Faits divers...

17 March, 2016 - 01:05

Le jeune couple et le charlatan

Les Mauritaniens, nul ne l’ignore, sont superstitieux de nature. Au lieu d’aller se faire examiner dans des hôpitaux ou grandes cliniques, la plupart d’entre eux préfèrent s’adresser à des marabouts. De hauts responsables font quotidiennement la queue pour rencontrer des « cheikhs » et autres devins, sinon sorciers.

M. A.  et sa femme Z. B. vivent ensemble depuis  sept ans et toujours sans progéniture. Le père de famille occupe un bon poste dans une grande firme étrangère. Sa vieille maman habite chez lui. Il quitte très tôt le matin pour ne rentrer que vers 19 heures. Une voisine leurs propose de prendre contact avec, dit-elle, un grand marabout expérimenté qui a déjà aidé, avec succès, plusieurs couples à trouver descendance. Ils acceptent volontiers et  Cheikh Abdel Jabar se présente, couvert de talismans avec son grand turban et son long chapelet. Il demande une avance de 200 000 UM qu’il encaisse aussitôt et fixe rendez-vous au lendemain matin, première étape d’une série de consultations de la jeune épouse.

 

Le traitement du guérisseur

Le lendemain, il arrive vers  huit heures et demande à la mère de M. A. de le laisser seul en compagnie de sa patiente car il va faire appel aux « djinns ». Un peu plus tard, on entend la jeune fille pousser des cris et la voilà qui court auprès de sa belle-mère, lui déclarant sans ambages : «  Oua Allahi ! Je ne resterai plus seule avec ce marabout ! – Il faut te soigner ma fille, c’est un grand marabout… – Non, je ne veux plus avoir d’enfants, si c’est le seul moyen », s’entête Z.B. en pleurnichant.  Le marabout est resté dans la chambre et attend patiemment. Voyant sa bru toujours butée, la vieille femme se résout  à demander au « saint » homme de repasser le lendemain, en l’assurant que le nécessaire serait fait pour convaincre Z.B. d’être docile. Celle-ci passe son temps à pleurer, jusqu’au retour de son mari à qui elle raconte, enfin, le fin mot de l’histoire qui lui était impossible de révéler à sa belle-mère : le charlatan a essayé de la violer, prétendant que c’est le seul moyen de chasser les diables.

 

La traque de l’escroc

Le jour suivant, le jeune marié reste à la maison, décidé à dire deux mots au douteux praticien. Mais celui-ci ne se présente évidemment pas à sa consultation. On prend alors contact avec la voisine qui affirme ne point connaître son adresse. En quête d’indices dans les quartiers voisins, le jeune couple rencontre plusieurs autres de ses victimes. Il a réussi à en leurrer un bon nombre et les délester de grosses sommes.  Et violé, au passage, deux femmes trop crédules. Tout ce beau monde décide de traquer Abdel Jabar, sous la houlette de M.A., jusqu’à découvrir une de ses planques. Les voisins ne l’ont pas vu depuis plus de trois mois. La piste s’arrête-t-elle là ?

Le groupe  se décide enfin à porter plainte  et l’on va, de concert, au commissariat pour faire enregistrer les déclarations des victimes. Le lendemain, M.A. reçoit un coup de téléphone d’un ami qui l’informe avoir repéré un individu enturbanné rôder, chapelet en main, dans un quartier d’Arafat. « File-le en attendant que j’arrive ! » Aussitôt dit, aussitôt fait et M. A. n’aura donc aucune peine à trouver la petite maison où est entré Abdel Jabar – car c’est bien lui, en chair et en os – en quête d’une chambre à louer. La suite coule de source.

Le bandit démasqué

Des agents de police investissent soudain la maison et c’est menottes aux poings que le charlatan en ressort, quelques minutes plus tard. Il s’agit de Moctar « Ledhem », un récidiviste, libéré, il y a  peu, de prison. On le confronte à ses nombreuses victimes qui le reconnaissent toutes, sans équivoque. La police met la main sur le copieux butin qu’il a amassé dans ses nombreux repaires, de véritables cavernes d’Ali Baba. Nouvel épisode du feuilleton interminable de « Nouakchott et les charlatans ». L’opinion publique n’a certainement pas encore oublié l’histoire du marabout malien coincé par la police il y a quelques années. Ce gros malin utilisait un gros python dressé pour leurrer ses victimes. Mis sous séquestres dans les sous-sols du palais de Justice, l’animal avait fini par y mourir.

Mosy