par le tabac, pour les fumeurs et leur entourage non-fumeur. Il est particulièrement important d’encourager les jeunes élèves à éviter la première consommation de tabac qui ne fait jamais bon ménage avec les études. Il est tout aussi nécessaire de mener une répression à l’encontre des marchands de tabac, par l’interdiction de toute présence d’étals aux abords des écoles.

Thiam Mamadou