Calamités…

27 May, 2016 - 00:49

Dans son discours de Néma, Mohamed ould Abdel Aziz promettait un dialogue à trois ou quatre semaines de là. Donc autour du 3 Juin pour rester dans les délais. Sinon, les gens de l’opposition auront encore quelque chose à dire sur les RV du Président et ses promesses. En attendant, ça négocie ferme, en coulisses, et, selon diverses indiscrétions, certaines participations de partis et de personnalités devraient en surprendre plus d’un. Mais on serait surtout surpris de l’être, dans un pays où toutes les manœuvres, y compris les plus pernicieuses, sont permises pour persuader/dissuader l’adversaire. L’affaire du député  Tawassoul de Tintane (propriétaire de King Pharma)  à qui la Direction Générale des Impôts a notifié, sur injonction de son ministre de tutelle en voyage, de payer, illico presto, la bagatelle d’un milliard d’ouguiyas, prouve que l’Etat ne lésine sur aucun moyen pour faire chanter ses rivaux. Et profiter des moindres divergences, au sein de toute formation politique opposante, pour entreprendre toutes sortes de pressions en perspective d’un éventuel débauchage. Un proverbe arabe recommande d’aimer modérément  et de haïr modérément. Histoire de laisser un peu d’espace pour aimer ton ancien ex-ennemi ou haïr ton ex-ami. L’ex-député Yacoub ould Moine, dissident du RFD, devenu président d’un parti nouveau, a annoncé qu’il participerait au prochain dialogue. C’est le fruit d’une audience auprès d’un Mohamed ould Abdel Aziz qu’il vouait, il y a quelques mois encore, aux gémonies, le traitant de tout et, plus encore, de rien. C’est vrai que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Les autres peuvent en changer au gré des circonstances. Il y a quelques années, quelqu’un disait que la Mauritanie souffrait de son « élite ». Un autre intitulait son article : « Une catastrophe nommée les cadres ». Il n’y a pas, à mon avis, plus vrai que ces deux assertions. Si le pays est empêtré, aujourd’hui, dans cette crise multiforme vers quoi personne ne sait où elle peut mener, c’est, essentiellement, à cause de l’aplatissement et de la démission d’une élite clochardisée, bouffonnée et copieusement instrumentalisée, par des systèmes généralement insouciants et peu compétents. Que d’éminents professeurs de mathématiques, philosophie, physique et autres chercheurs de renom, ingénieurs et hauts cadres sortis des plus prestigieuses écoles internationales se recyclent en troubadours, bouffons et amuseurs de la galerie est l’éclatante preuve de ce que le chemin est encore semé d’embûches. Choix cornélien. Entre un pouvoir qui ne cède qu’à l’allégeance aveugle, sur fond d’applaudissements et de fanfaronnades à tout va, et une opposition diabolisée dont l’appartenance prédispose systématiquement à l’ostracisme et à la marginalisation. Entre le camp du tout et celui du rien. Véritable attelage de « gens de brousse » : un côté plein et un côté vide. Entre promotion à base de t’lahlil (très forte hypocrisie) et privation pour refus d’obtempérer. Or les élites ont constitué, de tout temps, les vecteurs du développement des peuples, les leviers intangibles de leur conscientisation et de leur émancipation, à travers leur résistance et leur détermination à faire émerger un Etat fort de valeurs consolidées. En cela, les exemples ne manquent pas. Les cadres nationaux ont toujours constitué les avant-gardes de toutes les bonnes causes. Sans cela, attendez-vous à la fin du monde. La semaine dernière, des équipes de cadres ont sillonné Nouakchott, pour expliquer le discours de Mohamed ould Abdel Aziz. Pour les mêmes causes, d’autres ont envahi les plateaux des télévisions officielles et privées. Des sorties endiablées qui ont fait de tout bois, tirant sur tout ce qui bouge et sur ce qui ne bouge pas. Ni l’opposition, ni le Sénat et les sénateurs, ni le moindre contradicteur de la moindre  thèse officielle n’ont été épargnés. L’essentiel étant de dire et de faire comme Président-fondateur de la République Islamique de Mauritanie. Impossible de présager vers où va un pays dont les « élites » et les cadres vont sans repères. Un pays dont les « élites » et les cadres ne croient plus, depuis longtemps, qu’à une mesquine politique du ventre au nom de laquelle ils sont prêts à danser et à chanter les gloires chaque fois renouvelées d’un maître de céans charrié, au gré d’improbables circonstances, pour mener la barque vers d’aussi improbables destins.  Et vogue la galère… avant le radeau, à moins que Dieu nous ait en pitié.

 

El Kory Sneïba