Conférence de presse des FPC «La célébration du 28 novembre à Kaédi est une manipulation et une provocation du pouvoir vis-à-vis des populations négro-africaines qui n’ont pas fini de sécher leurs larmes», dixit Samba Thiam, président des FPC.

24 November, 2017 - 02:33

Le président des forces patriotiques du changement (FPC), M.Samba Thiam a tenu, ce jeudi, à midi, une conférence de presse au siège de son parti, situé près de l’hôtel  Ikarama, à Sebkha.

A cette occasion, le président des FPC a abordé plusieurs questions de l’heure. La célébration des festivités de l’indépendance, le 28 novembre à Kaédi, le projet de régionalisation en gestation du pouvoir, l’emprisonnement des parents d’élèves à Sélibabi,  l’affaire Ould Mkhaïtir et la participation des FPC au G8.

28 novembre à Kaédi : « Une manipulation et une provocation »

Abordant le premier point, le président des FPC  n’est pas passé par quatre chemins. Pour lui, organiser les festivités de l’indépendance à Kaédi est non seulement une manipulation grotesque, mais en même temps, une provocation des populations de la vallée. Pour Samba Thiam, les populations de la vallée ont d’autres priorités, d’autres préoccupations  que de festoyer.  Elles souffrent de plusieurs maux dont notamment l’enrôlement. Il n’est un secret pour personne que nombres de négro-mauritaniens  peinent  à s’enrôler et si ça continue, certains deviendront des apatrides puisque, selon les informations, l’enrôlement des adultes prendra fin en décembre 2018.

Une provocation  parce que le 28 novembre n’est plus une  fête nationale  pour réjouir, mais un deuil pour les négro-africains qui ont perdu les leurs, le 28 novembre à Inal, ou à l’occasion des évènements douloureux des années 86 -90.. Et le président des FPC de prévenir : tant que le « génocide » perpétré par le régime d’Ould Taya n’est pas réglé, il est inopportun de se réjouir. Tant que le dossier du passif humanitaire n’est pas apuré, estime  Samba Thiam, « certains mauritaniens célébreront cette fête dans la joie, d’autres  dans le deuil. »

Et pour régler ce dossier définitivement, il n’y a pas d’autres  voies que d’accepter  les 4 devoirs : devoir de vérité, devoir de réparation, devoir de justice et devoir de mémoire,  avec au bout une réconciliation nationale. Il n’y a pas de stabilité sans  réconciliation et il n’y a pas de réconciliation sans justice, pense M. Thiam. Quelques pécules  ne suffisent pas pour évacuer ce drame humain que le pays a connu. On doit savoir qui a fait quoi, qui a donné les ordres  pour que jamais plus ça en Mauritanie, tonne Samba Thiam.

Libye : un débat  de fond s’impose entre l’Afrique Noire et le monde arabo-musulman sur le racisme

 Abordant ce qui se passe en Libye, avec des images de ventes aux enchères des migrants noirs, Thiam parle d’ignominie et de barbarie abjecte, inacceptables au 21 siècle que tous les démocrates du  monde doivent condamner et dénoncer. L’Afrique Noire se sent  touchée voire agressée dans sa dignité.

Pour Samba Thiam, ce qui vient de se  passer dépasse le cadre Libyen, il touche  le traitement  subi par  plus de 80 millions de noirs au Maghreb, en particulier, et dans le monde arabo-musulman, en général. Il sévit  un racisme en Algérie, dit Kamel Daoud.  C’est la raison pour laquelle, le président des FPC  estime qu’un débat de fond s’impose  entre l’Afrique Noire et le Maghreb, entre l’Afrique Noire et le monde arabo-musulman en général , un débat qui abordera la responsabilité historique de ces derniers  dans la traite transsaharienne  de dizaines de millions d’africains noirs  que l’on pourrait  qualifier, pense M. Thiam de «Naqba » africaine.

 Le président des FPC dénonce le fait que des intellectuels africains se plaisent à critiquer et à stigmatiser l’Occident qui a fait son mea culpa en la matière, mais épargnent bizarrement les intellectuels du  monde arabo-musulman, comme par «solidarité religieuse ». Pourtant,  s’étonne  Samba Thiam, la traite transsaharienne fut plus, sinon aussi désastreuse que celle transatlantique par sa cruauté (castration  entraînant plus de 80% de perte), et par son ampleur (plus de 20 millions de morts) et par sa durée, 14 siècles.

Projet  de régionalisation : « Nous attendons de savoir le contenu de ce projet en gestation »

Sur le projet de régionalisation dont  parlent les médias ou de ce qui  fuite du comité de suivi du dialogue, si ces rumeurs  se confirmaient, Samba  fait observer qu’il  s’inspire de la proposition de son parti,  une  décentralisation poussée, mais déplore le fait  que certaines  dimensions  essentielles de l’objectif général  du projet  sont dévoyées, qu’il arrache le Guidimakha de son ancrage géographique et économique pour le rattacher à l’Assaba.

En effet, rappelle le président des FPC,  la régionalisation préconisée par son parti  a pour but principal  de résoudre, à  défaut d’atténuer  les tensions  tribales et ethniques récurrentes  dans notre pays, en s’adossant  sur les aires naturelles, homogènes  des composantes  culturelles nationales. Si pour les régions de l’Est (élevage)  et du nord (mines), ce critère semble avoir été respecté, il reste que pour la vallée du fleuve (agriculture), on lui a une fois de plus, dénié sa spécificité et son identité historique…Le Guidimakha, le Fuuta, le Waalo, doivent constituer  une région, à part entière, homogène à plusieurs égards.

Il faut, exige le patron des FPC corriger le projet en gestation, et renoncer, pour de bon, à cette volonté inavouée  et obstinée  de  « domination  et d’assimilation », car le vivre ensemble requiert  le respect des différences ou des identités respectives.

Sélibaby: « Le gouvernement ne compatit pas au malheur des citoyens »

 Relativement aux événements de Sélibaby, qui ont vu l’arrestation et l’emprisonnement des  parents d’élèves pour avoir réclamé  les enseignants pour leurs enfants, le président des FPC, tout en réjouissant du début de leur libération,  croit  fermement que le pouvoir ne compatit pas aux problèmes des populations, sinon comment  emprisonner des parents d’élèves  désemparés face à  leurs enfants privés d’enseignants, privés  donc d’éducation qui est un droit reconnu par la constitution ? Samba Thiam condamne l’attitude des autorités administratives locales et déclare la solidarité de son parti aux victimes.

Affaire M’Khaitir : « ambigüité  des relations entre le président Aziz et les islamistes radicaux »

A propos de l’Affaire M’Khaitir et des manifestations qui ont suivi  sa  libération, le président Thiam  l’explique par les agitations qu’Ould Abdel Aziz entretient avec les islamistes radicaux. Tant que ça l’arrange, il laisse faire, et si ça le dérange ou le met-en mal avec l’opinion internationale, il sévit, remarque le président des FPC. Et de rappeler, que le président Aziz  avait reçu  les islamistes venus  réclamer la tête du blogueur  accusé de « blasphème » devant les grilles de la présidence, promettant une sanction contre le  blogueur, avant de refuser leurbmanifestation, le vendredi qui a suivi le verdict, ensuite  de l’autoriser, une semaine plus tard et enfin décider de durcir le code pénal, en son article 306 pour les calmer. Samba Thiam dénonce cette « ambigüité »  du gouvernement qui cherche constamment à mystifier l’opinion international. Au FPC, nous refusons  l’instrumentalisation de l’islam pour appeler  à la mort, martèle Samba Thiam qui   prône  l’islam pacifique et tolérant que le monde musulman a connu par le passé.

Comparant ce qui se passe aujourd’hui chez nous et en Arabie Saoudite, référence  en matière d’Islam et d’orthodoxie, le président Samba Thiam salue l’attitude du nouveau prince héritier qui prêche la lutte contre la corruption et qui  adapte son pays à l’évolution du  monde moderne, en incitant à la réécriture du dogme, en  autorisant les femmes à conduire. Pendant ce temps là, la Mauritanie se radicalise  et les islamistes radicaux appellent au meurtre.

Enfin évoquant la place des FPC au sein du G8, Samba Thiam reconnaît qu’il n’y a pas de nuages et que son parti joue sa partition se réjouissant au passage que l’opposition a gagné son pari en faisant échec au référendum du 5 aout dernier. Nous travaillons au sein du G8 pour une rupture d’avec les pratiques actuelles, pour la refondation de la Mauritanie, une mauritanie juste et égalitaire pour l’ensemble de ses fils.