Poème: Sans droits

10 May, 2018 - 03:18

Ma maison est de solitude,

Mon lot  est d’incertitudes,

Mon jardin est de dunes,

Mes fleurs  sont d’épines.

 

Le vent efface mes  pesantes traces

Au soleil, je n’ai plus guère de place

La pluie noie toujours mes semis

Dans le creux des sillons ennemis

 

A chaque  lever du jour, comme toujours

L’astre vital  me cache son beau visage

S’il ne me grille dans  son immense four

Avec les herbes de mes  nains paysages

 

Les fourmis refusent le pain rassis que je mange,

Mon eau potable  ressemble à une soupe de merde,

Mon riz a un goût de mort-aux-rats étrange,

Mon couchoir est un sac de poux sans remèdes.

 

Suis-je un martien sur Terre,

Un vent du Sud qui souffle,

Pour une tempête de sable

Ou un vendeur de glaces 

Pris dans un tourbillon de feu ?

Les oiseaux migrateurs ont fait  joyeusement leur virée,

Les poissons sont allés pondre vers les eaux chaudes,

Et je reste accroché à la musique des  chauves souris, 

A la ronde des escargots las de porter leur demeure.

J’ai assez bu de mon breuvage infect de survivant

Dans le désert  mal famé de ma banlieue oubliée

Et j’exige une  reconnaissance de mon existence bafouée,

De ma naissance non déclarée, de mon sursis de mort vivant.

 

Or, je suis le seul locuteur de ma langue

 Mes numéros ne font plus recette

Et n’intéressent même  plus  les singes

Mon  nom veut dire «  sans droits »

Mon histoire est celle d’un revenant

D’une famille décimée par un tsunami

 

Ils ont versé sur moi un fort parfum de violence

Et prétendent que je sentais  trop mauvais ;

Qu’ils se bouchent le nez, mais ils n’auront pas la paix

Car, je ne ferai aucun quartier de ma vengeance,

Je me ferai entendre de toutes les possibles manières

Rien à perdre si ce n’est une peau balafrée par des lanières

                                                                       

Cette terre  appartient à nous tous terriens

Pourquoi certains ont tout et d’autres rien ? 

 Où est  le droit de rêver ?

Où est  le droit de sourire ?

Où est le droit de vivre ?

 Où est  le droit de bouger ?

On n’a même pas le droit de mourir dignement.

 

                                                   Nouakchott, le 03 avril 2018