Faut pas insulter l’Histoire

25 May, 2016 - 16:26

J’avoue que je regarde rarement les télévisions privées nationales. Seulement quand un ami ou autre m’informe que telle ou telle TV organise telle ou telle émission. Ces derniers temps, Philip Alston, rapporteur spécial des Nations Unies sur la pauvreté extrême, ravit la vedette à tous les autres sujets. A cause de ce rapport, la visite de Néma est devenue un événement presque secondaire. Des dizaines voire des centaines de « cadres » de toutes appartenances défilent sur les écrans. Pour dire quasiment la même chose. A quelques exceptions près. Des voix discordantes de quelques rares analystes opposants (donc peu éclairés) qui veulent jouer à l’objectivité. Bien surveillés, donc, à l’ordinaire, comme du lait sur le feu, par les journalistes-animateurs de « débats », prompts à leur récupérer la parole chaque fois qu’ils estiment que leurs invités sont entrain d’« aller très loin ». A les voir parler et gesticuler, nos « brillants » cadres sont visiblement très en colère. Au point de risquer faire tomber le ciel sur la terre. Tous les gros mots y passent : menace de l’unité nationale, énorme mensonge, Etat souverain, montage de contrevérités et autres dérapages langagiers, à l’encontre de ce rapporteur spécial qui a osé écrire des propos si déplaisants au système. En filigrane, il est clair que nos fameux cadres doivent remercier, en bas en bas, ce providentiel Alston qui leur a offert l’occasion de rivaliser, à qui mieux mieux, dans la totale allégeance au pouvoir et la perspective d’une probable ascension, pour les uns, ou d’un retour aux affaires, pour les autres. L’éminent professeur des universités El Bekkaye ould Abdel Malik s’est complètement « décomposé », face au secrétaire exécutif du RFD, Limam Ahmed ould Mohamedou, au sujet de la visite de Néma et des réalisations de son Excellence le président de la République. Comme lui, la chargée de mission Selma mint Teguedi a sorti l’artillerie lourde, face à la parlementaire de Tawassoul, Zeïnebou mint Taghi. Avant eux, le député El Khalil ould Teyib est allé, en long, en large et en travers, sur les qualités, prouesses, héroïsmes et autres bienfaits de son Excellence sans qui la Mauritanie serait, depuis longtemps, morte et enterrée. Mardi soir 24 Mai dernier, sur Al Wataniya, Cheikh Ahmed ould Zahav n’a pas fait moins que ses amis de la majorité. Pour lui, le rapport de Philip Alston est une véritable conspiration contre le pays. Un complot qui a ses soutiens internes et externes, même une cinquième colonne, peut-être, dont l’objectif est de nuire à la Mauritanie. L’esclavage n’existe pas. L’exclusion des Harratines et des Négro-africains est de pure imagination. Le pays est un chantier. Les programmes. Les stratégies de développement. Les réformes structurelles ; dans tous les domaines. Les petites grèves par-ci ou rassemblements populaires de contestation par-là ne prouvent rien d’anormal. Il ne sert à rien d’insulter l’Histoire. Surtout quand on ne sait pas de quoi demain sera fait.

El Kory Sneïba