Notre pays à la croisée des chemins/Par Moustapha Ould Abeiderrahmane, Président du Renouveau Démocratique

29 December, 2016 - 11:23

Compte tenu de nos acquis en matière de développement économique et social, en matière de liberté et de démocratie, mais aussi de nos faiblesses et insuffisances, nos difficultés et manquements conjoncturels, il convient, pour tous les acteurs politiques, pouvoir comme opposition, de se regarder en face pour un examen de conscience en profondeur afin de se donner les moyens de préserver notre pays des dangers qui l’assaillent, de consolider les libertés et la démocratie, de créer un nouvel espoir susceptible de renforcer l’unité nationale et le progrès social.

En effet, on doit constater les fragilités de notre tissu social, ses multiples  contradictions internes, le fait que notre pays n’a jamais connu une organisation étatique  unifiée avant de devenir une colonie française,  ce qui signifie  qu’en réalité, c’est avec l’indépendance, il y a moins de deux générations que la construction de l’Etat national a commencé.

Avec le prochain départ du chef de l’Etat de la charge de président de la République  et donc nécessairement son remplacement par une autre personnalité, avec la situation de dispersion, d’‘indigence prévisionnelle et de faiblesse  de l’opposition démocratique, avec l’absence totale dans  notre pays de tout symbole, de référence respecté  par  le plus grand nombre, à défaut de tous, que ce soit  sur le plan politique ou religieux, qu’il s’agisse d’homme d’affaires  ou de personnalité indépendante, d’associations  civiles  ou  d’institution  ou  commandement militaire.

Dans ces conditions,  aggravées par  une situation conjoncturelle d’affaissement des prix de nos exportation (fer, or, pétrole etc.), de renchérissement des prix des matières de première nécessité, de chômage étendu, notamment parmi les jeunes diplômés, le pouvoir doit rechercher à   concourir à  la mise en place des moyens  adéquats pour de nouvelles élections transparentes dont les résultats seront acceptés par tous.

C’est cela qui permettra, dans le cadre de l’Etat de droit, à  la prochaine direction  du pays, au  prochain parlement  et surtout au futur président de la République de pouvoir assurer convenablement  leur charge  dans l’intérêt de la Nation et de l’Etat.

Dans les mêmes conditions, l’opposition démocratique se doit  de quitter définitivement le jeu politicien stérile  consistant à faire feu  de tous bois  pour contester la légitimité, voire la légalité du pouvoir  en place ; elle doit  s’armer de courage, chasser ses penchants subjectifs pour aider le pouvoir à se renforcer, pour aller dans le sens  d’une plus grande stabilité du pays, avec l’espoir d’un réel  enracinement de la démocratie chez nous.

Oh !  J’entends bien  les sarcasmes des uns et des autres. Leur parti pris et leur négativisme individualiste,  issu  de l’atavisme de notre société traditionnelle, émiettée, à culture nomade dans sa majorité en plus du fatalisme qui nous sert  souvent de vernis  religieux.

Aussi, j’insiste pour demander, une encore fois  au chef de l’Etat d’engager un vrai dialogue avec l’opposition démocratique dont les revendications  raisonnables  doivent être prises en considération. 

J’insiste d’autant plus que je sais  que les perspectives de non candidature du  chef de l’Etat actuel à l’élection présidentielle de 2019, demandent, pour le moins,  un large consensus national pour permettre  de pérenniser la stabilité de nos institutions  et de l’Etat. D’ailleurs, il me semble que  tous doivent féliciter le chef de l’Etat  pour ses multiples prises de position solennelles  en faveur du respect  de la Constitution, en ce qui concerne le nombre de mandats  présidentiels autorisés ; et comme il le dit lui-même, il est évident qu’une telle attitude participe pleinement  à l’enracinement de la démocratie  dans notre pays.

En ce qui concerne l’opposition démocratique, compte tenu des perspectives immédiates, elle doit  nécessairement faire sa vraie mue  pour quitter définitivement  le terrain de la contestation  et de l’agitation, sans renoncer naturellement à  s’opposer au pouvoir  en place, en critiquant ses programmes et ses agissements, chaque fois que nécessaire, en mobilisant  les catégories  sociales  opprimées contre lui.

Comment opérer cette mue nécessaire ?

Une coalition électorale, nécessairement

Pour créer un minimum d’espoir de changement par des élections, c'est-à-dire, dans le cadre de la légalité, l’opposition démocratique et notamment le FNDU doit établir une réelle coalition électorale  susceptible d’unifier ses forces, mutualiser  ses maigres moyens matériels afin de se donner une chance de gagner les élections  éventuelles à venir.

Il est évident  qu’une telle coalition électorale  ne suffit  pas à elle seule pour créer un vrai espoir  pour le changement. Pour cela,  il est nécessaire  de négocier sérieusement  et avec réalisme un programme commun de gouvernement;  cela ne semble pas impossible quand on sait que le FNDU dispose déjà d’un consensus d’orientations communes susceptibles de constituer la base d’une négociation pour l’établissement d’un vrai programme réaliste de gouvernement,  y compris  les perspectives  de financement de ce programme et sa durée de réalisation dans le temps.

Une fois la coalition établie, le programme commun de gouvernement négocié, il convient également de se donner les moyens  d’espérer gagner  l’élection présidentielle ;  pour cela, il est absolument nécessaire de s’entendre pour soutenir  le même candidat.

Des primaires  pour une candidature unique

Pour ce faire, l’opposition démocratique se doit, le plutôt possible, de s’entendre pour organiser, en son sein des élections primaires  nécessaires  pour la sélection de son candidat unique  à la présidentielle de 2019. C’est un processus  long  mais qui n’est pas difficile à établir, une fois qu’on dispose d’une coalition électorale  et d’un programme  commun de gouvernement.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de négocier une série de critères  pour  l’établissement de la liste électorale pour  ces primaires, de s’entendre pour désigner un groupe de personnalités afin de diriger et organiser ces primaires.

A titre d’exemple, on s’entendra pour dire que les catégories suivantes  en âge  légal  de pouvoir voter,  puissent  figurer sur  la liste électorale des primaires: tous les membres de bureaux exécutifs, de toutes les organisations  politiques, syndicales, ou de la société civile légalement constituées, tous les imams appointés et donc  reconnus par l’Etat, tous  les titulaires du diplôme de brevet d’études de premier cycle ou   d’un diplôme de l’enseignement supérieur, tous les professeurs d’université etc.

Il doit être entendu que ne sera accepté  sur la liste électorale des primaires  que les personnes  qui auront signé le programme de gouvernement  et payé  une participation de symbolique par exemple de 500 à 1000 Ouguiyas.

Compte tenu des délais qui nous séparent des prochaines élections, et en particulier l’élection  présidentielle de 2019,  il est urgent de commencer à débattre de l’ensemble de ce processus.

 Il va de soit que seuls les pôles du FNDU qui le souhaitent  et les partis politiques  ou regroupements  de partis de l’opposition  non membres du FNDU, peuvent être concernés  par le processus de négociation engagé.

L’ensemble de ce processus doit être la partie essentielle de la feuille de route de la  lutte de l’opposition  démocratique  dont  la recherche d’un vrai dialogue  responsable avec le pouvoir  constitue  l’axe central pour permettre le renforcement de la démocratie dans le pays à travers des élections honnêtes, transparentes et organisées consensuellement.