Affaire Zeïni : La police empêche le collectif des avocats de tenir une conférence de presse

18 August, 2016 - 02:35

Le 31 Mai passé, Zeïni ould El Khalifa, 27 ans, quitté le domicile maternel, après plusieurs appels téléphoniques. Moins d’une heure plus tard, son cadavre est découvert à l’îlot C, non loin de la Présidence, dans un petit appartement loué par une jeune fille. Une mort entourée d’obscurité, alors que tous ceux qui connurent le défunt s’accordent à attester de son intégrité morale et religieuse. Une première enquête fut menée par une commission de la police dirigée par le commissaire El Hassen ould Samba, du Ksar 2. Un travail très contesté par l’opinion publique et par les avocats de la victime, basé, selon eux, sur des témoignages partiaux des camarades de l’accusée principale, Mariem mint Bok, très connue, sur les réseaux sociaux, sous le pseudonyme de « Mariem Ngaradou ». En moins d’une semaine, ladite enquête est bouclée et conclut au suicide du jeune homme, au grand dam de ses proches et d’une grande partie de l’opinion publique. Mint Bok est alors relâchée, ainsi que les deux jeunes amis du défunt, Bambey et Tarek Aziz, qu’elle avait appelés à l’aide pour évacuer le cadavre. S’ils avaient accepté ce « service », ils seraient, aujourd’hui, les seuls principaux accusés. Fort heureusement pour eux, ils s’en sont bien gardés, méfiants.

Les avocats, constitués en collectif dirigé par maître Sid’ El Moctar ould Sidi et comprenant, entre autres, les maîtres Abderrahmane ould Deïhi et Ahmed ould Bobaly, n’ont cessé de rester en contact avec le Parquet et les autres autorités, pour tirer cette affaire au clair. Maître Sid’ El Moctar a même ouvert sa propre enquête, obtenant beaucoup d’informations sur la vie privée de l’accusée principale qu’il exploitera, dit-il, « au moment opportun ». Il en a déjà présenté quelques bribes, tirées de Facebook, lors d’une conférence de presse tenue au début du mois de Ramadan. Ce qui lui avait valu d’être menacé par le père de la jeune fille.

 

L’opinion impatiente de savoir la vérité

Comme relaté précédemment, en ces mêmes colonnes, les autorités avaient fini par faire appel à l’expertise d’un médecin légiste français, le docteur Laurent Martil de Nantes. Après avoir prélevé des échantillons sur le cadavre, il repartit en France sans les emporter. De quoi alimenter les questions des proches de la victime. Devant leur indignation, puissamment relayée par le collectif des avocats et l’opinion publique, les fameux échantillons sont expédiés, par courrier spécial, à l’expert français. Cela fait presque un mois qu’il les a en mains et l’opinion publique est assoiffée de connaître les résultats de son analyse. Des rumeurs circulent. On prétend que les autorités judiciaires détiennent déjà les informations mais répugnent à les publier. Le collectif des avocats continue d’exiger des éclaircissements auprès du Parquet. Vaine requête. Le collectif décide alors d’organiser une nouvelle sortie médiatique.

 

La police interrompt la sortie

Conférence de presse, jeudi 11 Août, vers dix-sept heures, à l’hôtel Wissal. Une foule compacte s’est amassée, brandissant les portraits du défunt et des slogans exigeant justice. Mais au moment où maître Sid’ El Moctar s’apprête à prendre la parole, un employé de l’hôtel chuchote à son oreille et lui passe un téléphone. Une fois la brève conversation achevée, il se tourne vers l’assistance pour l’informer que le commissariat de police de Tevragh Zeïna 1 lui a donné ordre de mettre immédiatement fin à la conférence. Les protestations fusent du public qui sort de l’hôtel et se   rassemble dans la rue, bloquant la circulation. Finalement, on se décide à transférer la rencontre au cabinet de maître Sid’El Moctar, à côté de la BMCI. Les avocats y expriment leur doute sur la façon dont le Parquet gère l’affaire. Ils se déclarent certains que les résultats de l’autopsie se trouvent déjà entre ses mains mais qu’il refuse de les publier, pour des raisons qui lui sont propres. « Nous devons rester au contact de l’opinion publique », insistent-ils, « si l’on veut que cette affaire ne soit pas jetée aux oubliettes ». Selon le père de feu Zeïni, le procureur de la République lui aurait affirmé ne pas avoir « encore pu entrer en contact avec le légiste français, probablement actuellement en vacances ».

Devant cet apparent black-out, les proches, amis et sympathisants de feu Zeïni ont décidé d’organiser, les jours prochains, une série de manifestations et sit-in devant les locaux de la présidence de la République. Notons enfin que la commission d’enquête de la gendarmerie poursuit ses propres investigations. Au dernières nouvelles, elle aurait interrogé une dizaine de nouveaux témoins, selon une source digne de foi. La principale accusée et sa mère continuent de se présenter, presque quotidiennement, à la brigade mixte. Il y a deux jours, le procureur de la wilaya Ouest de Nouakchott a également interrogé diverses personnes. Mobilisée, l’opinion publique reste vigilante. Quoiqu’il advienne, un constat s’impose : il aura été certes plus simple d’enterrer le cadavre du jeune homme que l’affaire dont il est le centre infortuné.

Mosy