Objection votre honneur, messieurs les économistes du FNDU /Par Mohamed Nafa El Fadel El Jeilany, économiste*

9 February, 2017 - 00:21

Certains passages parus récemment dans des interviews et articles de M. Mohamed Ould Abed et M. Mohamed Lemine Ould Deiddah, suscitent de ma part les remarques suivantes :

 

  1. Interview  de M. Mohamed Ould Abed

 

Au niveau méthodologique, M. Ould Abed, quand vous dites : « à la différence de ceux de nos frères mauritaniens qui ont choisi, par peur ou par intérêt de soutenir le régime… », vous omettez de nous expliquer vous aussi les raisons de votre position, est-ce par peur ou par intérêt, ou autre chose ?

Ensuite, quand vous dites : « …ses fils se mobilisent pour mettre un terme à ce régime et le remplacer par un régime réellement respectueux… », vous ne dites mot sur la procédure que vous suggérez, est-ce la violence ou la démocratie ? bref…

Sur un autre registre, notre ancien ministre de l’Economie, qui n’a apparemment d’autres objectifs que de charger le pouvoir, est allé même jusqu'à dire : «…le budget de l’Etat n’existe plus…nous assistons à une gestion budgétaire…chaque fin d’année une loi des finances rectificative vient régulariser… », ce qui comporte des contradictions évidentes parce qu’il nie d’abord l’existence du budget pour reconnaitre ensuite l’existence d’une gestion budgétaire et enfin une loi des finances rectificative. Nous rappelons à toute fin utile que quand il y a une loi des finances rectificative, cela suppose qu’il y a eu auparavant  une loi des finances initiale ; aussi une loi des finances rectificative est une procédure de gestion normale (nécessité d’ajustement des prévisions à la réalité), l’interpréter alors comme étant un facteur de mauvaise gestion, ce serait aller vite en besogne.

Sur un autre plan, nous tenons à préciser à l’ancien ministre que la consultation plus attentive (en dehors de tout préjugé) des données disponibles relatives aux marchés en question permettrait sans nul doute de mieux approcher la réalité (aéroport Oum Tounsi : déjà opérationnel et  Port de Tanit dont l’exécution a été retardée pour des raisons de procédures …).

Par ailleurs M. Ould Abed quand vous dites : « les slogans de « la lutte contre la gabegie » et de « Président des pauvres »…ont trompé certains. », vous voudriez bien faire l’effort de nous expliquer l’origine des montants faramineux déposés dans les comptes du Trésor et de la Caisse de dépôts, si ce n’est la restitution des malversations, des économies sur subventions abusives ainsi que les doubles emplois et salaires pour ne citer que ceux-ci.

Enfin, si votre expérience ne vous aurait pas trahi, vous aurez dû constater, avant de faire l’impasse sur la question des conditions de règlement des engagements de l’Etat, que les files d’attente d’antan au niveau des administrations des Finances (Trésor, Budget etc..) ont disparu depuis quelques années, ce qui prouve, si besoin en est, de la fluidité totale au niveau du circuit de règlement de tels engagements.

 

  1. Article-réponse de M. Mohamed Lemine Ould Deiddah

 

Un passage de l’article publié par M. Mohamed Lemine Ould Deiddah prétend que  « le gouvernement a tenu mordicus à maintenir le niveau du budget des trois dernières années au niveau où il était…de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « la manne des prix des matières premières » » et l’accuse de recourir à la fiscalité pour ce faire.

Nous rappelons à ce titre que le niveau de la fiscalité dont il parle est incomparable à la perte des revenus miniers à compenser mais aussi que les taux de taxation sur les produits pétroliers qu’ils citent, sont plutôt anciens et non assimilables entièrement à une nouvelle taxation (le taux de 240 % est donc erroné parce qu’il tient compte du cumul des taxes des années 2014, 2015 et 2016).

Nous rappelons également que quand il y a manque de ressources budgétaires, leur compensation est surtout nécessaire pour le financement de projets d’investissements infrastructurels importants qu’on ne veut pas abandonner, d’où le recours à la mobilisation de ressources intérieures ou à l’emprunt extérieur.

Par ailleurs, quand notre ancien ministre affirme : « faut-il rappeler que la croissance n’est pas toujours synonyme de développement… » , nous n’avons pas besoin de lui rappeler que le PREF (Programme de restructuration économique et financier) dans son temps, malgré les taux de croissance très élevés qu’il a générés (de plus de deux chiffres à partir de 1985), les partenaires économiques du pays ont été obligés de consentir l’intégration d’une dimension sociale de l’ajustement structurel (DSA), et l’avènement en 2001 des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) permettrait de mieux comprendre que « croissance n’est pas synonyme de développement ».

En dernier lieu, nous rappelons à nos économistes que les taux dont ils parlent depuis 2008 (taux d’inflation, taux de change…) ainsi que les niveaux atteints par certains agrégats nationaux comparés à ceux de 2003-2005 gagneraient mieux en termes de pertinence.

 

A titre d’exemples, avec l’avènement de l’Euro (1999-2000), le taux de change était de :

 1 EURO = 220 UM, 1$ = 230 UM

1 EURO= 330 UM,  1$ = 280 UM   au 31/12/2005

1 EURO = 370UM,  1$ = 355 UM    au 31/12/2016 

L’évolution de ces taux aux différentes dates, se passe de commentaires.

En effet, le bilan sombre que nos économistes dressent des réalisations accomplies risque de faire perdre à leurs réflexions toute crédibilité en l’absence de discernement et nous pensons que la responsabilité de certains d’entre eux dans le passif cumulé ne doit pas les amener à perdre le bon sens et d’éviter ainsi une lecture politicienne des réalités économiques et financières.

Inutile de rappeler la vérité des chiffres officiels entamée en 2006 par opposition aux faux chiffres d’avant.

En conclusion, il est souhaitable que nos intellectuels, en abordant des sujets, qu’ils sont censés maitriser, aient l’honnêteté de reconnaitre les réalités indéniables sur le terrain.

Certes, il y a encore du travail à parachever, mais des pas importants ont été franchis en terme de grandes réalisations d’infrastructures de base, des grands équilibres macroéconomiques, matelas confortable en devises, lutte contre la pauvreté, lutte contre la gabegie etc. …

Fini le temps des :

  • Autorisations de change (les fameux S4 qui se vendaient au plus offrant sur le marché),
  • Taux exorbitants sur les bons du Trésor,
  • Taux d’enfer des crédits à l’économie,
  • Actifs fictifs de la Banque Centrale,
  • Conventions abusives de logement,
  • Taux de chancellerie,
  • Dépenses somptuaires de l’Etat,
  • Etc…  

N’en déplaise à ceux qui en profitaient.

 

* Directeur Général Adjoint du Laboratoire National des Travaux Publics