Procès des abolitionnistes : la défense se retire

17 August, 2016 - 16:32

Les avocats des prévenus de la gazra Bouamatou réconfortés par le soutien unanime de leurs clients, ont décidé, mardi (16 aout) de se retirer, du procès non sans récuser toute autre défense qui serait commise d'office par la Cour. Le pool d’avocats proteste ainsi vivement contre la violation du code de procédure pénale, de façon ostentatoire par le  Procureur-accusateur  : « les juges, passant outre les dispositions du code pénal et du code de procédure, ont voulu imposer comme moyens de preuves, des images et vidéos fournies par la police et réalisées dans d'obscures et mystérieuses conditions et dont le procureur veut faire la pièce maîtresse d'une accusation totalement sans fondement matériel et mise à nu par les témoignages de torture des prévenus », a fait savoir Me Lo Gourmo, du collectif de la défense.

Le  Procureur-accusateur  avait  tenu la semaine  dernière à faire usage d'une "tablette" susceptible de filmer les débats, particulièrement les prévenus- que des procès verbaux de police douteux avaient déjà maltraités. Malgré les rappels à l'ordre des avocats, les juges ont voulu laisser faire et autoriser ainsi toutes sortes  de dérives, y compris un usage abusif des échanges entre les parties. Devant la menace des avocats de se retirer, le Président du tribunal avait, on se le rappelle, préféré lever la séance.

Selon Me Lo, « le procès-ou ce qui en tient lieu, est donc suspendu à ce qui pourrait être la prochaine décision d'un tribunal qui n'est clairement pas encore décidé à rendre une justice équitable. Le procès des présumés membres de IRA tourne à l'eau de boudin ». En effet, saisi de la requête contre la police pour tortures infligées aux accusés, le tribunal a décidé mardi, de se déclarer "incompétent", -en violation de la nouvelle loi sur la torture et du code de procédure qui imposent, d'une part, à tout juge de statuer immédiatement sur toute allégation de torture et, d'autre part, d'invalider tout moyen tiré de l'utilisation de cette dernière. Les avocats des prévenus avaient déposé auprès du président de la Cour criminelle, lundi, une plainte en bonne et due forme, contre 9 membres des forces de police (2 commissaires, un officier, 2 inspecteurs, 2 brigadiers et 2 agents) pour « actes de torture et de barbarie, commis sur la personne des accusés dont les témoignages précis et détaillés font froid dans le dos ». Le Président avait enregistré la requête avant de suspendre la séance. Les prévenus qui avaient exigé «qu'une procédure soit engagée contre les tortionnaires qu’ils ont nommément cités» ont réussi,  à transformer leur procès en «un procès de la torture». Les treize accusés ont tour à tour dénoncé les formes de torture subies au cours de leur détention», a déclaré Me Brahim Ould Ebetty, membre du collectif de défense des militants anti-esclavagistes.

Que fera la nouvelle institution dite mécanisme de lutte contre la Torture récemment adopté par le régime à grand renfort de publicité ? s’interroge Me Lo. Apparemment, cette « coquille vide » ne fera rien. Contacté par certains confrères au moment du déferrement des membres de IRA alléguant avoir subi des tortures atroces,  Mohamed Lemine Ould Khaless, président du Mécanisme National de Prévention (MNP) de la torture disait ne pas être au courant de cas de torture. « Nous ne sommes au courant d’aucune plainte et nous ne sommes pas en mesure d’en parler avant d’avoir entrepris des démarches pour clarifier cette allégation », avait-il dit.

De son coté, Boubacar Messaoud, Président de SOS-esclaves et membre du MNP avait déclaré avoir cherché vainement à s’enquérir de l‘état des personnes arrêtées. Il  avait confié le 11 juillet: « Je soupçonne  que si on nous refuse d’accéder à ces gens c’est parce qu’on les interroge de manière particulière  pour leur arracher des aveux. » Ces prémonitions se sont confirmées par la suite.