Propos du président de la République sur le 3e mandat : Suffisant pour « embarquer » le FNDU et le RFD ?

9 June, 2016 - 03:09

Les récents propos du président de la République, au micro de media étrangers, à propos du troisième mandat que l’opposition le suspecte de vouloir briguer, suscitent des réactions au sein de la classe politique, notamment  au sein des deux plus importants pôles de l’opposition. Dans ces déclarations, reprises par la très officielle Agence Mauritanienne d’Information (AMI), le Président a indiqué qu’il ne modifierait pas la Constitution pour s’octroyer un troisième mandat actuellement interdit par celle-ci : « Je n’ai jamais dit, à aucun moment, que j’allais modifier la Constitution pour me représenter. J’ai fait deux serments pour la respecter. Ils sont plus forts que ce que je dirai à l’avenir »

Au lendemain de cette sortie, divers présidents de partis politiques du FNDU jugent ces propos « rassurants », « de bons signes » et veulent y voir une base pour amorcer les discussions.  Suffisant pour faire changer la position du FNDU et du RFD, par rapport au discours présidentiel à Néma, le 3 Mai, à la suite duquel ils avaient déclaré qu’ils ne participeraient à aucun dialogue dont les règles du jeu sont unilatéralement fixées par la partie adverse ? Quelle crédibilité donneront-ils à ces propos, eux qui ont toujours douté de la sincérité du pouvoir en place ? La sortie du président de la République aurait plus de poids, remarquent certains observateurs, si le Rais avait publiquement désavoué, depuis Néma, ses ministres qui avaient osé réclamer un troisième mandat pour lui.

Autres questions : pourquoi, se demandent-ils, le président de la République a-t-il préféré réserver cette primeur  à la presse étrangère ? S’agirait-il d’une sortie destinée à la consommation extérieure, notamment celle des bailleurs de fonds ? Pourquoi pas à Néma ou à Nouadhibou ? Ce qui est tout de même sûr, c’est que sa mise au point aura eu le mérite d’avoir, au moins, tenté de mettre fin aux gesticulations autour du troisième mandat, en l’air depuis quelques mois. Après avoir exclu l’idée d’un régime parlementaire en Mauritanie, le président de la République paraît donc bien couler son dernier mandat, fermement adossé à ses deux serments prêtés et à son respect de la Constitution.

Messaoud ould Boulkheïr ne manquera certainement pas de saisir l’opportunité de mettre, sur la table, cette sortie, pour inciter, une fois encore, l’opposition dite radicale au dialogue, lui qui a annoncé reprendre langue avec le RFD et le Forum.

 

FNDU : Divergences toujours perceptibles

Mêmes si certains présidents de partis politiques du forum ont bien accueilli les déclarations du Président à l’étranger, le FNDU peine toujours à arrêter une position commune sur le dialogue programmé par Mohamed ould Abdel Aziz. Joint au téléphone, Moussa Fall, président du CND, rappelle ainsi que, si la question du troisième mandat a bien été levé par le président de la République, la réponse écrite au mémorandum du forum se fait toujours attendre. Entre hostilité toujours vive des uns, désir inavoué de compromission des autres, on voit cependant apparaître une tendance plus « réaliste ». Pour ce groupe de partis, il faut savoir évoluer, sans oublier les questions essentielles, comme l’ancrage de la démocratie, de l’Etat de droit, de l’unité nationale. Petite évolution, au regard de la position, jusqu’ici figée, du forum ? Peut-on continuer à se cramponner sur une réponse écrite, alors que le pouvoir, en dépit de sa convocation unilatérale au dialogue, semble, tout de même, avoir quelque peu avancé, notamment sur la question du troisième mandat, tant redouté par l’opposition ?

Aller au dialogue ne signifie pas devoir avaler tout ce que régime va servir à table. Il ne manque pas d’observateurs ni, même, de responsables du Forum – une tendance grandissante, semble-t-il, au sein de l’opinion – pour demander, à l’opposition, d’établir les conditions susceptibles de pousser le pouvoir à accepter un agenda consensuel des points à débattre, des lignes rouges à ne pas franchir ; bref, de prendre au mot le président de la République, dans sa déclaration qu’aucun sujet ne sera tabou. Si le pouvoir veut « singer avec » l’opposition, celle-ci pourrait toujours, comme en 2013, en tirer conséquences et révérence.

Cela dit, le contexte semble bien avoir changé, en trois ans. La géopolitique et l’environnement sécuritaire ont notablement évolué. Le Président paraît, aujourd’hui, en meilleure disposition à quitter le pouvoir en fin de second mandat.  On peut lui prêter toutes les intentions du monde : modifier le régime, se faire remplacer par un dauphin docile et sans ambitions, revenir, par les urnes, en 2024, comme Buhari au Nigéria, Kerékou au Bénin, etc. L’échéance de 2019 n’en demeure pas moins réelle et s’y préparer n’est pas superflu. Le Président serait disposé à reporter la date du dialogue, « si des participants pas encore prêts le demandent », selon des propos que lui prêtent divers sites Web. Perche tendue, au FNDU, pour terminer ses conciliabules, avant d’aborder la phase préparatoire de l’agenda des points à débattre, le chronogramme, et tutti quanti ? En tout cas, l’occasion paraît belle et il n’est pas du tout certain qu’elle ne fasse que le larron… 

DL