Politique : La fronde des sénateurs pollue-t-elle le dialogue ?

16 June, 2016 - 03:58

On observe depuis quelques jours, comme une espèce de pause, dans les manœuvres politiques. Le mois béni de Ramadan, en dépit de ses longues soirées et veillées nocturnes, paraît avoir affaibli l’ardeur de nos politiciens.  Comme les corps, la palabre accuse les affres de la soif et de la faim. Du coup, le dialogue politique annoncé, par le président de la République, pour début-Juin, tarde à prendre corps. A en croire diverses sources, difficiles à confirmer, les travaux préparatoires avancent… lentement. Un haut responsable du parti au pouvoir laisse cependant entendre que leurs documents préliminaires seraient, à l’instar des contacts avec les acteurs politiques, « en phase de finalisation ».

Mais la fronde ou, disons plutôt, la grogne des sénateurs de la majorité semble, côté pouvoir, polluer l’atmosphère. Vexés par la décision « unilatérale » du président de la République de soumettre, à référendum, la suppression de la chambre haute du Parlement, accusée de lenteur, dans l’adoption des textes, et taxé de « budgétivore », par ce même Président – des critiques relayées par les hauts cadres du RPR – les sénateurs se serrent les coudes et leur action entrave les préparatifs du dialogue convoqué par le discours présidentiel de Néma le 3 Mai.

Une fronde qui paraît bien préoccuper le pouvoir redoutant même la contagion à l’Assemblée nationale. Ce serait essentiellement pour cette raison, croient savoir certains observateurs, que le dialogue tarde à se concrétiser. Le Palais tenterait d’étouffer dans l’œuf les mécontentements de ses sénateurs. Jusqu’où ceux-ci, se demande-t-on, seraient-ils prêts à aller ? C’est la première fois que des élus s’opposent au pouvoir en place, sans le soutien d’un bras armé visible. Ils multiplient réunions et concertations d’où quasiment rien ne filtre. On entend parler d’une rencontre, avec le Président, en fin de semaine passée. Une chose est sûre, le Raïs ne cherche pas la confrontation. Certains croient même que la suppression du Sénat pourrait être différée, voire carrément « oubliée ». En tous les cas, le Ramadan est mis à profit pour trouver un consensus…

Autre entrave au dialogue, les réticences du forum et du RFD à répondre positivement à son invite. Or, sans ces deux pôles de l’opposition, croit savoir un haut responsable de la majorité présidentielle, il ne peut y avoir de véritable dialogue.  Le pouvoir poursuit, donc, ses démarches, pour les convaincre à s’y engager. Des contacts informels auraient été établis, avec plusieurs présidents de partis du pôle politique du FNDU.  La déclaration du Président, à la presse étrangère et relayée par l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI) est déjà probablement sur la balance. En déclarant, publiquement, qu’il ne briguerait pas de troisième mandat, le président de la République a placé ses opposants, qui redoutaient cette éventualité, devant leurs responsabilités. Pour le pouvoir, l’opposition n’a plus de prétexte pour refuser de s’asseoir autour d’une table et débattre des questions sensibles. « Aucune ne sera tabou », a affirmé Ould Abdel Aziz.  Le FNDU et le RFD le prendront-ils au mot ? Ou, suivant l’avis de nombre de citoyens et observateurs, se cantonneront-ils à refuser de risquer se faire avoir, encore une fois ? 

Si le RFD reste ferme sur son refus, c’est depuis bien longtemps que le FNDU planche, pour sa part, sur cette alternative. A en croire un de ses responsables, les lignes commencent à bouger… un petit peu. Certains partis estiment stérile l’option du boycott.  Même suicidaire, à la limite. Mais l’impératif reste d’éviter l’éclatement du forum qui a réussi, jusqu’au départ du RFD, il y a quelques mois, à garder son unité et parler d’une seule voix.

En acceptant, les uns et les autres, de s’asseoir autour d’une table, les protagonistes pourraient convenir d’un canevas de points à débattre, pour sortir le pays, comme ils le proclament tous, de la crise multiforme où il se débat depuis 2008 : ancrage de la démocratie, cohabitation (partage des charges et institutions  représentatives  entre les différentes composantes nationales)  avec discrimination positive,  meilleure gouvernance (répartition  des richesses du pays), organisation d’élections crédibles et inclusives… Voilà ce que les Mauritaniens attendent de sa classe politique. En est-elle capable ?

DL