Dialogue politique et sommet arabe : L’été sera chaud

2 June, 2016 - 00:43

Dans son discours du 3 Mai à Néma, le président de la République avait laissé entendre qu’un dialogue politique se tiendrait dans trois à quatre semaines de là. Nous voilà, désormais, au terme du délai annoncé. Et, même si le Rais a, récemment, réaffirmé à Nouadhibou, que le dialogue s’ouvrirait bien à la date prévue, rien n’en laisse présager l’ouverture. Côté pouvoir, le président de la République semble plus préoccupé par ses voyages et préparatifs du sommet de la Ligue arabe qui pourrait se tenir, a-t-il lancé, « même sous des tentes ». La diplomatie mauritanienne tourne à plein régime. Le Président et ses ministres multiplient les sorties à l’étranger pour convaincre le grand nombre possible de rois, princes, émirs et chefs d’Etat de se déplacer à Nouakchott. Nouakchott n’a ainsi ménagé aucun effort pour « normaliser » ses relations avec Alger.

Cette course contre la montre témoigne de la volonté du Président de réussir « son » sommet. Un succès diplomatique dont les dividendes commencent à affluer, avec les financements obtenus, auprès des pays du Golfe, pour réhabiliter les grands axes de la capitale. Le gouvernement met les bouchées doubles pour être au grand rendez-vous. Du coup, la tenue, à l’échéance prévue, du dialogue politique semble, aujourd’hui, bel et bien mise au second rang.

 

UPR : priorité au discours de Néma

L’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité présidentielle qui préparait une campagne de réimplantation, a, finalement, rangé ce dossier dans les tiroirs, pour se consacrer à la vulgarisation du discours de Néma. Vingt-deux meetings, dans la capitale, un autre à Nouadhibou, ont mobilisé membres du gouvernement, élus et cadres. Partout, les orateurs ont mis l’accent sur le bilan très « reluisant » de leur patron, sans oublier de décocher des flèches assassines, non seulement, à l’endroit de l’opposition mais, aussi, à celui de la chambre haute du Parlement dont le sort a été scellé, par le Président à Néma. Des sorties très mal appréciées par nombre de sénateurs, entrés, depuis, en fronde.

Tous ont affirmé, en écho au Président, que le dialogue convoqué depuis Néma aurait bien lieu à la date prévue et invité l’opposition à y prendre part, oubliant les critiques assassines formulées à Néma. On s’en souvient : le Raïs y avait qualifié son opposition « d’ennemie de la Nation, antidémocratique, ramassis de voleurs et de menteurs ». Des propos qui soulevèrent une vague d’indignations. Pas vraiment de nature à susciter une ruée vers le dialogue, au point qu’aujourd’hui, tout le monde se demande – à commencer par le gouvernement – si l’engagement présidentiel sera respecté. En tout cas, beaucoup en doutent.  

A en croire une information relayée par la presse, le président de la République aurait informé les « intéressés » qu’ils pourraient obtenir un report « s’ils ne sont pas prêts ». Curieuse invite qui laisse supposer que la date annoncée ne sera pas respectée, même si plusieurs partis politiques, comme le dernier né d’entre eux – l’AND d’Ould Moine – ont déjà annoncé leur décision de prendre part au dialogue. Si le Président continue de recevoir des personnalités, pour les convaincre à accepter son offre, le pari est loin d’être gagné.  La démarche engagée, par le président de l’APP, Messaoud ould Boulkheïr, n’a pas donné grand-chose. Sa rencontre, avec une délégation du FNDU à Tivirit, il y a bientôt un mois, a avorté.

 

Le FNDU en débat

Une fois la « convocation » du Président connue, le FNDU a marqué son refus d’y prendre part. Dans un point de presse tenu à cet effet, le Forum a, tout d’abord, dénoncé les virulentes et calomnieuses attaques dont il a été victime, de la part du président de la République, avant de déclarer qu’il ne participerait pas à un dialogue dont les règles du jeu sont unilatéralement fixées par le pouvoir. Le FNDU exige, comme depuis bientôt deux ans, une réponse écrite à son mémorandum. En somme, des garanties ou assurances, avant de s’engager dans une quelconque discussion.  En dépit des promesses du pouvoir de débattre de tous les sujets – « Aucun n’est tabou », dit le Raïs – le FNDU reste très méfiant. Car un de ces sujets est, précisément, indiscutable : le fameux troisième mandat.

L’ambiguïté du pouvoir à cet égard n’a pas été levée. Aussi le FNDU s’emploie-t-il, après avoir rejeté l’offre présidentielle ou, plutôt, la « sommation » de Néma, à poursuivre les discussions et contacts pour élargir le front du refus à toute prolongation du mandat présidentiel au-delà de sa limite constitutionnelle, seule garantie d’une possibilité d’alternance démocratique.  Selon une source proche de ce pôle d’opposition sans lequel aucun dialogue sérieux ne saurait s’établir, un point de presse devrait, très prochainement, nous édifier sur l’état de ses discussions internes. Une sortie très attendue par la majorité qui mise sur des dissensions, voire scissions, au sein du RFD et du FNDU. Vain pari, semble-t-il a priori, tant le FNDU paraît solidement tenu à son cap et l’échec de la « facilitation » susdite, tentée par le président d’APP à Tivirit, n’est certes de bon augure, pour le pouvoir.

 

Messaoud et ce qui reste de la CUPAD

D’autant moins, d’ailleurs, que du côté même de la CUPAD – ou de ce qu’il en reste – les interrogations s’accumulent. Si Boydiel ould Houmeïd, un des poids lourds de cette coalition, serait « preneur » du dialogue, après ce qui est qualifié de « compromis », autour du blocage de la mairie de Rosso, Abdessalam  Horma se mure, lui, dans un silence de marbre. L’autre poids lourd de la coalition, Messaoud ould Boulkheïr, qui manœuvre seul, depuis plusieurs mois, en dehors de ses collègues d’El Wiam et Sawab, a fait durer le suspense jusqu’au meeting du lundi 30 Mai que son parti a organisé, place Ibn Abass.  Il y a confirmé sa volonté de participer au dialogue, invitant, une nouvelle fois, Ahmed ould Daddah à en faire de même. Aucune allusion à une quelconque demande de report et absolution, par contre, des propos présidentiels qui « ont été déformés et mal compris », a-t-il souligné.

 

Et les négro-africains ?

Une partie de la presse suspecte plusieurs partis négro-mauritaniens, comme l’AJD/MR d’Ibrahima Sarr, Arc-en-ciel de Balas ou les FPC, non officiellement reconnues, de Samba Thiam, de vouloir prendre part au dialogue. Le président de l’AJD/MR a été reçu par le président de la République, justement dans le cadre des concertations en ce sens. Mais le parti d’Ibrahima Sarr n’a produit aucune déclaration sur sa position. A se fier à des propos tenus, dernièrement, sur une radio privée sénégalaise, Ibrahima Sarr pourrait cependant être de la « fête », si celle-ci inscrit, en tête des questions à débattre, la cohabitation en Mauritanie, un sujet qui préoccupe au premier chef l’AJD/MR.

Quant à Arc-en-Ciel, les observateurs et plusieurs membres du FNDU croient, dur comme fer, que Balas est tombé dans l’escarcelle du pouvoir. Les détracteurs de son parti en veulent pour preuve l’entretien, au Palais, entre Balas et Ould Abdel Aziz. Officiellement, indique le président Balas, pour plaider en faveur de la diaspora rencontrée lors de sa tournée européenne. Mais, le contexte aidant, les gens y ont vu, une volonté d’Arc-en-ciel de tourner la page FNDU. « N’a-t-il pas gelé depuis », font-ils remarquer, « sa participation aux discussions du Forum ? ».

Du côté des FPC, on s’étonne de la grandissime manipulation dont, non officiellement reconnus, ils font pourtant l’objet, de la part de divers organes de la presse qui sont allés jusqu’à affirmer que le président Samba Thiam avait été reçu par le président de la République et qu’ils s’étaient entendus pour négocier participation au dialogue contre reconnaissance officielle. Certains leur ont même reproché de s’être vite réjouis de la décision du pouvoir de remplacer le Sénat par des conseils régionaux, alors que cette mesure rejoint, d’une certaine manière, la proposition d’autonomie des FPC.  Contacté par le Calame, un responsable du parti s’est voulu très clair : « Tout ceci n’est qu’allégations, voire tentatives de dénigrement des FPC qui n’ont cessé de rejeter et rejettent un dialogue dont le seul but est de préparer des élections ». Et d’enfoncer le clou : « Nous ne nous préoccupons que des questions vraiment essentielles au pays, notamment l’unité nationale, la cohabitation, l’état-civil, la démocratie… »

Quant au MPR, son président reste ferme sur la ligne FNDU. Une source proche du parti indique que des tentatives d’approcher le président Kane ont été initiées, comme par le passé, mais le Mouvement Pour la Refondation « n’entend pas amuser la galerie ou servir de faire-valoir… » Pour l’heure, le MPR, qui s’est beaucoup investi pour la réussite des meetings du FNDU, prend une part active aux discussions du Forum dont on attend, comme on l’a dit tantôt,  une imminente déclaration.

DL