Calamités

20 October, 2016 - 00:31

Certains concepts semblent confus dans la tête de certains mauritaniens. Ceux-ci accomplissent ainsi la prouesse de dialoguer seul. La capacité de faire débat avec un unique invité. Le don de bâtir la démocratie sur un coup d’Etat. La bonne gouvernance par la promotion de la gabegie. Le développement par la langue. Les prouesses économiques via les chiffres. Le tripatouillage « légalisé ». La rédemption des « grillés » et le rafistolage du vieux, pour en faire du neuf. En cela, la presse n’est pas en reste. Ni publique. Ni privée. C’est pourquoi, pour ceux dont les têtes sont « cassées sur » nos indigestes programmes nationaux de télévision, nous avons éternellement l’impression de quelque chose de déjà très vu. Ce que l’expression populaire appelle des informations « mâchées par les veaux ». Sur tous les plateaux de télévisions publiques et privées, c’est quasiment toujours les mêmes personnes, rabâchant les mêmes sujets, avec les mêmes journalistes. Certes, les prestations des uns et des autres ne sont pas totalement uniformes. Les efforts des uns faisant oublier les médiocrités des autres. La flagornerie prenant souvent le dessus, sur l’à peine imperceptible bonne foi. Depuis trois semaines, tous les écrans sont envahis, surtout à partir de vingt-deux heures, par les péripéties de ce dialogue qui n’en finit pas de finir, après n’avoir pas fini de commencer. Toutes les émissions télévisuelles, radiophoniques ne parlent que de ça. Chacun y allant de son analyse, pour étayer des hypothèses parfois complètement erronées. Mais, comme le chien n’aime que son étrangleur, je suis là, accroché à mes TV. Des TV qui me fâchent, tantôt, qui me font rire, parfois, à travers ce que leurs invités débitent de choses indécrottablement mélangées et confuses. Dimanche soir 16 Octobre 2016, je tombe sur une émission de la Wataniya, animée par le confrère Ahmed ould El bou. Un débat. Avec un seul invité : Saad ould Louleïd. Un transfuge d’IRA dont le parti vient d’être officiellement reconnu. Saad parlait de tout. De lui. De son supposé combat de militant des droits de l’homme. De son combat politique. Un adage populaire dit que ton argument est bon s’il échappe à celui de ton ami. Comme quoi, quand on est seul, on peut tout raconter. Habituellement, les journalistes ne secouent pas leurs invités. Amabilité ? Courtoisie ? Ou amateurisme ? Allez savoir. Un débat, c’est généralement très animé. C’est la juxtaposition d’au moins deux avis, généralement antagonistes, sur une problématique donnée. Avec des rebondissements souvent sulfureux d’un talentueux journaliste, afin de relancer l’empoignade et lui donner encore plus de saveur et d’intérêt. Mais de là à laisser quelqu’un se raconter aussi aisément qu’il veut. Sans contradicteur. Sans modérateur. Sans vérificateur. C’est complètement désintéressant et fastidieux. Mais il est clair que, sur les media publics comme sur les media privés, il n’est pas permis de tout dire, même et peut-être surtout, rien. C’est pourquoi les invités sont « intelligemment » choisis. Ne vient pas à la Mauritanienne qui veut. Les autres télévisions privées appartiennent, pour l’essentiel, à des personnalités ou groupes très inféodés au pouvoir. Comme ça, en haut en haut, elles sont indépendantes et, en bas en bas, elles ne font que ce qui plaît au système. L’Agence Mauritanienne d’Information, la Radio Mauritanie, La Mauritanienne ne sont, en fait, que de haut-parleurs officiels, alors que, sur le papier, ce sont des services publics auxquels devraient avoir accès tout le monde (majorité et opposition), dans les mêmes conditions et suivant les mêmes procédures. Or, en réalité, ces organes ne sont que des outils de la propagande officielle dont le zèle dépasse, souvent, la limite de l’indécence et de la discourtoisie. La Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel devrait procéder aux réglages nécessaires et rappeler, si besoin, tout ce monde à l’ordre. Normalement, c’est ça. Vous avez dit normalement ? Pourtant, nous rabâche-t-on, la Mauritanie est le premier pays arabe, en termes de liberté de presse. Comme quoi nul ne meurt sans avoir eu son jour.

 

El Kory Sneïba