Mitsuhiro Furusawa, le Directeur Général Adjoint du Fonds Monétaire International(FMI) : ‘’La dette publique expose la Mauritanie à un risque élevé de surendettement lorsqu'on applique les normes internationales de viabilité de la dette’’

1 March, 2018 - 02:40

Mitsuhiro Furusawa, le Directeur Général  Adjoint  du Fonds Monétaire International(FMI), a effectué une invitation d’amitié et de travail en Mauritanie du 16 au 21 février 2018, en réponse à une invitation du gouvernement.

Juste avant ce voyage, intervenant à l’orée de la mise en œuvre du programme de Facilité Elargie de Crédit (FEC)  sur la base duquel  l’institution financière apporte à la Mauritanie  un appui de 163,2 millions de dollars sur une période de 3 années, à travers une démarche encadrée par une série de réformes macroéconomiques, le numéro deux du FMI a répondu aux questions du Calame.        

Le Calame : Vous effectuez une visite en Mauritanie du 14 au 16 février. Quel est le programme de ce voyage ?

Mitsuhiro Furusawa : C’est ma première visite en Mauritanie, et je viens ici dans le cadre d’une visite de travail à l’invitation des autorités. La Mauritanie est un des pays membres du FMI et nous avons une longue histoire d’engagement avec le pays. Durant ma visite, je rencontrerai le Président Abdel Aziz, le Premier Ministre Hademine, le Gouverneur de la banque centrale, le Ministre de l’économie et des finances, et d’autres membres du gouvernement. Je me réjouis aussi de rencontrer d’autres représentants du public mauritanien, y compris des représentants du secteur privé, des syndicats, et des partenaires au développement. Je suis là pour mieux connaitre le pays, pour échanger des vues sur les défis à venir, et pour discuter comment le FMI peut accompagner le pays dans la mise en œuvre de politiques et de reformes pour une croissance plus forte et inclusive qui bénéficie à tous les Mauritaniens.

Quels sont les principaux défis que doit relever la Mauritanie pour réaliser une croissance solide, durable et inclusive ?

Les défis de la Mauritanie sont de diversifier son économie et de créer des emplois pour réduire la pauvreté et les inégalités. La baisse des prix du fer en 2014-15 a ralenti la croissance et réduit les exportations et les recettes publiques. Les autorités ont bien réagi et ont réussi à rétablir les grands équilibres macroéconomiques. A présent, une plus grande diversification permettrait de mieux répondre aux fluctuations des prix, et de meilleures infrastructures et de meilleures formations permettraient une croissance plus forte et inclusive.

Le gouvernement mauritanien et le FMI sont à l’orée d’un programme de Facilité Elargi de Crédit (FEC), quelles sont les principales réformes à mettre en œuvre dans ce cadre ?

Nous soutenons le programme des autorités mauritaniennes, qui consiste à poursuivre le rééquilibrage des finances publiques afin de dégager de l’espace budgétaire pour financer les dépenses sociales et d’infrastructures grâce à la mobilisation des recettes, à la hiérarchisation des dépenses et aux réformes de la gestion des investissements publics. La nouvelle loi organique sur les finances publiques contribuera à cela. Le cadre de la politique monétaire sera modernisé, et un marché des changes compétitif sera mis en place pour assurer un accès régulier aux devises. Pour accroître la stabilité financière et soutenir le crédit, la réglementation et la supervision du secteur bancaire seront renforcées. Le programme vise à continuer d’améliorer le climat des affaires et la gouvernance afin de soutenir la croissance et les créations d’emplois dans le secteur privé.

La dette de la Mauritanie fait l’objet d’un vif débat au pays, avec notamment les critiques de l’opposition. Quel est son niveau actuel chiffré ? Est-elle soutenable ? Si non que devraient faire les autorités pour la ramener aux normes classiques pour une économie de la taille de la Mauritanie ?

La dette de la Mauritanie est relativement élevée par rapport à la taille de son économie. La dette publique était estimée à environ 73% du PIB à la fin de 2017 (sans compter la dette passive envers le Koweït), ce qui expose la Mauritanie à un risque élevé de surendettement lorsqu'on applique les normes internationales de viabilité de la dette. Heureusement, une grande partie de cette dette bénéficie de conditions concessionnelles ou semi-concessionnelles, rendant son fardeau soutenable. Les autorités doivent veiller à ce que les nouveaux emprunts restent limités, qu’ils soient exclusivement concessionnels, et qu’ils soient utilisés de manière efficace pour des projets structurants et porteurs de croissance.

Quel est le point de vue du FMI par rapport aux perspectives de croissance 2018 en Mauritanie ?

Les perspectives de croissance sont bonnes et sont principalement soutenues par une amélioration des termes de l’échange avec la remontée des cours des métaux, et l’investissement dans les industries extractives et l’infrastructure. Néanmoins, le déficit pluviométrique de l’année dernière pourrait cependant affecter l’agriculture et l’élevage, et les populations les plus démunies.

La monnaie nationale de la République Islamique de Mauritanie a changé d’étalon le 01 janvier 2018. Quelles sont les perspectives ouvertes par cette démonétisation du point de vue du FMI ?

La réforme monétaire devrait limiter les risques de contrefaçon, faciliter le commerce, et réduire le coût de l’émission des billets. La réforme est conçue pour être neutre sur les prix, le taux de change et le pouvoir d'achat de la monnaie. Les prochaines étapes devraient se focaliser sur l’amélioration des systèmes de paiements électroniques et l'accès au crédit bancaire.

 

Propos recueillis par Amadou Seck