Dénonçons la barbarie tout en restant vigilants

16 January, 2018 - 21:22

Nous, signataires de la présente motion, sommes particulièrement horrifiés par les images de torture et de traitements cruels et dégradants mises en circulation, depuis quelques jours, sur les réseaux sociaux. Un jeune homme dont les traits et la physionomie indiquent qu’il appartiendrait à la communauté H’ratine est ligoté, les yeux bandés et proie à une meute de tortionnaires qui le soumettent à des sévices d’un sadisme caractérisé.

Les injures racistes et esclavagistes ne laisseraient aucun doute sur l’appartenance des bourreaux au groupe social des Maures « blancs ». Un enregistrement audio, posté par l’un des tortionnaires où il donne sa version des faits, avec moult fanfaronnades, confirmerait cette hypothèse.

On y apprend que, une fois les séances de torture terminées, la victime aurait été jetée, dans un état de délabrement avancé, devant l’un des commissariats de la Capitale par ses tortionnaires. En guise de secours à cette personne en danger, la victime a été jetée en prison puis déférée devant le juge sans même avoir été vue par un médecin. Pendant ce temps, les tortionnaires se racontaient leurs exploits et en  faisaient profiter tous les réseaux sociaux.

Cette affaire est d’une gravité extrême et ne peut souffrir d’être prise à la légère, ni passée sous silence. C'est l’existence de la communauté nationale  qui se trouve ici mise à l’épreuve. C’est aussi la dignité de l’homme et la sacralité de son corps qui sont ici éprouvées. C’est, en fin, le rôle de l’Etat, ses obligations et la conception qu’en font les citoyens qui sont ici interrogées et remises en cause.

Dans ce climat de tension extrême, chargé en menaces sur la paix sociale et, au-delà, sur l’existence même de notre pays, nous ne pouvons qu’attirer l’attention des gouvernants et de nos compatriotes sur ce qui suit :

  1. Quels que furent les agissements antérieurs ou immédiats de la victime, il est absolument inacceptable qu’elle soit torturée ou soumise à des traitements dégradants, surtout après l’avoir maîtrisée et mise hors d’état de menacer la vie d’autrui.
  2. Le monopôle de la violence revient au seul Etat qui doit l’exercer dans les strictes limites de la loi et dans le respect scrupuleux des procédures que cette dernière prévoit.
  3. L’Etat, l’administration et l’institution judiciaire sont les seuls responsables de la dégradation, de plus en plus inquiétante, de la situation sécuritaire en Mauritanie. Ils sont les seuls comptables des conséquences qui découlent de cette insécurité grandissante.
  4. Nous exigeons qu’une enquête minutieuse soit rapidement diligentée et ses résultats communiqués au public et que justice soit rendue. Dans l’immédiat, la mise en garde-à-vue des tortionnaires reconnus nous parait indispensable.
  5. Nous exhortons l’ensemble des Mauritaniens et Mauritaniennes, quelles que soient leurs origines et quelles que soient leurs appartenances politiques ou organisationnelles, à ne pas répondre aux provocations et à faire preuve de retenue et de responsabilité dans ce moment particulièrement lourd et difficile.
  6. Nous appelons les organisations de la société civile, les partis politiques et les syndicats à dénoncer ces ignominies d’un autre âge, tout en restant vigilants face aux tentatives de manipulations, y compris par les officines obscurantistes et des renseignements à la solde de puissances occultes ou en rivalité entre elles.

 

 

 

Signataires

BA Abdoulaye,  Juriste, Ecrivain-Journaliste (Mauritanie)

BABA Mohamed, Professeur (France)

BILAL ABEID Brahim, Professeur, Président de la Fondation SAHEL (Mauritanie)

OULD IMIGINE, Journaliste, Président forum Elawassir (Mauritanie)

OULD MERZOUG Abidine, Ingénieur (Allemagne)

OULD MOUSTAPHA Ahmed Amou, Radiologue (France)

OULD WERZEG Bilal, Diplomate (Mauritanie)