Assemblée Nationale : Haro sur l’Agence d’enregistrement des titres sécurisés

10 June, 2017 - 19:38

 L’Assemblée Nationale a tenu une session ordinaire au cours de laquelle l’honorable député de Tawassoul Toutou Mint Taleb Nav’e a adressé une question orale au ministre de l’intérieur et de la décentralisation relative à l’état-civil en Mauritanie. Dans l’énoncé de sa question, la parlementaire a reconnu l’importance d’un enregistrement biométrique qui permet l’établissement d’un état-civil fiable. Mais, selon l’élue de Tawassoul, les procédures auxquelles sont soumis les citoyens sont tout simplement humiliantes et dénotent d’un mépris caractérisé. Selon elle, les centres d’enrôlement sont complètement délabrés et ne disposent pas du matériel nécessaire pour accomplir convenablement la mission qui leur est impartie. Dans sa question, madame la députée a demandé l’adoption de mesures exceptionnelles au profit de certains groupes sociaux vulnérables, notamment les Harratines ou les rapatriés. Dans leurs interventions, quasiment tous les députés ont reconnu que les prestations au niveau des centres d’état-civil sont complètement déplorables. Les intervenants ont été unanimes que l’obtention des documents de l’état-civil en Mauritanie constitue un véritable parcours de combattant. Le cas des Mauritaniens résidents à l’étranger a été plusieurs fois signalé puisque les 17 centres de recensement établis dans certains pays ne suffisent pas à procéder dans les meilleures conditions à satisfaire les demandes incessantes de la diaspora nationale. Dans son intervention, le député de Tawassoul Mohamed Ghoulam Ould Hadj Cheikh a déclaré que le projet de l’état-civil souffre essentiellement de deux problèmes : l’autoritarisme de ses responsables qui n’ont aucune considération pour les citoyens puisqu’ils font ce qu’ils veulent sans tenir compte de rien et l’idée d’achat et de vente qui semble prévaloir depuis quelques temps dans toutes les actions du système. La variation de trente mille à quarante mille puis à cent mille ouguiyas du prix d’obtention d’un passeport puis de son renouvellement une première et une deuxième fois procède de cette logique de l’appât du gain. C’est selon le député cette même logique de vente et d’achat qui a motivé la rupture des relations avec le Qatar alors que vers les années 70, la Mauritanie entreprenait la médiation dans toutes les crises entre les Arabes comme par exemple elle l’a fait entre l’Arabie Saoudite et l’Egypte. Pour Ould El Hadj Cheikh, « le projet de l’état-civil est un projet de vente nationale, alors pourquoi pendant qu’on y est ne pas vendre le nord du pays à l’Algérie puisque nous avons tout vendu : notre dignité et nos relations  extérieures ». De son côté, le député Abdallahi Ould Breihem n’est pas allé de main morte dans l’énumération des disfonctionnements de l’état-civil et des peines et dommages que ses pratiques et responsables causent aux citoyens de l’intérieur et de l’extérieur en termes de mépris et d’humiliation. L’honorable député a décrit les péripéties des citoyens avant d’obtenir n’importe quel document d’état-civil. En cela, précise le député, les citoyens sont soumis aux mêmes souffrances : du plus lambda au plus officiel. Les problèmes posés pour les enfants mauritaniens nés à l’étranger, l’insuffisance des centres d’enrôlement comme pour tout Tevragh Zeina qui ne dispose que d’un seul, les erreurs à répétition dans la transcription des noms et autres indélicatesses des agents et responsables de cette institution qui retombent systématiquement sur la tête des usagers ont été signalés par le même député qui est allé jusqu’à proposer au ministère de l’intérieur et de la décentralisation la création d’un lexique des noms mauritaniens les plus usuels pour une bonne transcription de certaines données.  Dans son intervention, le député de Nouadhibou, El Qassem Ould Bellali a déclaré que s’il l’on fait un sondage national, on se rendra compte que malgré l’importance du projet de l’état-civil, les citoyens n’en ont plus envie à cause des comportements méprisants et humiliants de ses agents et de ses responsables. Selon lui, certaines missions de l’Etat ne doivent être confiées qu’à des personnes qui peuvent s’en acquitter correctement dans le respect de la dignité et de l’honneur des citoyens. Ould Bellali propose de procéder à une révision de parcours et à l’organisation des états généraux de l’état-civil pour apprendre aux responsables de cette institution les bonnes manières de servir les citoyens. Selon lui, « il est temps que les services de l’état-civil fassent une reconversion et respectent les lois de l’Etat, ses institutions et ses citoyens. La direction de l’état-civil doit respecter sa tutelle et les lois de la république. Tous les problèmes qui existent sont causés par le fait que les responsables ne dépendaient que d’eux-mêmes et échappaient à tout contrôle. Ils sont au dessus de l’Etat et de ses règles». Lorsqu’en 2008, le général Mohamed Ould Abdel Aziz renverse le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, il prit beaucoup d’engagements parmi lesquels l’usage des technologies de la biométrie dans la conception des documents nationaux d’identité à travers la création d’une agence nationale du régistre de la population et des titres sécurisés. Pour cela, un projet de décret fixant les modalités de mise en place et de fonctionnement de ce projet de fiabilisation et de sécurisation de ces documents a été adopté. C’est la firme française Morpho, filiale du groupe Safran qui a gagné le marché pour la mise en place du système dans un délai de huit (8) mois pour un coût de sept (7) millions d’euros. Depuis sa création, c’est un homme réputé être très proche d’Ould Abdel Aziz, M’rabih Ould El Welli qui fut choisi pour piloter le projet jusqu’à son débarquement il ya seulement deux semaines. En cinq ans (de 2012 à 2017) l’agence a engrangé selon le ministre de l’intérieur et de la décentralisation dix neuf (19) milliards cent quatre vingt (180) millions et poussière d’ouguiyas qui seraient toutes allées dans les caisses de l’Etat contrairement à ce que pensaient certains pour qui l’argent généré par la production des documents nationaux d’identification n’allait pas au trésor public. Le très puissant ancien directeur de l’agence dont la disgrâce est encore entourée de beaucoup d’opacité a été remplacé par le consul général de la Mauritanie au Congo/Brazzaville.

El Kory Sneiba