Lettre à Monsieur Cheikh o. Baya, Maire de Zouerate

1 August, 2017 - 20:04

Objet : Bref historique de l’hymne national

 

Monsieur le Maire,

J’ai pris connaissance de votre discours relatif à l’hymne national, discours prononcé en présence du chef de l’Etat. J’ai été surpris par l’amalgame que vous avez fait entre l’auteur du poème devenu plus tard texte de l’hymne national, les colonisateurs français et les goumiers.

Pourquoi surpris ? Parce que vous êtes censé avoir, en tant qu’officier supérieur, une bonne culture générale en histoire et géographie.

Or le poème en question a été composé par Mr Baba o. Cheikh Sidia à une époque qu’on pourrait situer entre la fin du 19èmesiècle et le début du début 20ème siècle. Une certitude est qu’il a été composé avant janvier 1924, mois de décès de l’auteur.

A quelle date ce poème est-il devenu le texte de l’hymne national ? Au début de l’année 1960, soit 36 ans après le décès de son auteur survenu en janvier 1924. Le premier président de la Mauritanie aurait désigné une commission chargée de lui proposer un hymne national. Cette commission lui a proposé le poème en question, rapidement mis en musique par le célèbre Sidati o. Abba.

C’est vous dire qu’à l’époque où le poème a été composé, la notion d’Etat était inconnue chez nous, à fortiori celle d’hymne national.

Ce poème et bien d’autres poèmes, ainsi que de remarquables ouvrages sans précédant dans la région d’Afrique du nord et de l’ouest, que vous pourrez consulter si jamais l’envie vous prendra de connaître l’œuvre léguée par l’illustre personnage qu’est Baba o. Cheikh Sidia, traitent tous du même thème central : retour à l’Islam originel, celui enseigné et pratiqué par le prophète Mohamed, ce qui implique une farouche opposition à toutes les hérésies et dérives observées à l’époque chez certaines voies religieuses. 

C’est d’ailleurs la noblesse de sa voie qui a donné à Baba o. Cheikh Sidia la force morale et l’ouverture d’esprit qui lui ont permis de gagner tous les combats qu’il a menés.

Monsieur le maire veut faire croire aux mauritaniens que ce poème a été inspiré par les colonisateurs français ; je l’invite à le lire en entier et à en méditer la signification ; il comprendra alors que son contenu va à l’encontre de certaines des valeurs de la civilisation occidentale et qu’il constitue un véritable appel à la résistance culturelle.

Qui peut croire un seul instant que les colonisateurs auraient inspiré un texte qui appelle à suivre la voie tracée par le prophète Mohamed et à rejeter tout ce qui va à son encontre ?

Par ailleurs, vous semblez, Monsieur le Maire, donner au terme « goumier » une connotation fortement péjorative.Sachez que pour beaucoup de mauritaniens, le métier de goumier est très honorable.  

Les goumiers ont été recrutés, formés et armés par les français pour les aider à pacifier le pays. Ils ont été un noyau pour la future armée mauritanienne.

Pour moi, l’honorabilité des goumiers réside dans le fait qu’ils ont combattu, à l’aide des armes fournies par les français,  les bandes de pillards qui descendaient de la moitié nord du pays vers les régions du sud pour enlever par la force les biens matériels, le bétail et même les personnes pouvant être vendues comme esclaves.

Les deux parties (colonisateurs et goumiers) menaient lemême combat mais pour des objectifs différents :

- Les français voulaient établir une jonction entre leurs colonies de l’Afrique de l’ouest et l’Algérie « française » ;

- Tandis que les goumiers profitaient de l’armement et de l’entraînement reçus pour refouler les agresseurs venus du nord, sécuriser leurs biens et rétablir la paix chez eux.

Par la suite, au fur et à mesure de leur avancée vers le nord, les français ont recruté des goumiers originaires des régions septentrionales du pays.

Enfin, Monsieur le Maire, j’aimerais bien vous rencontrer, si vous avez l’occasion de séjourner à Nouakchott, pour approfondir avec vous certains points et vous fournir les références bibliographiques qui vous permettraient de connaître qui est Baba o. Cheikh Sidia.

 

Bien cordialement

Baba o. Ismail o. Boumediana