65ème Journée mondiale de la lèpre : La Mauritanie au seuil d’élimination

1 February, 2018 - 01:24

En Mauritanie, les données du Programme national de lutte contre la tuberculose et la lèpre démontrent que celle-ci a atteint le seuil d’élimination et que l’engagement de l’Etat, dans cette lutte, a été déterminant, grâce à des moyens conséquents : augmentation du budget, acquisition de médicaments, mise en œuvre de programmes de réinsertion sociale, élaboration de directives pour la prise en charge, le suivi des personnes et la distribution des vivres aux nécessiteux, réhabilitation/construction de structures de prise en charge des lépreux, avec l’appui de l’Ordre de Malte.

C’est du moins ce qu’en a estimé le docteur Abdou Salam Guèye, représentant de l’OMS en Mauritanie, lors de la célébration, le lundi 29 Janvier, de la 65ème Journée mondiale de la lèpre, sous le thème « Détection précoce de la lèpre pour prévenir les handicaps ». Satisfaction cependant nuancée : « Malgré ces acquis, quelques défis persistent », précise ainsi le docteur Guèye, « notamment l’insuffisance de dépistage et de prise en charge précoce des malades, le manque de personnels formés et d’expertise nationale, l’insuffisance d’intégration, dans les soins de santé primaires, des malades au stade de séquelles, l’absence de structures chirurgicales appropriées… »

La cérémonie s’est tenue au siège de l’Association Mauritanienne pour la Promotion des Personnes handicapées de la lèpre (AMPHL). Présidée par le secrétaire général du Ministère des Affaires sociales, de l’Enfance et de Famille (MASEF), elle s’est honorée de la présence des représentants du PNUD, de l’OMS, de l’Ordre de Malte et de la Fondation Raoul Follereau, de diverses autres organisations non-gouvernementales nationales et internationales, ainsi que d’une brochette de parlementaires et autorités locales.

Ouvrant le défilé des orateurs, Ahmedou ould Ahmed Abdel Kader, président de l’AMPHL, a, tout d’abord, souhaité la bienvenue à ses hôtes, avant d’adresser ses remerciements au gouvernement et aux partenaires, pour le soutien généreux et le partenariat fructueux entretenu avec l’AMPHL. «L’ère du mépris et de la marginalisation des handicapés de la lèpre », ajoute-t-il, « est à jamais révolue ». Et de souligner l’expérience de son association, dans le domaine de la coopération sociale, en rappelant le labeur, l’assiduité et la patience de ses membres, qui ont permis de convaincre les partenaires nationaux et étrangers de sa sincérité et de sa volonté à servir la dignité des lépreux. Puis Ahmedou énumère les avancées notoires dans la lutte, l'amélioration des conditions de vie des handicapés et leur intégration dans la vie active. Avant de conclure en remerciant, à nouveau, les plus hautes autorités de son pays et ses partenaires, dont l’OMS qu’il a nommément désignée.

« Afin de relever les défis, la lutte contre la lèpre doit être un travail collectif : multisectoriel, avec la participation des partenaires de la Société civile nationale et internationale ; multidimensionnel, avec le développement des activités sanitaires et sociales, de la sensibilisation et du renforcement des capacités des personnes handicapées ». Soulignant l’aide généreuse de l’Etat, « Nous étions, hier, source de doute, de suspicion et de mépris, pour seulement avoir été lépreux ou handicapés de la lèpre », rappelle-t-il, « nous avons même, à un moment donné, perdu l’espoir. Mais, sous l’autorité de l’Etat de droit et de l’espoir, nous avons retrouvé, aujourd’hui, notre fierté, car nous sommes devenus acteurs de développement social qu’on consulte, à chaque fois, sur les questions qui les concernent, un acteur jouissant du respect de tous ceux qui s’intéressent au développement social du pays ».

Monsieur Nabil Hajjar, chargé de mission de l’Ordre de Malte, a évoqué, au nom des fondations Raoul Follereau et de l’Ordre de Malte en France, les efforts déployés, par ces deux organisations, pour assurer les soins contre la lèpre, le dépistage précoce de la maladie et les opérations chirurgicales indispensables à certains cas. « La lèpre », affirme-t-il, reste un fardeau lourd à porter, pour les services de santé des pays où elle sévit ». Pour l’éradiquer, quatre domaines lui paraissent prioritaires : la détection précoce, la bonne observance du traitement médical par les patients, la réhabilitation chirurgicale et l’aide sociale. « Nous y arrivons », s’exclame-t-il, en citant divers progrès médicaux encourageants, « nous sommes au bout du tunnel ». Au rang de ces avancées significatives, l’arrivée d’un vaccin en cours de validation, la mise sur le marché de tests permettant un diagnostic anti-clinique et la mise en place du traitement systématique des personnes proches d’un malade diagnostiqué. Comme son prédécesseur à la tribune, Nabil met en exergue la coopération, entre les départements ministériels et l’AMPHL, visant à réinsérer honorablement les malades de la lèpre dans la société et à éradiquer définitivement la maladie.

 

Une maladie qui mutile et invalide

« La lèpre est une maladie infectieuse, favorisée par la promiscuité et la pauvreté », rappelait le docteur Guèye, dans son discours magistral. « Elle déforme, mutile et invalide la plupart des personnes atteintes, généralement au sein de populations pauvres qu’elle appauvrit davantage. De nos jours, plus de cinq millions de personnes (malades et familles) sont victimes, en Afrique, de ses conséquences sociales et économiques. La mise au point d’un traitement efficace, basé sur la combinaison de trois médicaments regroupés sous l’appellation PolyChimioThérapie (PCT) et la gratuité de ce traitement ont conduit à une guérison rapide ».

Et de revenir sur l’effort entretenu, depuis que l’OMS a pris la résolution, en 1991, d’éliminer la lèpre, en tant que problème de santé publique. « Durant cette dernière décennie », précise-t-il notamment, « onze millions de personnes dans le Monde, dont plus de huit cent mille en Afrique, ont été guéries, grâce à la PCT, et mènent une vie tout à fait normale. […] C’est la preuve qu’en conjuguant les efforts de tous les acteurs, nous pouvons atteindre nos objectifs, rapidement et durablement ». Puis il salue le courage des personnes handicapées par la lèpre qui refusent de courber l’échine et continuent à se battre pour une vie digne. Il rappelle, en suivant, les trois objectifs du plan d’action contre la maladie : stopper la transmission, prévenir les invalidités et poursuivre la lutte contre l’exclusion, en favorisant la réinsertion des malades guéris.

Le docteur Guèye a clôturé son intervention en réitérant le soutien de l’OMS à appuyer les programmes nationaux pour élimer la lèpre, en soulignant combien cette lutte est, « de longue date, une priorité de santé publique en Mauritanie, notamment grâce à la mobilisation des membres de l’AMPHL ». Quant au  secrétaire général du ministère des Affaires sociales, de l'Enfance et de la Famille, monsieur Mohamed Mahmoud ould Ahmed ould Sidi Yahya, il a fait part de  l’appui accordé, par son département, à plus de quarante ONG intervenant dans le domaine d’insertion des personnes handicapées, mettant en exergue les espoirs nés chez les lépreux, de l’accès aux soins et au travail productif qui leur a permis, conjugué à l’attention que leur accordent les pouvoirs publics,  de s’armer d’optimisme. Et de souligner, enfin, la coopération particulière mise sur pied, entre les départements concernés et l'AMPHL, qui s’emploie beaucoup à réinsérer les malades dans la société.  « La situation des anciens malades qui vivent, trop souvent, dans la plus totale misère, est un problème social. L’AMPHL leur apporte soutien et réconfort, ainsi qu’à leurs familles. Une solidarité concrétisée par la distribution de vêtements, produits de première nécessité et de bien d’autres cadeaux »… Des points de suspension soulignant combien l’élimination de la maladie ne signifie pas celle des misères qu’elle a engendrées : c’est leur totale éradication qui sonnera vraiment l’heure de la victoire.

 

Synthèse Thiam Mamadou