Nouvelles d’ailleurs : Impérieuse nécessité de nous re créer....

27 August, 2014 - 01:54

En regardant autour de moi, en lisant, en écoutant, je me dis que notre pays est un pays de « murs », de surdités, d'aveuglements.

Plus les poncifs politiques tels que « Unité nationale », « Nation », « Indivisibilité », fleurissent, plus les fractures se creusent. Comme une relation de cause à effets mortifère...

Pour schématiser la construction de notre nation, on pourrait y voir 4 moments cruciaux, étapes qui ont profondément marqué notre perception du Vivre ensemble et de la citoyenneté dans un pays né de nulle part, revendiqué par le puissant voisin du Nord, le Maroc, pendant longtemps, un pays dont personne n'aurait parié un kopeck dessus à la fin des années 50, quand une poignée de jeunes idéalistes ont rêvé un Etat nation là où n'existaient que des émirats, des chefferies, des tribus, des castes, ensemble hétérogène « unifié » tant bien que mal par la colonisation française.

Ces 4 étapes sont : 1960 ou la grande euphorie, l'immense espoir ; 1966, la première fracture, en gestation déjà en 1960 ; 1975, la Guerre du Sahara et son pendant, 1978, le premier coup d'état militaire ; 1989.

Nous fumes 4 fois nouveaux citoyens d'une nouvelle République, la notion de citoyenneté à chaque fois un peu et floue et précise à la fois.

Patiemment la détestation de l'autre a été plus grande, plus forte, plus emprunte d'ignorances, jouant sur les peurs, les mensonges, les déformations, les clichés, les mots employés, les politiques mises en place...

L'arrivée de partis exclusivement « uniculturels », tels que les Nassériens ou les Baathistes, ou de mouvements uniquement « communautaires », tels que les FLAM, ont mis en lumière les réalités de notre Nation, à savoir une Nation profondément divisée.

Se sont agrégés à ces formations, des groupes de pensée et d'actions tels que l'IRA, centré sur les Haratins..Aujourd'hui est apparu un « mouvement des forgerons »... Demain on peut imaginer un « mouvement de défense des griots », un « mouvement de défense des znaga », un « mouvement de défense des Nemadis», un « mouvement de défense des Imraguens », etc, etc....

54 ans après notre accession à l'Indépendance, le constat est amer : jamais nous n'avons été autant divisés, jamais nous n'avons eu une scène sociale aussi agitée, jamais la notion d'Etat Nation n'a été aussi lointaine...

Derrière la trompeuse « paix » qui s'offre aux regards étrangers, nous ne sommes que des agrégats cohabitant difficilement, chacun demandant des comptes à l'autre, chacun tentant de soigner ses plaies en indexant les autres communautés et le pouvoir central.

Seul le discours étatique semble donner une cohérence aux déchirures.

Depuis les années 60, notre pays fut le laboratoire d'expériences du « comment faire vivre ensemble des gens différents, parlant des langues différentes ».... Un petit peu de potion magique par là, la « sincérité » des discours unificateurs, un peu de manipulation par ci, la construction de toute pièce d'une identité unique, la culture arabe, un peu de saupoudrage d'occidentalisation, un peu de politique d'apprenti sorcier, un peu de real politik, un peu de grand écart entre société profondément traditionnelle et attachée à ses lignages, à ses castes, à ses projections mentales et impérieuse nécessité de nous adapter au monde, nous avons bâti sans fondations ce pays qui est le nôtre et auquel nous sommes attachés.

Nous avons raté notre système éducatif, lui par qui notre Nation aurait du grandir, mais qui n'est aujourd'hui qu'un immense gâchis, une machine à fabriquer des cancres. Là où l'école, fidèle à sa vocation première ( ne nous leurrons pas) aurait dû fabriquer d'abord des citoyens unis autour d'une histoire commune, elle n'a fait qu'aggraver les fractures, malmenée entre une arabisation perverse et mal pensée et une reconnaissance réelle de nos sociétés multiples.

Nous avons raté notre apprentissage du vivre ensemble.

1989 et son lot de tueries, de massacres, de déportations a définitivement enterré la première Mauritanie, celle de 1960. Quoi que l'on dise, il y a bien un avant et un après...plein de rancoeurs, la haine des uns répondant à la détestation des autres.

Aujourd'hui, lors de leur Congrès, les FLAM ont parlé d'autonomie... provoquant une levée de boucliers.

Et alors ? Nonobstant tous les arguments sur la ligne rouge à ne pas franchir, l'Unité Nationale, je répète, et alors ?

Je ne reviendrais pas sur la différence profonde entre autonomie et indépendance. Je laisse aux manipulateurs professionnels le choix de faire dire aux mots ce qu'ils n'ont pas dit....

Je suis profondément attachée à la Mauritanie une et indivisible.

Mais cela m'empêche-t-il d'entendre les autres ? Cela m'empêche-t-il de débattre ?

Et puis, soyons honnêtes pour une fois. Au lieu que de crier au scandale et au quasi terrorisme, posons nous, pour une fois, les bonnes questions : pourquoi une partie des mauritaniens ne se sentent ils plus comme appartenant à notre Nation ? Pourquoi ?

Quand avons nous eu de vrais débats sur la citoyenneté en Mauritanie ?

Nous avons abandonné l'idée de la citoyenneté aux partisans de l'arabité, exclusivement.

Les différents gouvernements n'ont fait que cela : laisser la notion de citoyenneté à un seul groupe de pensée, le pan arabisme.

Il n'y a pas eu de vrai débat de société.

Petit à petit, en dépit des discours politiques à voeux pieux, nous avons décidé, une bonne fois pour toute, que nous devions enterrer les idéaux de 1960, ceux d'une multiculturalité, d'une Mauritanie blanche et noire, au seul profit d'une Mauritanie unicolore culturellement.

Nous n'avons jamais fais notre Révolution Culturelle. Nous avons patiemment, à coups de décrets, de lois, d'acceptation de l'inacceptable (comme ces députés partis faire allégeance à un chef d'Etat étranger!!!), à coups de terreurs (les massacres dans la Vallée censés répondre aux massacres de nos compatriotes au Sénégal) à coups de mensonges, à coups de manipulations, nous avons détricoté les rêves premiers.

Nous avons détricoté l'idée même, fabuleuse et enthousiasmante, d'une Nation une et unie.

Nous ne fonctionnons plus que par « pourcentages », nos médias publics et privés obligés de s'y attacher : nos programmes, dans les médias, sont un savant « équilibre » entre arabe, français et langues dites nationales, la part la plus grosse revenant à l'arabe... Comme nous n'avons pas de statistiques officielles sur le vrai visage de notre pays, on peut se demander d'où sortent les dosages … Mais c'est ainsi.... Les cahiers des charges sont hallucinants dès que l'on parle de « quelle émission en quelle langue ».

Aujourd'hui nous ne vivons plus ensemble, nous vivons en parallèles les uns des autres.

Ma Mauritanie à moi est indivisible, multiculturelle, multi linguistique. Ma Mauritanie à moi n'est pas celle de la haine, du rejet, de l'unicolore.

Ma Mauritanie à moi a commencé sa longue agonie aux lendemains de l'Indépendance, sa longue et douloureuse agonie...

Celle que je regarde aujourd'hui ne ressemble à rien, n'a plus de saveurs, n'a plus de sens, n'a plus de sang.

Elle est mosaïque où chacun projette ses propres fractures.

Nos politiques ne font plus le job, à savoir proposer une vraie rupture, chacun surfant sur les courants du moment, que ce soit l'islamisme ou autre, avec en ligne de fonds, surtout, surtout ne pas choquer nos concitoyens, manquant par là de courage.

Nos oppositions s'arc boutent contre Aziz, comme si la détestation d'un homme faisait une politique.

Aziz surfe sur sa popularité, occupant l'espace que lui ont abandonné ses adversaires, fort de sa politique envers les pauvres, eux qui votent pour lui en masse.

Et, pendant ce temps, nous continuons à nous suicider lentement...

Nous devons parler ensemble, proposer ensemble. Nous n'avons pas encore, loin de là, atteint une maturité politique qui nous permettrait de jouer un jeu démocratique normal.

Nous devons tout reconstruire, tout repenser, créer une nouvelle Mauritanie...

Pour cela il faut, non pas un homme fort, puissance fantasmée d'une pseudo vision de ce qui serait bon dans un pays dit « arabe », mais des hommes bons, des hommes profondément attachés à notre pays, des hommes visionnaires, des hommes de courage.

Nous devons débattre, enfin, sans langue de bois. Parler d'autonomie est une des aspects du débat, pas le seul, loin de là, mais en fait partie....

Proposons, entendons, écoutons, construisons...Ecoutons nous....

Salut

Mariem mint DERWICH