Africa Act : pour un nouveau modèle de coopération entre l’Italie et l’Afrique/De Lia Quartapelle*

6 October, 2016 - 03:07

En Juillet 2014, , le premier ministre italien Matteo Renzi volait vers l'Angola, le Congo-Brazzaville et le Mozambique. Ce fut le début d'un engagement politique majeur de l'Italie vers l’Afrique : une région de plus en plus stratégique pour notre politique étrangère. Deux autres visites du Premier ministre ont suivi les années suivantes : le Kenya et l'Ethiopie en 2015; le Nigeria, le Ghana et le Sénégal en 2016. À son tour, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Paolo Gentiloni, s’est rendu début aout au Nigeria et en Côte d’Ivoire : le dernier en date des nombreux voyages que le ministre et le Gouvernement italien ont entrepris sur le continent africain. D’autres rendez-vous ont marqué l’intérêt sans précédent de l’Italie envers le continent africain, notamment la visite du Président de la République italienne, Sergio Mattarella, en Ethiopie et au Cameroun, et le lancement de la première Conférence ministérielle Italie-Afrique qui s’est tenue à Rome le 18 mai 2016 et qui reflète une attention politique majeure et désormais bien structurée.

Le continent africain est plus que jamais au cœur des grands défis de la stabilité géopolitique et du développement durable dans le monde. Au cours des dernières années, les flux migratoires et les crises en mer Méditerranée ont mis en lumière le rôle central de l’Afrique dans les politiques étrangères non seulement de l'Italie, mais de toute l'Union européenne. Alors que le continent est confrontéà des menaces telles quele terrorisme djihadiste, la fragilité de certains États et le changement climatique, les prévisions démographiques confirment que, dans les trois prochaines décennies, la population des 54 pays africains va plus que doubler, passant de 1,2 milliards d’habitants en 2015 à presque 2,7 milliards en 2050 selon les estimations des Nations Unies

 

Prenons pour exemple le cas de l’Ethiopie, l’un des pays les plus vastes et les plus peuplés d’Afrique. Ce pays, absolument prioritaire pour l’Italie et pour l’UE, connaît actuellement une sécheresse sans précédent en raison du phénomène météorologique El Nino. Et la sécheresse n’est pas la seule raison qui fait de la Corne de l’Afrique une « terre de feu ». Le conflit entre les musulmans sunnites et chiites, historiquement limitée au Maghreb et au Machrek, affecte désormais l'équilibre socio-politique dans les différents pays de la région.

 

L’instabilité de la Corne de l’Afrique ainsi que celle d’autres régions comme le Sahel ont, et risquent d’avoir des répercussions de plus en plus graves.Face à une telle fragilité, dont la croissance des flux migratoires irréguliers en Méditerranée n’est que la pointe de l’iceberg, l’Italie a relevé le défi et décidé de regarder le continent africain autrement. En effet, l’Afrique ne doit plus être considérée comme une simple périphérie déshéritée. Il s’agit d’un continent hautement stratégique, théâtre de transformations sociales dont les enjeux économiques, politiques et sécuritaires dépassent largement le cadre de ses frontières. Il s’agit de travailler avec tous les partenaires africains pour que le continent ne soit plus synonyme de menaces et de misère sociale, mais devienne une terre d’opportunités pour le futur.

L’engagement politique italien doit donc se concrétiser au moyen d’outils efficaces. Au niveau européen, l’Italie a proposé un document novateur, le Migration Compact, qui appelle Bruxelles et les pays de l'UE à s'allier pour la création de Fonds communs pour les investissements et le développement durable sur le continent africain. Ainsi, parallèlement aux efforts humanitaires extraordinaires qui ont été mis en place pour sauver des nombreuses vies africaines dans le Canal de Sicile, le Gouvernement italien a conçu une stratégie visant à améliorer l'efficacité des politiques migratoires externes de l'UE. Tous les partenaires européens partageant les mêmes objectifs travaillent maintenant avec la Commission et le Parlement européens pour obtenir une accélération effective des politiques de l'UE vers l’Afrique qui puisse aboutir à un véritable grand pacte Europe-Afrique.

L’Italie a pleinement conscience du rôle tout à fait central qu’elle devra jouer dans ce dessein. La péninsule italienne n’est pas seulement d’un point de vue strictement géographique, le pont entre l'Europe et l'Afrique. En tirant vertueusement parti des bonnes relations avec plusieurs partenaires africains, nous voulons oser une «nouvelle voie avec l'Afrique».

Ainsi, au niveau national, le Groupe parlementaire du Parti Démocrate à la Chambre des députés a présenté le 28 juillet un ensemble d’idées et de politiques pour renforcer les relations avec le continent africain dans une logique de co-développement.

Education et culture, travail et développement durable, stabilité et sécurité au profit des sociétés africaines et italienne sont les trois piliers qui soutiennent la construction de notre Africa Act et qui marquent son périmètre d'action. La coordination technique pour toutes les interventions est confiée à la nouvelle Agence italienne pour la coopération au développement (AICS), tandis que les interventions seront également financées par la création d'un fonds d'affectation spéciale basée sur des formes de financement public et privé innovantes.

Pour renforcer le capital humain, les mesures de l’Africa Act proposent des «doubles diplômes», des bourses, des stages pour les étudiants africains et italiens. Nous envisageons également des projets visant à promouvoir la croissance économique à travers le soutien aux petites et moyennes entreprises et aux coopératives agricoles africaines, des actions pour soutenir le micro-crédit et la réduction des coûts des transferts d’argent des migrants. Enfin, nous prévoyons des initiatives pour promouvoir la paix et la stabilité sur le continent africain. Il faudra pour cela passer par des programmes de prévention et de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent, qui devront être mis en œuvre à la fois dans les pays africains et sur le territoire italien.

Un élément symbolique, mais important du projet politique de l’Africa Act est l’institution de la «Journée de la coopération avec l'Afrique ». Cette reconnaissance politique, qui se tiendra le 25 mai (anniversaire de la fondation de l'Union africaine), servira à faire le point sur les relations de notre pays avec le continent africain, ainsi qu’à renforcer le rôle des diasporas, et à stimuler le débat politique et l'intérêt des médias et de l'opinion publique.

En effet, si la Méditerranée représente le trait d’union entre l'Afrique et l'Europe, les quatre mille migrants morts en mer au cours des six derniers mois nous rappellent le lien indissoluble du destin de ces deux continents. Avec l’Africa Act, le Parti Démocrate italien a l'ambition politique d’imaginer un avenir commun avec moins de situations de crise, mais plus riche, plus stable et plus serein

* Elue député en 2013, Lia Quartapelle est membre du Parti démocrate italien, dont elle est la représentante à la Commission Affaires étrangères du Parlement en Italie. Africaniste italienne reconnue, de 2009 à 2013 Quartapelle a coordonné le programme Afrique de l’Istituto per gliStudi di PoliticaInternazionale de Milan.

© VITA/Afronline (Italie), Addis Fortune (Ethiopie), Sud Quotidien (Sénégal), Les Echos (Mali), Le Calame (Mauritanie), Mutations (Cameroun), Le Pays (Burkina Faso), Le Nouveau Républicain (Niger), L’Autre Quotidien (Bénin) et Le Confident (RCA).