Echos de la campagne à Aleg

18 June, 2014 - 13:31

Election présidentielle 2014 : dernière ligne droite

Plus que quelques jours avant le scrutin présidentiel du 21 juin 2014 où cinq candidats sont censés croiser le fer. Objectif : la présidence, durant cinq ans, de la République islamique de Mauritanie. Normalement, il ne devrait rien se passer de spécial. Le chef sortant devrait rempiler, selon tous les avis recueillis, çà et là, nonobstant certaines réserves, émises beaucoup plus par sentiment que par raison. La campagne électorale se poursuit aussi timidement qu’elle a commencé. Avec ce sentiment, généralisé,de jeux déjà faits, c’est quasiment naturellement que le grand faste des campagnes d’une certaine époque est aux abonnés absents.

 

Générosité circonstancielle

Au cours de son passage impromptu à l’hôpital d’Aleg, le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz s’est fendu d’une prodigalité conjoncturelle, avec la distribution d’argent aux malades et à certains fonctionnaires de l’hôpital. C’est l’un de ses fils qui s’est chargé de ces opérations incontestablement providentielles. Visite improvisée, au demeurant. Suite, dit-on, à une requête d’enfants, lors du meeting populaire organisé au stade, priant le Président d’aller constater, par lui-même, la situation catastrophique de l’hôpital.

 

De la viande à Cheggar

En cette période particulièrement difficile, si le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) a distribué des centaines de tonnes de produits alimentaires (blé, haricots et huile) dans toutes les communes du Brakna, les gens de Cheggar ont eu l’heureuse surprise de recevoir, en plus, des quartiers de bonne viande. Simple coïncidence ou senteur… campagnarde ? Peu importe : quand il y a le blé, les haricots, l’huile et la viande, on est parti pour un excellent et succulent couscous. Ah, si tous les jours de l’année pouvaient être de campagne électorale !

 

Fuite des barons

Les populations ne sont pas très motivées. La preuve, les tentes restent quasiment toujours vides. La règle, naguère, était de verser, à leurs locataires, un petit pécule quotidien –entre 8 000 et 10 000 UM, généralement. Or, cette fois, cette somme n’a été donnée que très irrégulièrement, après force acrobaties et feintes de corps. Les responsables locaux, pompeusement appelés « barons », n’ont pas trouvé mieux que disparaître complètement de leur domicile,le jour, pour ne réapparaître que très tardivement, pour rencontrer quelques rares proches, et disparaître à nouveau. Selon certains observateurs, ces barons racontent, à qui veut l’entendre, qu’il n’y a pas d’enjeu, puisque les adversaires d’Aziz ne font pas le poids et ne constituent aucune menace. Alors, pourquoi claquer un argent si difficilement acquis, à leurs risques et périls ?

 

Soirées moroses

Les différentes tendances de l’UPR organisent, à tour de rôle, des soirées « en haut en haut », destinées à sensibiliser les populations à voter pour Aziz, et « en bas en bas », simple prétextes à défilé de mode où les responsables régionaux de la campagne et quelques cadres exhibent boubous exagérément cousus de fils jaunes et blancs. Très moroses, ces soirées durent, parfois, tard dans la nuit, occasion, pour les applaudisseurs patentés, de déclamer toutes sortes de déclarations, en poésie et en prose.

 

PUD et UDP : Vive Aziz !

Le Parti de l’Unité et du Développement (PUD) et l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP), deux formations de la majorité, battent campagne en faveur du sortant. Le PUD a organisé, vendredi 13 juin 2014, un meeting populaire à Boghé. Au cours de ce rassemblement, ses responsables ont donné de la voix, pour demander aux centaines de personnes présentes de voter pour le sortant.

 

Surveillance rapprochée

Visiblement, les autorités entendent tenir les cadres à l’œil. La confiance envers les représentants officiels de l’Etat (autorités administratives et sécuritaires) ne semble pas entière. C’est pourquoi l’Etat aurait-il fait appel, cette fois, aux hommes d’affaires proches du candidat président. Des équipes ont été envoyées, dans toutes les communes et moughataa du pays, afin « d’évaluer les prestations » des cadres étatiques et leur degré d’investissement, jugé à l’aune de pièces sonnantes et trébuchantes, dans la campagne de réélection.

 

Camp militaire pour la campagne

A quelques centaines de mètres de la 7ème Militaire et du Bataillon blindé, une « cinquaine » de tentes aziziennes est implantée. Une banderole renseigne que ce sont les tentes des officiers militaires pour la réélection d’Aziz. Comme une provocation narguant la CENI d’Aleg dont le responsable ne semble pas bien comprendre cette curieuse appellation.

 

Meetings à Boghé : Biram mieux que Sarr

Vendredi 13 juin 2014, le candidat Sarr Ibrahima Moktar, arrivé très tard la veille, a organisé un meeting populaire à Boghé. A peine quelques dizaines, peut-être une centaine de personnes y auraient pris part. L’AJD n’était pas dans ses grands jours (grandes nuits), puisque le meeting a été organisé bien après 23 heures.

Birame Ould Dah a parlé, lui aussi, de nuit, mais devant trois à quatre cents participants. Sarr et Birame, deux noctambules. Les deux hommes semblent puiser dans le même réservoir électoral. Selon des analystes-maison, le responsable d’IRA devrait attirer bon nombre de l’électorat de « l’homme à la vache ».

 

« Aziz est la main malfaitrice de Maouiya », dixit Birame

Au cours de son meeting de Boghé, le candidat Birame Ould Dah Ould Abeid a accusé Ould Abdel Aziz de n’être que la main dont s’est servi l’ancien président Maouiya Ould Sid Ahmed Taya, pour perpétrer toutes les atrocités commises à l’endroit des Mauritaniens, au cours des tragiques événements de 89/90. Selon Birame Ould Dah, Ould Abdel Aziz n’est en réalité qu’une copie conforme de l’homme qu’il a destitué, avec une junte militaire, en 2005.

 

Campagne sans moyens

Quelques anciens cadres du PRDS, devenus nouveaux cadres de l’UPR, déplorent le manque de moyens pour entreprendre une bonne et efficace campagne. Les quelques rares qui en détiennent ont les « bras coupés » jusqu’aux épaules. Malgré cela, certains, comme l’ancien Bâ Bocar Soulé, assis sous son hangar, en plein Bagodine, entouré de son staff, fait contre mauvaise fortune bon cœur, en essayant de faire avec ses maigres moyens de bord. Comme lors de chaque campagne en faveur du pouvoir, le président du conseil d’administration de la SNDE a sillonné tous les villages de sa commune, pour exhorter les populations à voter, massivement, pour le Président sortant.

 

Tubes de Maouiya en vogue

La campagne électorale pour la présidentielle de juin 2014 constitue une bonne occasion, pour les nostalgiques de Maouiya, de ressortir les jolis tubes musicaux qui vantaient l’homme et ses « prouesses ». Circulant en voiture, certains mettent à fond le volume de leur radio-cassette, pour faire entendre, de gré ou de force, les chansons d’El Kitab (le livre), El Kheyr jana vemjikoum et autres. Cela fait quelque peu que d’aucuns mauritaniens affirment, haut et fort, qu’avec Maouiya, tout n’était pas si mauvais qu’on veut le faire croire. Des associations sensibilisant aux réalisations de Maouiya et des groupes d’amis commencent à voir le jour, pour réclamer le retour de l’ex-président, réfugié au Qatar depuis 2005. Comme en 2009, des rumeurs ont propagé l’information selon laquelle OuldTaya pourrait se présenter à l’élection présidentielle de juin 2014.

 

« Agir pour la République » s’active

L’initiative des jeunes cadres UPR de Boghé, Agir pour la République, participe activement à la campagne de réélection du Président sortant. L’initiative a ouvert trois sites d’animation àBoghé même et trois autres dans les communes de Dar El Avia, Ould Birome et Dar El Barka. Elle a aussi organisé plusieurs soirées d’animation, dans les différents quartiers de la ville, ainsi qu’un bureau central de coordination et d’orientation où des équipes permanentes facilitent les procédures de retrait des cartes d’électeurs et la désignation des bureaux où les gens devront aller voter, le 21 juin prochain.