Autour d'un thé

5 May, 2016 - 01:05

En moins de soixante ans, la Mauritanie a tout vu. Tout entendu. Tout vécu. Des pierres. De l’argile. De l’or. Qui semble être partout. Juste à quelques petites profondeurs, quelque part vers Tijiritt ou, même, maintenant, beaucoup plus près. Ici, à vue d’œil, vers, dites-moi, là où, il y a deux ans, ça a plu du plomb. Vers… – oh la la ! Comment puis-je oublier ? C’est un lieu particulièrement célèbre… Pas Oumou Tounsi. Même si. Vers Toueïla. Vous savez, l’or, c’est les djinns. Ça va de pair : qui dit or, dit diable. C’est pourquoi tous ceux qui y courent sont endiablés. Pris d’une frénésie diabolique. La ruée vers l’or. Aller à la conquête de l’or. Moi, je dirais, plutôt,  à la cueillette. Pourtant, dans notre tradition, il y a des communautés en mauvais rapports avec l’or. Ni l’or ne rentre sous leurs tentes, ni leurs filles ne s’en embellissent ni s’en parent. L’or, le fer, le feu. Ça symbolisait quelque chose. C’était les autres. Autres temps, autres mœurs. Un fils de grande tente ou de grande case avec un marteau, une enclume, une pelle à la main. C’est le revers de la médaille. D’or ou d’argent, peu importe. Un détecteur, une équipe de prospecteurs, des provisions. Et de l’endurance. Et vous voilà riche, entre une soirée et une matinée. Attention à la fièvre de l’or. Elle est réputée très forte. La résonnance du thermomètre rappelle étrangement celle du détecteur de l’or. Pioche là-bas. Pioche là-bas. Pioche ici. Il paraît que de grandes personnalités du système commencent à envisager d’envoyer leur caravane à la cueillette de l’or. Un peu comme l’histoire d’une gourmande hyène qui voulait se jouer de quelques animaux affamés, en leur racontant que gisait, non loin d’eux,  l’immense cadavre d’une vache grasse. Sans attendre la fin de l’histoire, les animaux « recouvrent » l’hyène de poussière vers la direction indiquée. La malicieuse hyène les suit, à vive allure, en espérant que son malin mensonge ne se soit pas transformé en une vérité réelle. L’or, c’est les ceci. La tête du mouton, c’est les cela. Le cou, c’est les autres. Tout cela n’est que de la littérature. Tout le monde en raffole et en mange. Discrètement. Voyez, le Makhzen, c’est très important. Qui s’y est frotté, s’est piqué. Y a que ceux qui n’ont jamais été rien qui ne le savent pas. T’a jamais été ministre. T’a jamais été commissaire à la sécurité alimentaire. T’a jamais été trésorier général. T’a jamais été directeur général des impôts. T’a jamais été rien. Et tu dis, aux autres, gna gna gna, n’allez pas avec Aziz à Néma. Surtout s’il vous invite. Pousse là-bas, du n’importe quoi. Alors que, dans nos républiques «dattières », Président-fondateur, c’est le centre. C’est le planton. C’est le juge. C’est le wali. C’est le ministre. C’est le comptable. La preuve ? Cette histoire de conseillères de Rosso. Qui a finalement réglé ça ? C’est Président-fondateur lui-même qui a donné ordre de les « frouter » (dégager) et de plier le dossier. C’est toujours comme ça que ça se passe, dans les républiques dattières. Y a qu’un seul chef. Il est tout. Même s’il n’est rien. Cette histoire de séparation des pouvoirs… Même pas. Cette histoire de toi, tu es PM… PM peut signifier deux choses : Premier ministre ou police militaire. Toi, tu es président du parti au pouvoir. Toi, tu es ministre de la Défense. Toi, des Affaires étrangères. Toi, de l’Economie et des finances. Toi, de l’Intérieur et de la décentralisation. Toi  tu es ministre des pêches. Toi, de la Justice. Toi, tu es commandant du BASEP. Toi, chef d’état-major général des forces armées. Toi, ambassadeur en France. Toi, gouverneur de la Banque centrale. Toi, chef d’arrondissement de Le’oueïssi. Toi, directeur du collège de Niabina. Tout ça, c’est en haut en haut. En réalité, en bas en bas, le chef central général, omnipotent, indiscutable et irréfutable c’est le président fondateur lui-même, en personne, en chair et en os, en dehors, en dedans, partout où quelque chose bouge. Voici moi, Président-fondateur de notre chère république dattière. Salut.