Le président de la République de nouveau à l’Est : Reprendre la main ?

31 March, 2016 - 11:26

Le Calame annonçait, dans ses colonnes de la semaine dernière, la reprise de la guerre des tranchées entre le pouvoir et le FNDU, enterrant, ainsi  et de facto, leurs moult tentatives de nouer dialogue. Le voyage du président de la République à l’est du pays, suivant, de quelques jours, celui à Keur Macène (Trarza) et précédant d’aussi peu celui annoncé dans la wilaya-sud de Nouakchott (Tarhil 18),  semble difficilement  inscriptible à la rubrique « visitations de travail » que le Raïs effectue régulièrement à travers le pays. Ces sorties interviennent, en effet, après les meetings qualifiés de « réussis »,  dans les  régions réputées bastions du parti au pouvoir.

Revenu presque requinqué de ses tournées à Néma, Aïoun et Kiffa, le FNDU entend capitaliser les accueils des populations qu’il se dit convaincu d’avoir  fait basculer. Maître Mahfoudh ould Bettah, président du CDN, a même parlé de « déclic », dans son interview exclusive au Calame, au lendemain de son retour de tournée. Malgré les tentatives du pouvoir de torpiller les  meetings de l’opposition dans ces régions,  en dépêchant, à ses trousses, une forte délégation ministérielle et en instrumentalisant  l’administration,  le FNDU a reçu un  «  accueil enthousiaste et chaleureux des populations », s’enthousiasmait Ould Bettah. Pour lui, les populations de l’Est ont pris conscience de ce que le pouvoir n’a fait que les berner.

Ces succès, auxquelles il faut ajouter celui du méga-meeting du RFD à Nouakchott, autre formation de l’opposition capable de mobiliser les foules, ont, en tout cas, manifestement « agité » les hautes sphères du pays. Et, réponse du berger à la bergère, le président de la République a décidé, en conséquence, de redescendre sur le terrain pour parer au plus pressé. Certes, il ne peut, théoriquement plus, se présenter pour un troisième mandat mais on comprend tout de même mal pourquoi s’est-il si promptement réengagé à l’Est, alors qu’il n’a toujours pas achevé sa tournée de 2014. Certaines wilayas, comme le Tagant, attendent toujours leur tour de l’accueillir.

 

Silence coupable

Cette visite du Président prouve surtout combien ses soutiens, en premier chef l’Union pour la République (UPR), ne seraient que des « incapables ». Non seulement, ils  ne réagissent pas aux nombreux coups que reçoit leur chef, depuis quelques mois, mais, pis, ils ne brillent que par leur silence, aussi bien à l’Assemblée nationale,  au Sénat, sur les media nationaux et  internationaux que dans la rue. La légion civile du coup de force qui éjecta le président Sidi ould Cheikh Abdallahi du pouvoir semble, aujourd’hui, figée dans un silence coupable.  L’UPR,  qui vient d’exprimer son « malaise » d’avoir été mise de côté  lors des  activités du gouvernement visant à  contrecarrer l’action du FNDU à  l’Est, paraît plus préoccupée par son projet de construction de siège, pour ses structures de base, et son imminente campagne de réimplantation. Aurait-elle été lâchée par son protecteur ? Le lâcherait-elle ? Difficile d’y croire… surtout pour ce qui est de la seconde hypothèse.

Une chose semble tout de même sûre : le président Mohamed ould Abdel Aziz  doit se rendre à l’évidence, si ce n’est déjà fait : il ne peut compter, en aucune manière, sur ce parti prétendument nanti de presque un million d’adhérents.  Il doit, à chaque fois  qu’il essuie des revers, descendre sur le terrain, dans l’espoir, de plus en plus aléatoire, de balayer, d’un revers de main, les « allégations de l’opposition »,  ou envoyer, sans  jamais le moindre résultat probant, tel ou tel de ses ministres, dans celui de contrecarrer celle-ci ou les campagnes  médiatiques, parfois menées de l’étranger.

A cet égard, que penser des dernières malencontreuses et piteuses sorties de deux de ces ministres ? Notamment celui de la Justice, avocat de son état et parfaitement au parfum, donc des dispositions de la Constitution mauritanienne, demandant, aux parlementaires, de se  préoccuper  plus d’un troisième voire quatrième mandat, pour l’actuel président de République, que  des autres questions de l’heure. Une saillie qui interpelle, bruyamment, l’opinion nationale et l’opposition. Excès de zèle, s’interroge-t-on, ou nouveau ballon d’essai pour faire valider le prolongement du ‘’règne’’ du  Président qui a pourtant déclaré, à maintes reprises, qu’il  respecterait la Constitution limitant les mandats présidentiels  à  deux ? On se rappelle, aussi qu’à l’occasion des diverses tentatives de nouer le dialogue avec l’opposition et suite à ses  préalables, il avait laissé entendre que tout était discutable, sauf la dissolution du BASEP et  l’audit de l’ANRPTS, renvoyant ainsi, à leur arabe, certains arrivistes tapis dans les hautes sphères de l’Etat.  

Notre ministre de la justice ne manquait pourtant pas d’autres sujets de préoccupations. A commencer par les  conditions particulièrement  difficiles de nos prisons dont les pensionnaires s’évadent comme qui rigole, aux yeux  et aux oreilles  de nos caméras de surveillance. Le ministre qui doit veiller au respect des droits de nos compatriotes ne peut ignorer combien les droits élémentaires des citoyens, tant nationaux qu’étrangers, sont bafoués, tous les jours et toutes les nuits, jusque dans nos rues nouakchottoises et sur nos routes de l’intérieur. Pourquoi Ould Daddah ne s’est-il pas intéressé à l’interpellation de Ban ki Moon demandant, au gouvernement mauritanien, de respecter les textes qu’il  fait voter ? Notamment celui qui criminalise l’esclavage et qui n’a connu que de timides applications et sélectives en plus. Pourquoi ne chercherait-il pas à éteindre la fronde des magistrats ?

Autre sortie du même acabit, celle du ministre de l’Economie qui a, lui aussi, déclaré devant la chambre basse du parlement qu’il faut trois ou quatre mandats pour que ce pouvoir achève le travail entrepris.   

Deux ministres qui demandent ouvertement qu’on viole la Constitution. L’opposition s’est à présent à quoi s’en tenir

DL