A la recherche du temps sacré

1 October, 2014 - 03:47

Nous vivons dans un monde où la globalisation culturelle écrase, en rouleau compresseur, toutes les spécificités des peuples dits en voie de développement. Les valeurs communément appelées libertés, démocratie, droits humains et droits culturels, sont totalement inspirées de la vision occidentale du Monde : un Occident dépositaire d’un héritage judéo-chrétien moulé dans une culture d’inspiration laïque. La domination du Monde, par l’Occident, n’est pas d’abord l’effet de sa richesse économique et sa puissance militaire mais la conséquence d’un épanouissement culturel qui a libéré les énergies et encouragé les découvertes scientifiques.

A l’examen du processus de cette réussite, nous pouvons constater, de manière empirique, que l’argumentaire-standard selon lequel il faut organiser, orienter et formater l’ensemble de nos valeurs sur des critères financiers n’est pas forcément gage de réussite, pour nos sociétés. Une rétrospective de l’histoire de la civilisation musulmane démontre que l’élément, déterminant, de son expansion fulgurante, fut plutôt le développement d’un haut niveau de moralité qui sécréta une culture de responsabilité et d’action positive, au service de l’épanouissement général.

La culture, pour une nation, correspond exactement à la carte d’identité nationale, pour un citoyen donné : sans elle, une société est sans âme. Les repères ne sont plus l’expression de valeurs et n’orientent plus vers des objectifs. En terre d’islam, la principale source d’inspiration de la culture est la religion musulmane. Nos fêtes, nos deuils, l’organisation du travail sont régis par l’impératif religieux plutôt que le souci de gagner plus ou moins.

Ceci ne semble pas très évident à ceux d’entre nous qui réduisent la vision de l’islam à la seule gestion de l’Au-delà, à l’instar de la compréhension laïque de la religion. Mais « l’islam n’est pas la religion du citoyen qui se roule dans la poussière, c’est un système économique, politique et social », disait un orientaliste occidental. Ceci suppose donc que pour, rester nous-mêmes et préserver notre cause, nous devons investir financièrement. Ce que d’aucuns peuvent juger comme une perte de productivité, alors qu’en termes culturels, cela peut s’appeler, plutôt, « préservation de la spécificité culturelle ». Bref : l’économie et les finances ne doivent pas primer sur ce que nous sommes mais, plutôt, contribuer à renforcer ce qu’on est.

Le Japon est l’exemple de la nation qui a su acquérir la science et la technologie en préservant jalousement sa culture. Cela a certainement un prix. La décision, par décret présidentiel, de transformer le dimanche en jour férié, en place du vendredi marque, au-delà de la bonne foi, une rupture, une coupure morale et affective, par rapport à notre message civilisationnel. Nous n’avons plus notre jour à nous de fête et d’adoration. D’un trait, nous sommes devenus anonymes. Il faut se ranger et se contenter des valeurs universelles… des autres. Le rêve d’être soi-même est fini.

L’apport de quatorze siècles de civilisation musulmane marquant le vendredi en journée sacrée est banni. Il ne sera plus, pour nous, ce qu’est le dimanche, pour les chrétiens, et le samedi, pour les juifs. Nous devrons nous résigner à adopter les jours d’autrui et à nous adapter aux exigences des autres. Mais une décision d’une telle ampleur ne devait-elle pas connaître un cheminement décisionnel d’abord mieux concerté et, ensuite, plus consensuel ? Au final, peut-on évaluer l’impact négatif sur les générations futures et l’effet émotionnel et culturel sur les contemporains, de la perte de ce temps sacré ?

 

Mohamed Saleck Ould Deïda

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