Autour d'un thé

23 June, 2016 - 15:59

A beau mentir qui vient de loin. Un loin relatif : Nouakchott est loin de Fassala, par exemple. Donc, quelqu’un peut bien venir de Nouakchott et dire, aux « Fassalois », que le dialogue des trois à quatre semaines, au plus, a commencé depuis, au moins, dix jours. Il pourra même citer les propos du ministre de la Communication. Mais de là à beau mentir qui vient de près ! C’est-à-dire, de la salle du Conseil des ministres à celle, fameuse, où des ministres viennent commenter les décisions de cette réunion hebdomadaire. Ne vous disais-je pas que ce loin est très relatif. Mais on dit souvent qu’il n’y a jamais deux sans trois. Une armée mexicaine qui consomme trois fois le budget de son pays, en cinq jours de carburant. Impossible que ça soit vrai. Si celui qui parle est un idiot, celui qui écoute doit être intelligent. C'est-à-dire que, si celui qui parle est un menteur, celui qui écoute doit le savoir. Autrefois les opposants finissaient leurs ambitions présidentielles en prison, alors que, maintenant, ils les entrevoient en corruption gouvernementale. Ce n’est peut-être pas un mensonge. C’est une bêtise qui frise l’insolence et l’indiscrétion. Or une vérité déclinée avec insolence ressemble à un mensonge : le Président est dans les délais, le dialogue a commencé. Depuis dix jours. Un dialogue de sourds. C’est peut-être de ça que parle l’honorable docteur ès imprécisions et balivernes. Encore une fois, c’est la grande problématique de la compréhension des concepts et de leur interprétation. Chacun de son minuscule petit angle exigu. Un buffet garni de boissons. De grands plats débordant de très bonne viande, savamment bien cuisinée en méchoui et tagine. Des fruits de toutes catégories. Des hommes. Des femmes. Des jeunes. Des anciens. Des nouveaux. UPR en gros boubous tout bien cousus. Des représentants de « partillons » prétendument de l’une des nombreuses oppositions. Deux « représentatifs leaders »’ d’une certaine communauté. « Un » d’une autre. Des invitations refusées. Des troubadours et amuseurs publics. Tout un paysage... Une grande salle très bien éclairée. Une bonne sonorisation. Une ambiance de fête. Des apartés. Par-ci, par-là. Des va-et-vient incessants. Des centaines de voitures de toutes marques et de tout âge, parfois bien garées, parfois mal. Puis... rien. Mais, il a raison, le Monsieur. Pour une fois qui n’est pas coutume, le dialogue a bien commencé. Dans les délais. Comme l’a promis le Président. Au moins, lui ne ment pas. Astagfiroullahi ! C’est le Ramadan. Les coefficients sont multipliés par je ne sais quel nombre. Mentir n’est rien en Mauritanie. Autrefois, on disait mentir comme respirer. Le menteur était un être marginal. Connu. Etiqueté. Aujourd’hui, les gens mentent artistiquement, officiellement, confusément, méthodiquement. Comme il y a un discours de la méthode, il y a un mensonge de la méthode. Bien pensé, bien organisé, bien agencé. Ces hé, hé, immortalisés par un certain ancien président du pays autour desquels les plus croustillantes anecdotes circulent, sont devenus, au fil du temps, un signe distinctif des professionnels du mensonge, au point que certains hauts très hauts responsables (montez autant que vous voudrez) sont réputés en être des spécialistes. Tfou, tfou, ce ministre-ci ! Il ne dit pas deux « expressions sœurs » !’ Tfou, tfou, ce général-là ! Il n’a pas de joues où s’il en a, elles sont en caoutchouc et démontables ! Tfou, tfou, ce député-ci ! C’est Ould Jem’be [une sommité populaire du mensonge] … Tfou, tfou, ce directeur-là, ce secrétaire général, ce directeur ou cet homme d’affaires ! S’il te dit que la fin du monde est arrivée, va dormir ! Mensonge transversal qui touche plusieurs secteurs à la fois, via une seule histoire méthodiquement racontée, avec force attention et grimaces. Mensonge horizontal, mensonge vertical, mensonge économique, mensonge politique, mensonge qui rapporte gros. Promotion mensonge, donc, à l’instar de promotion canapé. Si un mensonge permettait de remplir un sac et que deux n’y mettaient rien, cela ne semble plus être le cas : à défaut de Printemps arabe, les Mauritaniens ont révolutionné le mensonge. Salut.