Rentrée politique : Calme troublant

26 October, 2017 - 02:00

Le tumulte qui a entouré et accompagné l’arrestation du sénateur Ould Ghadda et l’implication présumée  de l’homme d’affaire Mohamed Ould  Bouamatou, dont le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz s’est déclaré ennemi juré, le placement sous contrôle judiciaire d’autre sénateurs, syndicalistes  et journalistes, sont en passe  de se calmer. Un calme cependant qualifié d’« assourdissant », par les observateurs. Nombre de citoyens  se demandent  d’autant plus de quoi demain sera fait que l’hivernage a été calamiteux.

Sur le plan politique, on s’attendait à la démission du gouvernement, au lendemain de la proclamation des résultats du referendum du 5 Août, conformément à la tradition démocratique. Ould Abdel Aziz a préféré maintenir le suspens. Un gouvernement pourtant décrié dont les membres ne gèrent  que le quotidien. L’essentiel des décisions, même les plus  élémentaires, se prennent au sommet, par un Président qui concentre tous les pouvoirs. C’est peut-être pourquoi les populations  viennent s’agripper aux grilles du Palis gris pour plaider leurs causes : eau, gazra, chômage, litiges fonciers etc. Mais cette ardeur semble céder, depuis quelque temps, au découragement, voire à  la résignation…

Des rumeurs pressantes laissaient croire, la semaine dernière encore, que la démission du gouvernement était imminente, certains ministres, dont le premier  d’entre eux, allaient perdre leur fauteuil, d’autres gagneraient en galons, notamment l’actuel patron de l’économie et des finances, Ould Diay, pourtant lui-aussi fortement décrié.

L’homme jouit d’une confiance certaine du palais et  serait, affirment certains, le PM bis. Il ne dispose cependant ni de l’étoffe et de la compétence pour  diriger un gouvernement de combat en vue de 2019. Autre handicap pour l’homme de Maghta Lahjar : la  règle de répartition qui voudrait que le PM soit issu des Hodhs, considérés comme des bastions électoraux  des pouvoirs en place. Une règle non écrite que le président d’El Wiam, Boydiel ould Houmeid, n’apprécie guère et l’a fait récemment savoir, dans une déclaration.

A en croire certaines confidences, le remaniement ministériel serait  bloqué ou retardé par le différend qui opposerait le Premier ministre, Ould Hademine, et le patron du principal parti de la majorité présidentielle, maître Sidi Mohamed ould  Maham. Des divergences en perspective de la succession au Président. Dans ce même cadre, on évoque le retour aux affaires d’Ould Mohamed Laghdaf, renvoyé, il y a quelques mois, du stratégique poste de ministre secrétaire général de la Présidence, suite  à une présumée « dénonciation » d’Ould Hademine, un de ses adversaires politiques les plus résolus. Engagé fortement dans son bras de fer avec les sénateurs, lors de son projet de referendum, Ould Abdel Aziz n’aurait pas supporté  le refus présumé de son ami et proche, Ould Mohamed Laghdhaf, d’« accompagner » le Premier ministre en mission de sensibilisation aux  Hodhs, justement sur le referendum.

Cependant l’opposition démocratique trouve l’ex-Premier ministre, plus « fréquentable » que son successeur. Durant  tout son  passage à la tête du gouvernement et au secrétariat général de la Présidence, Moulaye, pour les intimes n’aurait, en effet,  jamais « fait de vagues », ni insulté l’opposition. Son gouvernement fut considéré comme le plus « représentatif » de l’ensemble des Mauritaniens.

Autre angle de vue, les nouvelles perspectives concernant le 3ème mandat. Après avoir gagné son pari de se séparer de l’encombrant Sénat, le président Aziz laisse toujours planer le doute sur le désir de ses suppôts  réclamant, il y a encore peu, la modification de la Constitution (art 26) qui lui permettrait de briguer un nouveau mandat. Il a certes répété, plusieurs fois, qu’il respectera la Constitution limitant le nombre de mandats présidentiels à deux. Mais les sceptiques croient, dur comme fer, que l’actuel locataire du Palais gris aurait plus d’un tour dans son sac  et  n’excluent pas un scénario à la Kabila, en RDC, voire, carrément, un changement de République. En tout cas, la réduction d’un éventuel congrès parlementaire à la seule Assemblée nationale, toute à la botte du pouvoir, a singulièrement modifié la donne…

Côté opposition, on constate également un silence étonnant, pour ne pas dire tout aussi assourdissant. Durant tout l’été, le FNDU et le RFD qui avaient réussi  à organiser un front anti- referendum  ont brillé par leur absence sur le terrain. Certes, les vacances y seraient pour beaucoup mais n’expliquent pas tout. Le mutisme du G8, sur le feuilleton politico-judicaire d’Ould  Ghadda, Ould  Bouamatou et consorts, sur les perspectives sombres de l’année  qui a enregistré un fort déficit pluviométrique, sur la dépréciation de l’Ouguiya et la dégradation continue des conditions de vie des citoyens, laisse  plus que perplexe. Aujourd’hui, aucune rentrée politique n’est annoncée par les acteurs. Un calme décidemment fort troublant, non ? Amateurs d’anguilles, fouillez sous la roche !

DL