Troisième mandat: Quand Aziz maintient le flou

17 August, 2017 - 02:17

Le referendum du 5 Août est derrière les Mauritaniens qui scrutent déjà l’horizon, pour connaître l’orientation que le président Mohamed ould Abdel Aziz, sorti moyennement revigoré,  de son combat contre les sénateurs, ou moyennement affaibli, c’est selon, par leurs coups de boutoir, entend prendre, dans la perspective de 2019.

Trouver un  moyen de conserver le pouvoir, au-delà de l’échéance, ou une porte de sortie honorable de la présidence ? That is the question qui semble posée au Président. L’homme peut céder à la pression de son entourage, de tous ceux qui ont eu à profiter de sa proximité et manœuvrer pour rester au pouvoir. En tel cas, il aura à trouver le moyen de déverrouiller la Constitution, pour briguer un troisième mandat. Enième putsch contre la légalité,  diront ses détracteurs. Ould Abdel Aziz, conscient, même s’il peut  le nier,  que la situation économique du pays n’est pas rose et que les bailleurs de fonds  hésiteront avant d’investir leurs sous dans un pays où les tensions politiques sont vivaces, se hasarderait-il  à hypothéquer  les réalisations à son actif, depuis 2009 ? Il a  fini de marquer, de son empreinte l’histoire du pays, notamment en modifiant les couleurs du drapeau et en changeant le texte de l’hymne national. Aller plus en avant, en changeant de République, voire le nom du pays, comme l’a ironisé quelqu’un ? Fûté, l’homme n’est pas bête, reconnaissent plusieurs de ses adversaires politiques, et ne devrait pas aller jusque-là, avancent divers observateurs de  la place. Il ne tient pas, comme il l’a laissé entendre à nombre d’acteurs politiques  qu’il a eu à recevoir, à compromettre tout son bilan, la lutte contre la corruption, les infrastructures de base, etc. D’autant moins que de tels coups d’éclat ne feraient que renforcer la tension politique née de son coup d’Etat,  en 2008. On le voit mal, en effet, réussir  à convaincre l’opposition qu’il traite de tous les maux et noms d’oiseau, de le suivre dans sa lancée. Elle cherchera à le contrarier, par tous les moyens.

L’autre éventualité, c’est sortir tête haute, en 2019. Cela passe nécessairement, par l’organisation d’élections crédibles auxquelles prendra part l’opposition qualifiée de radicale. Non seulement il en sortira grandi mais il peut, de surcroît, servir de modèle en Afrique, à l’image d’un Abdou Diouf, d’un Alpha Oumar Konaré, d’un John Dramani Mahama(Ghana) ou du général  Sékouba  Konaté de la Guinée…L’Afrique n’est pas gouvernée que par des prédateurs de la démocratie. Ces hommes  l’ont fait avancer dans leur pays, contrairement à Paul Biya, au Cameroun ; Kabila, en RDC ; son voisin, Denis  Sassou-N’Guesso ; l’Ougandais Yuwéri Museveni, etc. La liste est trop longue, hélas, de ceux qui se sont crus et se croient indispensables à la tête de leur pays ou de ceux qui pensent « Après moi, le déluge ! »

Ould Abdel Aziz a toutes  les chances de compter parmi les grands de ce monde ; il ne doit pas les gâcher par un entêtement destructeur ou excès d’égoïsme. D’autant moins que le referendum a montré les limites de la mobilisation de ses soutiens qui ont peiné à convaincre les Mauritaniens, malgré la corruption, de plébisciter le referendum. Ce désaveu sonne comme une alerte. Le Président doit en tirer toutes les conséquences et, partant, éviter l’aventure. Modifier la Constitution pour rester au pouvoir est devenue, depuis quelques années, une espèce de mode pour certains chefs d’Etat. C’est à ses dépens qu’en dépit du soutien des Occidentaux, pour ses médiations  dans la lutte contre le terrorisme, le président Compaoré a entendu la nuance entre mode et loi. Quant à N’Kurunziza, il a fini de plonger son pays dans un conflit armé sans précédent… Ould Abdel Aziz ne voudra certainement pas cela pour son pays. Il peut certes modifier la Constitution, pour rester au pouvoir, comme il peut frauder pour emporter la présidentielle en 2019. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ?

Cela dit, le président de la République se refuse à clarifier définitivement cette histoire de troisième mandat. Il entretient le flou, au sein de l’opinion. Sa sortie solennelle du 20 Octobre dernier était trop prématurée, croit savoir un observateur de la place, et l’on assiste, du coup, comme à une espèce d’improvisation, au sommet de l’Etat. Bien dans l’âme mauritanienne qui répugne aux chemins trop précisément tracés, la situation n’arrange, pourtant, ni le pouvoir ni son opposition. Car le peuple, confronté, lui, à l’incertitude croissante de son quotidien, leur demande des réponses vraiment aptes à le soulager.

DL