Démarrage de la campagne électorale pour la présidentielle du 21 juin : Un grand absent, le suspense

18 June, 2014 - 13:15

La campagne électorale pour le scrutin présidentiel du 21 juin a démarré le 6 juin, à 0 heure, sur toute l’étendue du territoire. Les six candidats en lice se sont adressés, comme à l’accoutumée, aux électeurs et électrices mauritaniens. Chacun a esquissé le projet de société pour les cinq ans à venir. C’est la tradition. Et les voilà donc partis pour deux semaines d’animation, discours, tournées à l’intérieur du pays, débats sur les différentes chaînes de télévisions publiques et privées… Mais, avant même l’arrivée de la course et comme nul ne l’ignore, le vainqueur est déjà connu : Mohamed Ould Abdel Aziz rempilera pour un second mandat de cinq ans avec la Mauritanie. Stabilité dans le changement. A moins que ce ne soit, comme disait notre bon Habib, la changité dans le stabilement…

 

Monts et merveilles

Dans leurs différentes adresses à leurs militants et sympathisants, les candidats ont tous tenu engagements d’améliorer les conditions de vie de leurs compatriotes, rendre leur vie meilleure… des promesses qui n’engagent, dans leur grande majorité, hélas, que ceux qui les écoutent. Ceux qui les tiennent les rangent, une fois élus, dans les tiroirs pour les ressortir, cinq ans après. Mais, bon, pourraient-ils ne rien promettre ? Ou promettre que les conditions d’existence vont empirer ?

Le candidat sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, s’attèlera, comme le dit un de ses slogans de campagne, à consolider les acquis de son premier quinquennat : infrastructures, bonne gouvernance, emplois des jeunes et, surtout, renouvellement de la casse politique. Un nivellement par le bas qui risque de s’accélérer, avec les boycotts de l’opposition et d’APP. Très disqualifié en conséquence, en tant que président de la République dont il s’est révélé incapable d’élever le débat, Ould Abdel Aziz a, cependant des atouts, pour ses ambitions gestionnaires, mais pourrait-il faire merveille, après ses six années d’expérience à la tête de l’Etat ? Les Mauritaniens qui auront voté pour lui, le sauront en 2015. En tout cas, même si le président Aziz peut se vanter d’avoir endigué la gabegie, d’avoir enregistré des performances macroéconomiques notables, de disposer de caisses pleines, il reste que le chômage des jeunes, la flambée des prix, la cohésion sociale, le passif humanitaire, la question de l’esclavage, la justice sociale, la justice tout court, l’absence de répartition équitable des richesses du pays, la déliquescence de l’administration, de l’école… demeurent de bien douloureux tendons d’Achille. Même si quelques efforts ont été accomplis ou, disons, la volonté politique affichée, il reste beaucoup à faire et… à refaire.

Espérons qu’au seuil de son second mandat, l’homme dont la réélection ne fait l’ombre d’aucun doute changera sa méthode de gérer le pays, desserrer un peu l’étau, responsabiliser son gouvernement, car on a eu comme l’impression, durant tout son premier mandat, qu’il était seul à décider. Il l’a lui-même dit, à « Jeune Afrique ». Or, quelle que soit son intelligence, un homme seul ne peut diriger un pays. Aziz doit décentraliser, déléguer, démocratiser, afin de permettre à son administration d’apprendre, au moins, à travailler, à prendre des décisions, au bon moment, au bon endroit. On ne peut pas gérer une adduction d’eau de Dar Naïm, à partir du Palais.

C’est probablement cette autocratie qui l’empêche de s’ouvrir à une opposition nantie de fortes têtes, des hommes qui savent ou osent dire non, quand une mesure les heurte. Pour l’avenir du pays et de son propre avenir, le candidat Aziz, qui s’est débarrassé de sa vareuse doit rompre définitivement avec le réflexe militaire.

Ceux qui ont choisi d’« accompagner », pour ne pas dire « servir de faire-valoir », au candidat Mohamed Ould Abdel Aziz, comme le prétend le FNDU, ont exposé leur programme. A quelques différences près, ils abordent, en vrac, la justice sociale, l’unité nationale, l’alternance par les urnes, le développement économique du pays, la répartition équitable de ses richesses etc. Ils ont promis, une fois élu, améliorer le quotidien des Mauritaniens qui en ont vraiment besoin.

 

Direction de campagne à deux têtes

Le super-favori dispose d’une direction de campagne à deux têtes ou à quatre pieds. Une curiosité qui révèle l’ambiguïté des rapports qu’entretiennent le Président et le principal parti de la majorité qui le soutient. Selon les méchantes langues, c’est la « gestion clientéliste » du président du parti qui serait à l’origine de cet état de fait, mais la réalité serait plus criante. En effet et selon certaines confidences, le directoire national de campagne choisi par Mohamed Ould Abdel Aziz, aurait décidé, fort de la confiance de celui-ci, de ne pas s’embarrasser d’un UPR encombrant, quand il s’est agi de composer son staff. Résultat, l’UPR, qui digère, très mal, cette mise à l’écart qui ne dit pas son nom, mène une campagne parallèle à celle de son mentor. Les lendemains d’élection risquent d’être fort périlleux, pour le principal parti de l’opposition.

 

AJD/MR : «  faire entrer la vache au palais »

Au cours d’un meeting organisé par l’AJD/MR à Arafat, les différents orateurs ont expliqué l’ambition de leur candidat, Ibrahima Moctar Sarr. Présidé par le directeur national de campagne, Cissé Mody, entouré du responsable à l’organisation, Yall Mamadou, et d’autres responsables nationaux et locaux, la rencontre a permis de dérouler le programme de leur candidat au fauteuil présidentiel – pour la troisième fois – qui entend refondre l’Etat, établir la justice et l’égalité entre ses fils, promouvoir le développement économique du pays…

Au cours de cette soirée très animée, les divers orateurs, après avoir rappelé la détermination de leur candidat, son militantisme et son courage, n’ont pas manqué de dénoncer les attaques contre sa personne. Ils ont, ensuite, décoché quelques flèches empoisonnées à l’endroit du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz qui perpétue le même système d’exclusion et de marginalisation des noirs de ce pays que celui d’Ould Taya. A l’endroit de l’opposition rassemblée au sein du FNDU, les intervenants ne leur pardonnent pas de n’avoir jamais dénoncé publiquement le « racisme d’Etat », le traitement infligé aux déportés puis rapatriés, la portion congrue laissée aux Noirs dans l’administration, l’armée et les forces de sécurité…

Pour mettre fin à tout cela, ils ont invité les Mauritaniens à voter pour IMS, le 21 juin, et lui permettre de « gouverner autrement le pays», instaurer la justice et l’égalité, susciter des emplois pour tous, répartir équitablement les richesses entre les fils du pays, réconcilier les Mauritaniens entre eux…

Biram, lui, a commencé sa tournée par la vallée après un premier meeting à Nouakchott. Au cours des différents meetings qu’il a animés, Il a réitéré son souhait de voir la Mauritanie rompre avec le sysstème esclavagiste qui la dirige depuis l’indépendance et d’autres thèmes qui lui sont chers.

Lalla Meryem et Boydiel ont, eux, préféré commencer leur campagne par Nouadhibou où leurs meetings n’ont pas drainé grand monde. Ils y ont quand même promis pas mal de choses. Comme pour Boydiel une multiplication des salaires par 10. On n’a pas fini de rêver. Et on en entendra encore d’autres.

Dalay Lam