Alliance SAWAB-IRA : Un partenariat gagnant-gagnant ?

7 June, 2018 - 04:32

Le parti  SAWAB,  d’obédience baathiste,  et  l’Initiative de Résurgence  Anti-esclavagiste (IRA), du leader haratine Biram Dah Abeid, ont signé, le jeudi 31 Mai, une alliance électorale.  Le choix de l’ancienne Maison des jeunes, pour parapher  leur protocole d’accord, s’est révélé particulièrement judicieux, tant ce haut-lieu des rendez-vous  politiques et culturels  fut pris  d’assaut par les militants des deux parties, accourus en force pour marquer l’évènement.

Dans leur discours respectif, Abdessalam Horma, président de Sawab, et Biram Dah Abeid, son homologue d’IRA, se sont ingéniés à mettre à jour les raisons profondes qui ont conduit leurs  partis à nouer ce pacte stratégique. C’est dans l’intérêt de la Mauritanie, ont-ils dit en substance, que les lignes doivent bouger : il faut  briser la glace, faire évoluer la scène politique. Et d’appeler, de concert, les autres formations et personnalités politiques à les rejoindre.

L’annonce puis l’interdiction et, enfin, l’autorisation,  par les autorités,  de la conférence de presse à ladite Maison des  jeunes, ont suscité  de nombreuses réactions, dans les salons, les bureaux de Nouakchott et sur les réseaux sociaux. Chacun y est allé de sa petite musique. Certains s’empressant de ressortir les anciennes déclarations  des uns et des autres, pour tenter de déchiffrer la nature d’un accord si peu de nature, entre deux mouvements souvent qualifiés d’« extrémistes » et que tout  semblait opposer  jusqu’ici. SAWAB est un  parti d’obédience  Baath  dont le maître à penser demeure Ould Breïdeleil et qui recrute  essentiellement en milieu arabo-berbère. Les Négro-africains l’accusent d’avoir trempé dans les  dérives du  régime d’OuldTaya,  lors  des années de braise (89/91) où de nombreuses exactions furent commises  contre eux,  au  sein de l’administration civile et de l’armée. Le parti est suspecté d’avoir prêché  la dénégrification de la Mauritanie et l’on scrutera donc avec intérêt la réaction des négro-africains à cet accord.   

SAWAB a-t-il réellement opté pour la rupture ? L’avenir nous le dira. En tout cas, son départ de la majorité présidentielle puis de la CPAD  qui rassemblait  APP et EL WIAM, suivi de son entrée  au G8, auprès, justement, d’IRA et du FPC,  préfigurait un tel changement de ligne politique.  Quelques élus locaux et, pourquoi pas, une présence au sein de l’Assemblée nationale rendront certainement ce  parti « fréquentable ». En attendant, il doit ménager et, probablement, supporter les caprices de l’Initiative abolitionniste,  très critique, c’est le moins qu’on puisse dire, vis-à-vis  de la composante maure du pays.

Côté IRA, l’accord ouvre les perspectives  de  participation aux prochaines élections. Ne disposant pas de parti officiel – son RAG est toujours refusé par le ministère de l’Intérieur –le mouvement de Biram Dah cherchait un point d’ancrage. Il va maintenant figurer sur les listes électorales. Ce n’est pas le moindre des avantages. Son président serait intéressé par un poste de député à l’Assemblée nationale. Avant une éventuelle plus haute marche, puisqu’il a déjà déclaré sa candidature à la présidentielle  de 2019.

Personne ne niera son impact positif sur la question de l’esclavage, aussi bien  à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays : tout le milieu conservateur  et  le clergé  condamnent désormais cette abjecte pratique. Un succès qui le lance à la conquête des urnes, pour les  élections locales. L’Assemblée nationale  lui sera la meilleure  des tribunes, pour  parler  aux Mauritaniens et peser sur les choix  des questions nationales. Mais quelle place son allié est-il prêt à lui laisser ? L’homme, dit-on, est  envahissant et  omnipotent. C’est notamment pourquoi, semble-t-il, les négociations avec d’autres partis de la place ont échoué.

DL