Autour d'un thé

14 September, 2017 - 01:03

Nous revoilà revenus vers vous après un semblant de vacances. De je ne sais combien de jours. Vous savez pourquoi ? Parce que j’ai tellement vu et entendu, durant ces jours, de choses tellement extraordinairement extraordinaires. J’ai raté la prison, moi à la « bouche chaude », puisque, le jour où les trois flics sont venus chercher notre patron, pour l’amener se faire entendre aux services de la police des crimes économiques, juste encore quelques minutes avant mon départ, j’étais encore là. Bonjour, mon général Lapalisse ! J’ai raté, d’un cheveu, d’être un héros ! Attention, il ne faut plus jamais accepter le moindre don ! Ni argent. Ni voiture. Ni chemise. Ni même pas rien. Puisque c’est, selon nos juridictions nationales, un crime très grave, passible de plusieurs années de prison. Il ne faut plus donner en Mauritanie ! Ni recevoir. Ni parler. Ni enregistrer. Attrapez vos mains, attrapez vos langues, fermez vos téléphones ! Avant, on jugeait ceux qui prennent les biens des autres. Maintenant, on juge ceux qui donnent les leurs. C’est le monde à l’envers. Ceux qui donnent, ceux qui prennent, même combat, même crime : volonté manifeste de déstabilisation et comités secrets de bandits de grands chemins, sur base de gabegie transfrontalière et de crimes organisés, via mandats et dons d’argent de villas et de voitures de luxe. Les sujets doivent être sur le « cœur » de « l’imam ». Il ne faut pas donner. Il  ne faut pas recevoir. Sauf en période exceptionnelle. Quand il y a un coup d’Etat à valider, une campagne électorale à financer ou une délégation de parlementaires à envoyer, aux frais de la princesse – mille euros/jour, payés par qui vous savez… – légitimer un coup d’Etat contre un président démocratiquement élu. « Oh que je te hais, ô Chriv, et que j’aime le lait de tes brebis » ! Je connaissais  « faut pas bouger », un célèbre tube musical, Mais « faut pas donner », jamais vu, jamais entendu. Comment faire l’apologie de la pingrerie ? De la cupidité, de l’avarice. Pauvre presse ! C’est de quoi qu’elle vit cette pauvresse ? Ou ce qui en reste. Le pouvoir est, avec elle, un peu comme le gendre des autres. Quand je dis pouvoir, suivez mon regard, c’est juste une façon de parler. Le gendre qui ne donne « pas rien », à ses beaux-parents et qui ne laisse personne leur donner « pas rien ». La chienne des Ehel… qui urine sur leurs tapis, mange leur dîner et se fâche contre eux. Ce n’est pas exactement cela mais, c’est tout comme. Ne rien donner à la presse. Interdire aux autres (établissements publics et bonnes volontés) de lui donner. Puis l’emprisonner. C’est vraiment beau, tout ça ! Ça doit trembler tout haut. Du côté de bas. De vers la BCM, en passant par la Présidence. Parce que, si la faute de mes collègues journalistes, c’est de connaître un citoyen mauritanien qui les aide à accomplir leur honorable mission, ah là, ça doit agrandir les prisons et multiplier les commissariats de lutte contre les crimes économiques ! Il faut même penser à des commissariats et à des prisons où ne séjourneraient que les VIP. Des magistrats spéciaux pour les interpeller et les mettre, éventuellement, aux frais ou sous contrôle judiciaire. Une direction générale de la Sûreté nationale, pour les retirer passeports et carte d’identité nationale. Ce n’est pas facile de digérer tout à la fois : rébellion des sénateurs/indiscrétion grave sur de probables grosses affaires de gabegie/nouvelle version de l’affaire Tweila/déroute électorale au cours du dernier referendum/vote des militaires/mensonges et opacités de quelques hauts responsables du système… Tout ça, ça fait beaucoup de désillusions. Surtout quand on a dansé d’enchantement, en voyant les foules rassemblées, partout, à l’intérieur et à Nouakchott. Surtout quand on a vu des dizaines de milliers de gens extraordinairement mobilisés. Ça valait bien une belle envolée lyrique de danses, insultes, accusations à cette bande de truands qu’étaient ces sénateurs inutiles, à cette virtuelle opposition qui ne convainc personne. La preuve : regardez-moi vibrer, danser, invectiver, sur une tribune érigée dans l’espace de l’ancien aéroport de Nouakchott. Autre message. Salut.

Sneiba El Kory