Nouakchott, une aberration urbaine en danger de mort

29 June, 2016 - 04:51

"Ces articles sont publiés dans le cadre d’un projet financé par le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture pour la promotion de la protection de l’environnement"

Dans le cadre de l’accord signé entre le Gouvernement Mauritanien  et l’Union européenne, le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture (PESCC), a attribué une subvention à notre association  Action Environnement pour réaliser le projet intitulé Projet de sensibilisation nationale au développement durable et à la protection de l’environnement

.Point de convergence de la population mauritanienne, Nouakchott l’apparaît également des impacts, en Mauritanie, de la pollution moderne et du changement climatique. Couplée à celui-ci, la situation géographique de la ville se conjugue à l’urbanisation accélérée et désordonnée d’individus de culture essentiellement nomade, pour menacer gravement la capitale mauritanienne et ses habitants. Celle-ci est bâtie sur une dépression (sebkha) en deçà du niveau de la mer. Alimentée par la mer, sous le cordon littoral, et donc salée, la nappe phréatique affleure, ordinairement, et cette situation est immédiatement perceptible, au quotidien, dans le débordement des fosses septiques et des puits perdus. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des pluies, en saison humide, et l’élévation constante du niveau de la mer, scientifiquement attestés, se traduisent par la formation d’étendues liquides insalubres, périodiques, le plus souvent, mais parfois même permanentes, en certains quartiers, tandis que s’accélère l’érosion côtière, sous la pression des besoins de la construction immobilière.

Car Nouakchott connaît une urbanisation galopante. Bourg de 5 000 habitants, en 1960, la capitale abrite, aujourd’hui, près d’un mauritanien sur trois (environ un million d’habitants), croissant, de manière ordinairement informelle, à la vitesse moyenne de 4,6 km2/an. Longtemps prélevé, en quantité vertigineuse et totale anarchie, tout au long du cordon dunaire qui protège la ville de la mer, le sable menace d’invasion, à l’inverse,  côté désert.  Une situation typique des villes côtières, en Mauritanie, où les manquements et les erreurs, dans les plans d’urbanisation, en disputent aux comportements erratiques et irresponsables des citoyens, pour multiplier les risques de submersion, inondations et ensablement. Les dommages économiques et sanitaires s’accumulent : dégradation des infrastructures par le sable, les eaux stagnantes et le sel, maladies hydriques endémiques, surtout parmi les ménages pauvres, dépourvus de ressources pour délocaliser leur habitat. L’un dans l’autre, c’est plus de la moitié de la population de la ville et de ses biens économiques (infrastructures routières, industrielles, habitat, etc.) qui risque d’être, dès l’horizon 2020, gravement affectée par les impacts du changement climatique et de l’anarchie urbaine.

 

Prise de conscience progressive

Progressive depuis une dizaine d’années, la prise de conscience de ces problèmes a certes amené les responsables politiques à prendre une série de mesures, d’ordre tant technique qu’institutionnel et législatif. Mais, malgré la mise en œuvre, par le gouvernement, de ressources non-négligeables,  ces mesures n’ont combattu, jusqu’à présent, que les problèmes liés au sable. Le projet Adaptation au Changement Climatique des Villes Côtières (ACCVC), soutenu par la GIZ, a ainsi entrepris de stabiliser mécaniquement et de rehausser les dunes, dans les secteurs dégradés ; réparer le clayonnage, rehausser les palissades, dans les zones de brèches, de manière à augmenter la hauteur des dunes, tandis   qu’environ dix mille plants y étaient repiqués.

Des blocs en béton ont été mis en place, entre le marché des poissons et l’hôtel Ahmedi, pour assurer une meilleure protection de cette partie fortement dégradée du cordon littoral ; des panneaux signalétiques implantés, tout au long du littoral, pour sensibiliser la population sur la nécessité de protéger le cordon littoral et de limiter l’accès à certaines zones indiquées par ces panneaux ; une surveillance organisée, pour faire  y respecter l’interdiction de tout prélèvement de sable. On tente, également, de faire comprendre, à la population de ce que l’occupation  du  sol doit être réfléchie, maîtrisée et que l’interdiction de construire, dans les  zones  sensibles, est une mesure salutaire pour chacun et pour tous.

Il reste cependant beaucoup à accomplir. De nombreux quartiers (5ème, 6ème, SOCOGIM PS...) souffrent d’inondations permanentes et, à défaut de pouvoir assurer un drainage effectif de ces foyers d’insalubrité – une tâche longue et ardue qui indexe trop d’années de carences administratives, pour ne pas dire totale démission, dans la gestion de l’assainissement – il faut aider, sans plus tarder ni tergiverser, à relocaliser les gens vers des zones plus sûres. L’urgence devient une plaie, non seulement pour le pouvoir qui risque fort payer, cher, l’incurie de ses services mais, plus gravement encore, pour des dizaines, voire des centaines de milliers de citoyens, touchés dans leur chair même. Il faut agir. Sans précipitation mais au plus vite.

 

Mamadou Thiam