Mémoires de Boutilimit /Par Brahim ould Ahmed Ould Memadi

22 September, 2016 - 10:40

Chapitre 13 : Pionniers intègres et de bonne augure

La création

D’antan, vivre dans le désert de chez nous, n’avait jamais été une randonnée aisée. Mais plutôt une insolente offense plus qu’un défi d’affront aux aléas désastreux de la nature particulièrement hostile. Ce fut d’ailleurs un sacrifice aveugle d’extrême témérité et à très haut risque impondérable. Un frôlement stimulateur du suicide. En l’occurrence lorsqu’il s’agissait d’espace immense découvert, sauvage, très précaire et horriblement isolé. En un site excessivement aride et chaud ; sans limites ni azimuts et ni âme qui vive. En une époque, de disettes primitives, de dénuement total et d’incertitude périlleuse caractérisée. Mathématiquement en remontant le cheminement fondamental de la cité de crételle des près en ses hauts et ses bas hasardeux plus tard avérés fatidiques, on découvre nettement qu’il s’agissait réellement d’une opération d’extorsion. D’une équation-forcing à outrance normalement à plusieurs inconnues de réputation insolubles en ces temps lointains.

Ce fut ainsi donc contre toute attente à partir du néant immuable au désert plat et à la grande surprise de ce dernier qu’intervenait l’érection de Boutilimit. En plein milieu du plus méprisables, plus perdu, vide, désolé et sans valeur espace déraisonnable de tout le Sahara. Domaine en puissance de la ‘survie’ aux conditions terribles délétères et horrifiantes. Puisque rudimentaires de mode et outils empiriques farouchement archaïques et désuets. S’agissant essentiellement d’un bled inaccessible, tristement nu et dangereusement isolé.

En quelque sorte, c’était l’analogie ridicule d’un débarquement par ‘méharée’ exploratrice farfelue sur la planète concave de la crételle.

En effet, bien avant les profiteurs, fut l’extraordinaire très délicate mais décisive œuvre des intrépides fondateurs. Ceux qui érigèrent cahin caha l’invraisemblable entité harmonieuse en ces lieux et périodes largement révolus…

Enfin, l’action exploratoire (bewaha) des ancêtres avait parfaitement réussi le placement des jalons de la colonie mythique en la vallée ciblée. Dès lors avec ingéniosité, ils débrouillèrent impérieusement l’installation des moyens accessoires et paramètres de première nécessité. L’eau, les toits, la nourriture et d’autres outils indispensables à toute vie communautaire fiable et pérenne quoique très à l’écart. Parmi les gigantesques vaques ocres et immobiles d’un océan de sable dépourvu de rivage. Ensuite, il fallait bien aussi aménager l’ébauche évolutive des services de base tenant compte des exigences sociétales optimales constantes d’une population encore fruste, très mal pourvue pour la sédentarisation précoce à l’issue d’un nomadisme ancestral et multiséculaire.

 

 

Quête de la survie

Durant de très longues, âpres et macabres décennies des siècles écoulés, Boutilimit fut particulièrement la fée bienfaisante du logis de son antan. L’unique espoir de délivrance des vagues massives  d’humains désemparés. Des masses de rescapés affluents de partout fuyant l’extermination des grandes misères successives qui sévissaient dans le pays dépourvu et terriblement horrible et infernale puisque la peau des bêtes, toutes disséminées et dissipées, devenait alors l’aubaine tant inespérée ; une fois torréfiée.

Ainsi fut alors la très providentielle, prodigieuse, permanente, qualificative et séculaire largesse des condisciples de l’opulente munificence.

Le très célèbre binôme de la générosité sans limites et incontournable sésame (ouvre-toi) de la contée des sables. Celui très rare qu’incarnaient avec élégance et piété impassibles feu Cheikh Sidiya et feu Memadi.

En une époque très antique, nettement différente de l’ère récente de la renaissance civilisationnelle et industrielle. Une vieille période déjà lointaine aux séquelles douloureuses que ponctuaient les panades dévastatrices, les pandémies persistantes et l’ineffable nudité primitive particulièrement choquante.

Tous ces faits ne sont un secret pour personne et autrement toutes prétentions ou allégations ne sont que subterfuges archi-faux et fallacieux.

En effet, dès la très ardue et invraisemblable reviviscence et jusqu’au milieu du siècle dernier, feu Memadi fut l’affable et très respecté père protecteur et chef du village aux compétences et pouvoirs plénipotentiaires ; ordre sécurité, litiges, gestion et toutes affaires afférentes à la vie communautaire de la contrée.

Déjà centenaire il fut remplacé par feu Mohamed ould Ebnou Oumar suivi de feu Mohamed Mahmoud ould Mohamed Horme qui accompagna l’indépendance nationale.

 

Les promoteurs

Continuant alors l’oeuvre grandiose des fondateurs et sur leur sillage de renoncement volontaire viendront les courageuses légions de pionniers intègres et de bonne augure.

Ceux, hommes et femmes, patriotes convaincus qui s’étaient consacrés corps et âmes à l’installation effective de l’ébauche des structures de base et de paramètres de mise en implantation effective de l’agglomération naissante.

Au fur et à mesure, ces vétérans promoteurs de la  revivification réussirent à forger rudement mais solidement chacun en son domaine, les socles résistants de la fabuleuse djenke.

Combattants courageux et très engagés des lignes avancées lors d’épouvantables et très âpres batailles de la création encore balbutiante, ils ne sont malheureusement plus que légions de soldats inconnus.

Pourtant c’était grâce à eux et à eux seuls que djenke nouvelle-née avait sagement et sûrement fait ses premiers pas. A force de temps, de retours, de trébuchements et d’indigence atroce.

Leurs honorables succès méritent vraisemblablement l’immortalisation glorieuse même décalée. Plutôt que l’indifférence des générations puinées que rien n’émeut apparemment. En tout cas, les sacrifices loyalement consentis et de bonne guerre par ces patriotes ignorés constituent les plus solides supports de la plateforme djenkoise des sables. Donc, après le passage des explorateurs-fondateurs fut la déterminante étape des pionniers promoteurs.

Une chose est sûre quant à nos éclaireurs, ils ne nous avaient jamais menti ni détourné ce qui n’est pas leur, ni troqué leurs dignité et conscience immaculées et incorruptibles. Très justement ce que notre souvenir commun actuel n’arrive jamais à restituer. Même du moins loin que se souvienne, puisque notre mémoire fourbe est réputée poreuse tantôt reléguée et le plus souvent sélective à l’excès. D’ailleurs pour la plupart, elle est foncièrement sournoise. Et puisqu’aussi et à la base, notre Etat de droit n’est qu’utopie d’empire-étoilé relevant du platonisme brut. Et puisque surtout rien n’y est impossible et que pour y réussir, il faut absolument être médiocre et d’abord.

Au total donc, les vrais héros et vétérans de tous les combats patriotiques sont soigneusement ignorés. Malgré leurs marquages indélébiles et leur renommée très illustre et ceinte de lauriers perfidement piétinés, mais sûrement latents.

Avant l’avènement de la médecine moderne, les ancêtres furent très portés sur les vertus spirituelles du secret de la lettre et celles des plantes. Lesquelles recettes traditionnelles furent d’une efficacité irremplaçable et  opportunes pour toutes sociétés primitives désemparées. Ces domaines assez délicats et très nobles furent l’apanage essentiel des familles Memadi le spirituel et Ew-va le tradi-praticien.

Dès l’installation coloniale du premier poste médical parallèle au fort puis déménagé en bas, au centre-ville, nos vaillants pionniers explorateurs initiés à la pathologie toubab avaient dignement surpris et enthousiasmé leurs formateurs et leurs patients désespérés.

Pour n’en citer que quelques talents très illustres : feu Sidi Mohamed ould Weddih, l’attentif major de compétence déontologiquement hors tout. Abderahmane ould Hamdy de la vaccination mobile (TRIPANO), feu Hamad ould Emir ; Sid’el Moctar ould Walid ; Doudou Bah ; Meimoune mint el Boukhary ; Mah mint Dahmane ; Roughayetou mint Memadi ; Alwé ; Aidel le fantasque ; Ahmed Salem ould Atigh ; Ismael ould Blegroune de la rigueur et la discrétion ; Teslim mint Zeidane, l’omnisciente de la boite. Quant aux plus anciens infirmiers M’boirick Fall, Yahye ould Mohamedein et Mohamedhine ould Ahmed Damou, ces ‘exciseurs’ aux bistouris farouches sont inoubliables pour la marmaille. Ce sont eux qui abllèrent nos précieux prépuces que H’moide contrôlait au quotidien.

Le domaine vétérinaire fut synonyme de feu Brahim ould Aboud, l’assistant de l’élevage et grand athlète. Le sportif détendu qui épaulait la jeunesse et veillait constamment, à son épanouissement. L’homme fort et élégant à la pipe sempiternelle avec gosier incurvé et bouffard. Ses vétérinaires agiles et très soignés aux compétences parfaites : Cheikh ould Sambe ould Ely, Lekouar ould Yehdhih et Abdellahi ould M’boirick, le chauffeur-farceur de l’équipe.

L’OPT de la ville avait vu défiler Mohamed Maouloud Diara, Abderrahmane ould Memadi, Moussa ould Memadi et leurs agents Yacoub Touré, Baba Karve, Samba Touncara, etc.

Le secteur de l’immobilier avait au manche de la truelle les maitres-maçons, le très calme longiligne Moloud ould Eimane, M’ailim, Ahmed ould Messaoud et consorts.

La confection des cases en chaume fut la spécialité d’El âlem ould Mohamed Kheirat, Mohamed ould Mboirik, Alioune et consorts.

L’approvisionnement des foyers en eau (r’rouayé), l’abreuvement des bestiaux et leur traite quotidienne, assurés par les puisatiers (an’maré) Bah ould Mahmoudi, Yargue ould Ebeidak, Mbarek ehil Tiyib, Bilal Moudy, F’foud, el Kory, Mahmoul N’gouné, Yar-âh, ould Moisse, Boum-rah, etc.

Ces courageux pionniers furent aussi du côté de l’abattoir où N’néeme, tartarin de Tarascon, boucher en chef régnait sans rival tout en mâchant son mélange astreignent de tabac et de cendre (échem). Il commandait dans le calme son armée rouge de sang, d’acolytes féroces dotés de coutelas aux larges lames extrêmement tranchantes. A l’issue de leurs carnages quotidiens, ils transportaient chaque matin au marché après contrôle vétérinaire toute la viande et tripes des animaux abattus.

Quant aux plantureuses patronnes charcutières (dhebahatt), elles bouclaient les colonnes indiennes dans un brouhaha d’ostentation confiante mais assez poussive et suante. Telles  Emnat : Bidjel, Abeidak, Moisse, Raveé, Cheddad, Dahmane, el Khabouzi, el Maouloud, Ramdane ; Blal, Ideichellawi, Sid’Ahmed, etc.

Les premières boulangeries (au bois) n’étaient nullement du reste.

Les succulents pains bâtards en verges, badines, navettes et autres prouesses au goût flatteur étaient suffisamment disponibilisés par les premières boulangeries de la place installées par Meimoune, Bouh ould Vakourou, M’bareck Lahmar, Ahmed ould Ramdane, Boyah, J’dâe, Abdellahi ould Momod-chi, Yacoub Touré, Babe ould Mahmoud, Lek-heil ould Doudou, Sidi Hamad et consorts.

A la mécanique automobile, les premiers palans de levage de moteurs furent chez ehel Kouneine, ehel Babe ould Ely Le-jrab, ehel Moubareck, ehel Thiam, ehel Zeid, etc.

Le gâteau de mil de qualité supérieure était assuré chaque soir au coin de la boutique des ‘cherve’ où le feu Abeih tenait office de vendeur (wegav). Grâce à l’assiduité des mères du Qadaye, de N’tow-vi et des Lahwach spécialisées en ce domaine du El aich-s’saleh.

Les transports routiers furent l’affaire des Cherve, ehel Bah, ehel Hamoud, ehel Taleb ould Dellahi et consorts.

Le commerce général fut l’apanage de ehel Atiq, ehel Nouh, Sidi ould Maham, Sidi ould Lib-eire, el Hacen Touré, ehel Itir, Ehel Abid, ehel Doue, Abdel Jelil, Bourham, Mohameden Ahmedou, Bih Izid, Meouloud, Sabar, Bellâ-méch et consorts.

Au niveau  de l’enseignement, Boutilimit fut repère incontestable des meilleures premiers cadres au niveau national, desquels le gâble des prémices ‘normales’ d du corps enseignant à l’époque naissant et dont les premiers instituteurs-directeurs d’établissement Mohamed Sidya ould Ebnou, Deyine, Mohamed ould Sidi Ali, Mohamed Yahya ould Louly, Cheikh ould Mahand, Mohamed Sidiya ould Zein, Abdellahi ould Bechir, Abdellahi  Diallo, Mohamed ould Bouhoum et autres enseignants de haut gabarit : Babe ould Ahmed, Ahmed ould Wedih, Brahim ould Sidi Abdalla, Mariem mint Sidi’el Moctar, Hafsatou mint Abdel Jelil, Brahim ould Mbeirick, Ahmed Salem ould Cheddad, Mbarecke mint Rabah, Aziz Wone, Mohamed Moussa et consorts.

Ils furent tous parmi ceux très nombreux qui avaient impeccablement formé, soigneusement façonné et impeccablement les meilleurs serviteurs de la Mauritanie indépendante. Leurs compétences pédagogiques extraordinairement solides avaient tellement marqué l’école nationale. Actuellement reléguée et malmenée d’ailleurs, elle n’est que tristement au terme de sa fâcheuse décomposition déjà très avancée.

Le secteur roi de tous les paramètres de la création djenkoise fut sans équivoque celui des beaux-arts. Avec à sa tête la sacrée caboche de l’artisanat traditionnel en ses deux variantes de confection manuelle, celle des femmes couturières, différente du domaine masculin.

En effet, ce fleuron de la dextérité et du goût pointu et ultra-raffiné fut depuis très longtemps la fierté de la contrée. Grâce à l’habileté innée et infaillible de nos célèbres grandes pointures de la soignée, méticuleuse séculaire et très belle confection d’ehel Moilid, ehel Brahilm Khlil, ehel H’meidatt, ehel Kej-ke, ehel Lebib, ehel Weikiss, ehel Deyoune, ehel Haiballa, ehel Achour, ehel Ahmed çaid, ehel el Vaiq, ehel Abdil haye et consorts.

Quant à l’animation des cérémonies festives, le roulement du tam-tam a toujours été le clou folklorique des spectacles ; en toutes circonstances de défoulement et d’extension collective. Les cérémonies s’articulent principalement en trois variantes :

  • Celle des grandes fêtes religieuses carnavalesques, mariages d’apparat, accueils, réunions des clubs, etc. domaine d’évolution des quatre grands pôles instrumentaux de percussion : ehel Rabah –djenke, ehel Mahmoud-n’tew-vi, ehel Souleimine – egadaye et ehel Bourah – lah-wach.
  • Celle des veillées de louanges du prophète Mohamed (psl) dirigées d’antan par Salik ould Angueit, Abderrahmane ould Memadi, Aichit Memadi  puis actuellement par Abdellahi ould Salek, Alioune ould Maham, Demed, Mohamed ould Sambe et consorts.
  • Ensuite, celle des veillées épiques consacrant la longue et très glorieuse épopée de feu Cheikh Sidiya. Exceptionnellement organisées par les très célèbres et mystiques elbarratt ; très longtemps avant l’égrènement fatal, douloureux et absolument regretté de leur grappe sacrée aux vertus morales indélébiles.

 

Enfin, depuis son antique fondation, malgré les disparités socioculturelles de sa population mosaïque sédentarisée à la base et réputée traditionaliste, Boutilimit le fabuleux comporte deux caractéristiques sociétales singulières. Elles lui sont propres et exclusives et toutes deux surprenantes.

La première de ces ‘’phénomènes de société’’ est une énigme jamais élucidée. Quand, à la différence de toutes les contrées du pays ; celles connues, creusets de communion humaine et havres de la civilisation hassane, djenke manque éternellement une des plus importantes franges de nos composantes traditionnelles. Pourquoi donc ce phénomène inédit et très curieux ? En la vieille cité germoir-référence de la création patriotique ? Du fait très évident qu’aucune famille même une seule âme appartenant à la fameuse absente n’y est domiciliée. Malgré que Boutilimit est indiscutablement et magistralement l’épicentre incontestable et séculaire de la munificence confortable prompte, permanente et très désintéressée. Il est aussi et ne sera jamais autre que le gâble des fleurons de l’élégante et imposante générosité de toute notre histoire patriotique qu’il a toujours consacrée et orgueilleusement défendue.

C’est alors que tout individu de ladite communauté ne s’y trouve que strictement de passage voire gardant l’incognito.

Pourvu donc que la perspicacité des aînés puisse édifier les puînés pendant qu’ils y sont sur l’absence mystérieuse de cette composante en la vallée de crételle si elle n’est ‘’frange inusitéé’’ apparemment avérée.

Quant à la seconde caractéristique, certes une première dans notre société foncièrement conservatrice, elle fut sans doute celle concernant le rôle des légendaires dhebahatt (charcutières). Jusqu’à une date récente, ces femmes massives monopolisaient toute la vente de la viande crue et cuite au marché djenke. La remarque pertinente en ce cas très intéressant fut que ces dhebahatt jadis de notoriété incassable furent toutes et sans exception épouses de courtiers assez connus, eux aussi.

Donc, les fournisseurs potentiels de leurs conjointes en bétail. Des mères-amazones pionnières de la création, elles aussi qui avaient longtemps imposé leur mode associatif conjugal et lucratif majeur. Une double complémentarité qui fit très belle époque malgré l’hostilité obscurantiste à ce genre de relents qu’elle répugne vigoureusement.

Enfin, une anecdote boutilimittoise très peu connue pour clore ce chapitre par une petite pincée d’ironie. Et afin de l’adapter au fritage de la réputée ‘légende-cancanière’ de nos authentiques LAHWACH.

En effet, FOX – TROL (ENEMRAY) et Mazourka (dhebaha) furent un jour surpris par le chef de brigade de gendarmerie en plein ‘m’bédyett-bor’ à s’échanger de vives altercations verbales. Manière paysanne courante de s’intriguer boule en train pour amuser l’assistance du marché, casser le temps et se distraire un coup.

Ils se taquinaient l’un l’autre quand le chef des gendarmeries l’air grave et hargneux arrêta brusquement sa voiture et ordonna à ses hommes d’embarquer les ‘bagarreurs’, ce qui fut fait sans préalable et le fourgon (oum-kh’neichich) arpenta la colline vers la brigade. Geignant de stupeur et de peur, les ‘protagonistes’ affolés furent aussitôt enfermés. Après un long moment, ils comparurent devant le chef qui leur notifia leur inculpation pour rixe et atteinte grave à l’ordre public avec armes blanches. Allusion au sempiternel ETACH (gourdin) inséparable de Fox-trot et au coutelas que la pauvre femme utilisait pour découper la viande qu’elle vendait.

Abattus, ils le supplièrent de les excuser. Ils le conjurèrent même en larmes et jurèrent par le nombril de feu Cheikh Sidiya pour l’un et celui de feue M’mame mint Ali ould Abdi pour l’autre, de ne plus s’amuser. Pour le sous-officier, l’engagement devait se passer sur le mashav (Coran). Ils le prièrent alors de le leur présenter de suite. C’était alors qu’il présenta aux interpellés son dictionnaire de français ouvert au bon milieu  de ses pages. Et à tour de rôle, ils pointèrent leurs deux index sur les feuilles du ‘petit Robert’ et prêtèrent serment.

A leur sortie sur le point culminant de l’immense dune à pente presque verticale, il leur ordonna de rentrer chez eux en courant. Le pasteur  trapu, costaud, aux jarrets rondelets et gourdin sous l’aisselle fonça en projectile. Et en quelques petites minutes, il grimpa la colline opposée au niveau de l’ancien abattoir. Quant à l’autre, elle trébucha au premier pas pour terminer son roulé-boulé de massive belote humaine en dégringolade au bas de la dune. Toute saupoudrée de sable roux jusqu’à la tignasse drue. Telle une gigantesque saumonette, tristement refoulée par l’océan de sable à l’époque où les railleries n’affligeaient guère.