Voyage à Lomé : Carnet de route

8 March, 2018 - 02:44

Convocation à cinq heures du matin et aéroport Oum Tounsi quand même à plus de trente kilomètres de chez moi, à l’autre bout de Nouakchott, dans un de ces quartiers populaires à mille milles de tout…mais, bon, il faut bien que j’aille à Lomé. Ce n’est pas tous les jours qu’on en a l’opportunité. Alors, je me suis résolu à me réveiller à un peu moins de cinq heures. Et hop ! Direct en voiture, puisque, déjà la veille, en bon Mauritanien et de fil en aiguille, j’ai réussi à dénicher un parent qui travaille à la sécurité de l’aéroport où je pourrai garer et faire garder mon engin, sans frais, jusqu’à mon retour, dans juste trois jours. Entre chez moi et l’aéroport, rien que des chats et tous assez malins pour éviter mon tombeau ouvert. Troisième, quatrième cinquième… Aucune patrouille. Toujounine, Carrefour Madrid, Carrefour Ould Mah, Carrefour SMAR, TVM, El Houtatt, Big Market, El Berad, ça roule, ça roule, feu vert, feu orange, feu rouge, kif-kif urgence, à mes risques et périls (enfin pas que, à ceux aussi du pauvre malheureux qui aurait la malchance de me croiser…), ouf, pas de policier, pas de gendarme. Ni garde ni militaire. Où sont les Misgharous? Ils ne peuvent tous dormir en même temps, tout de même. Il faut donc que je passe devant le  BASEP. Pour voir. Cette fois, à mes seuls risques et périls. Et roulez, roulez, jeunesse !

Bon, voilà mon bolide encore fumant garé. Les voyageurs ne sont pas nombreux, mes formalités ne prendront pas beaucoup de temps. Heureusement qu’Oum Tounsi n’a pas encore ses deux millions d’usagers ! Le décollage du Boeing 737/800 de Mauritania Airlines est prévu à 7h 10. En fait, ce sera quelques minutes plus tard. Un détail pas trop grave, à cette heure. Et ça décolle ! Destination, le nouvel aéroport de DIAS ou aéroport International Blaise Diagne qui n’a jamais été président. Juste une très grande personnalité sénégalaise. L’ancien aéroport, désormais militarisé, porte encore le nom de Léopold Sédar Senghor. Non seulement éminent grammairien et honorable membre de l’Académie Française mais, aussi, premier président du Sénégal, comme feu Moktar ould Daddah, en Mauritanie.  A bord, les discussions vont bon train. Je retrouve quelques vieilles connaissances, comme Bâ Mamadou Abdoulaye, un ami d’enfance avec qui je suis entré à l’école primaire, un jour d’Octobre 1972 ; la militante des droits de l’homme Lalla Aicha Sy ; mon confrère Mohamed Mahmoud Abou El Ma’Aly et le président de la Fondation Sahel, Brahim ould Bilal. Courte escale à Blaise Diagne, le temps de se ravitailler et de faire descendre ou monter quelques passagers, et zou ! Nous revoilà dans les airs, pour l’aéroport de Senou président Modibo Keita de Bamako. Mes amis y descendent et me voilà reparti, avec, cette fois, un plein de passagers « gnaks », à destination de l’aéroport président Félix Houphouët Boigny d’Abidjan. Le Boeing de la Mauritania Airlines nous y dépose et rebrousse chemin vers Nouakchott, en repassant par Bamako et Dakar.

Dix heures d’attente. Comme je suis chanceux, je tombe sur deux compatriotes : un homme et une femme. Vive le genre ! Deux fonctionnaires du PNUD de Nouakchott en partance pour une mission à Yaoundé. Air Côte d’Ivoire a programmé leur vol à 19 h 30 et le mien vingt minutes plus tard. La dame décide d’aller tuer le temps en ville. Son collègue préfère rester avec moi à l’aéroport. Histoire de se connecter et de se reposer. Un peu comme un guerrier. Sans concertation, mon aimable compagnon commande sandwichs et boissons. À ses frais. Totalement et heureusement, car, vous savez, les journalistes n’ont que leur langue et leur plume : évitez-les en voyage. Sinon, prise en charge assurée ! Ce n’est que vers 20 heures passées que le petit avion d’Air Côte d’Ivoire décolle vers l’aéroport vous savez de qui ? Aéroport président Gnassingbé Eyadema de Lomé, pardine ! Aux formalités, tous ceux dépourvus de carnet de vaccination sont« internés » dans un coin. Moi compris. Si j’avais écouté le conseil de mon ami Thiam, je me serais procuré un carnet à Nouakchott ! « Attendez un peu », nous déclare un homme en blouse blanche. Et ce n’est qu’un peu, c’est vrai ; nous voilà bientôt conduits, tel un petit troupeau, vers une porte surmontée du panneau : « service médical ». Je suis le premier à entrer. Un autre homme en blouse blanche m’explique que je vais être vacciné contre la fièvre jaune. Jusque-là, rien de grave. Mais je dois aussi verser 10 000 FCFA et mes calculs commencent à se gâter. 40.000 FCFA en poche, 25 000 pour le visa, 10 000 pour le carnet : c’est vraiment de justesse qu’il me reste un ‘’orphelin’’ billet de 5000 FCA, en sortant de la vaccinade. Suffira-t-il pour le dîner de ce soir ? Allah seul sait. Heureusement, mes hôtes sont bien là, avec leur bien rassurant  écriteau : « El Kory Sneiba ». Ouf ! Juste à côté, un guitariste et un batteur de tamtam s’emploient à offrir la bienvenue aux voyageurs, en l’espoir de quelques francs CFA, en contrepartie de cette musicale courtoisie. Avec moi, ils tombent malheureusement bien mal. Je leur souris tout de même.

C’est au Grall Hôtel que mes amis m’ont logé. Un cadre convivial. Juste à quelques encablures du centre-ville. Puisqu’on va s’entretenir des droits de l’Homme, il me faut commencer par porter la plus grande attention aux plus fondamentaux de ceux-ci : le manger et le boire. En bonne compagnie, ce qui me permet de m’essayer à l’Évé, la langue la plus parlée au Togo. La complexité de sa prononciation me laisse perplexe. Mais bon, qu’elle qu’en soit la désignation locale, c’est bel et bien du poisson et du riz qu’il y a sur table. Fort bien cuisinés, au demeurant. Coca et Sprite me conviennent aussi tout-à-fait. Petit bémol, tout de même, à mon ravissement, lorsque mon collègue du Nigeria me demande, dans un Français exécrable, s’il y a du poisson, en Mauritanie. Grâce à Dieu, je n’ai pas le temps de même commencer à me fâcher car un certain Diouf du Sénégal, défenseur en cette assemblée des droits des homosexuels, s’empresse de faire entendre raison à l’ignare en lui expliquant que la Mauritanie est riche d’une des côtes les plus poissonneuses au monde. Je peux donc digérer en paix et c’est déjà le retour vers mon beau pays, ses dorades et capitaines…  Aéroport Eyadema, aéroport Boigny, aéroport Modibo Keita, aéroport Blaise Diagne, aéroport Oum Tounsi. Ajoutons-y aéroport Mohamed V, aéroport Charles De Gaulle, aéroport J.F. Kennedy et cherchez l’intrus. Singulière Oum Tounsi ! Sans commentaires. 

El Kory Sneiba