Journées de réflexions du MPR: Rapport Moral du président, Dr Kane Hamidou Baba

28 January, 2016 - 00:13

Le Mouvement pour la refondation (MPR) a tenu, les 23 et 24 janvier, des journées de réflexion au siège du parti.

Une occasion pour les cadres du parti de débattre de plusieurs, dans une atmosphère sereine et responsable des  questions d’intérêt national, des orientations du parti, et  d’actualiser, par la même occasion la déclaration de  politique générale du parti. D’importantes annonces ont été faites au cours de cette rencontre, surtout la tenue  la tenue, en  2016 d’un débat  sur la problématique foncière, la sécurité alimentaire et les stratégies nutritionnelles du pays, ce cadre avec  les  cinq grandes priorités que sont: l'Alimentation, l'Education, la Santé, les infrastructures de développement et la Bonne gouvernance.

 

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RAPORT MORAL du président du MPR

Mesdames et Messieurs les membres du Bureau exécutif,

Camarades membres du BE en provenance de l’intérieur du pays,

Camarade Coordinateur du MPR en France,

Chers invités à ces présentes journées de réflexion du MPR,

Je voudrais avant tout vous souhaiter une bonne et heureuse année 2016.

Vous me permettrez également de saisir cette occasion qui nous réunit pour renouveler notre pensée pieuse aux camarades et sympathisants qui ont disparu depuis notre dernière réunion du BE. Je pense en particulier à Mam Koddo de Fodu, et notre mère Fatma Mint Salma Aidara, Ibnou Dia de Rosso, Baidy Niang de Olo Ologo et Ousmane Ba à Zouerate. Que la terre leur soit légère !

Je vous demande de réciter la Fatiha pour nos frères et mère disparus.

Chers camarades,

En prenant la décision historique de créer notre parti le 09/09/2009, dans le contexte difficile de l’époque, marqué par une décomposition/recomposition du paysage politique, nous savions que les défis à relever étaient nombreux.

Le premier d’entre eux, et non des moindres, était de savoir comment assurer le destin d’une formation politique qui se voulait majeure et autonome, fermement attachée à ses principes, tout en évoluent dans une majorité présidentielle ?

De fait, de 2009 à 2012 (date de notre retrait de la majorité), les tentatives du Parti de faire partager sa vision et son programme, malgré les succès évidents ont été contrariées par des forces conservatrices du pouvoir, plus attachées à défendre les privilèges et avantages personnels, qu’a engager un véritable programme de réformes démocratiques et/ou de règlement des questions d’unité nationale et de cohésion sociale.

Au sein même du parti, la décision de sortie de la majorité, quoique prise dans le respect de nos règles démocratiques, a suscité une grande controverse. Certains cadres, pour des raisons parfois différentes, mais qui traduisent souvent des préoccupations personnelles de carrière, ont cru devoir perdre leurs positions et illusions, avec la décision du parti de quitter la majorité présidentielle. Mais, si nous avions fait autrement, si nous avions fait autrement, nous aurions trahi nos principes et nos valeurs et nous aurions démérité.
 

Rappelons, pour mémoire, que si nous avions salué le résultat du dialogue de 2011, nous avions très tôt (avec deux autres partis de la Majorité) appelé à un dialogue renforcé, constatant qu’une opposition significative regroupée au sein de la COD n’avait pas pris part à ce dialogue. De plus, nous avions clairement exprimé nos craintes quant à la mise en œuvre des résultats du dialogue de septembre 2011. La suite des événements nous donnera raison, avec une mise en œuvre chaotique, malgré d’incessants reports des élections.

L’année 2011, elle-même, était marquée par un enrôlement discriminatoire dont l’une des conséquences tragiques fut la mort du jeune Mangane à Maghama.

Durant la même année, les questions liées à l’unité nationale, à la cohésion sociale et aux libertés publiques, parce que mal gérés par des régimes autocratiques, suscitaient la montée des revendications de mouvements identitaires. L’incompétence du pouvoir en placea fait le reste.

Et pourtant, que de fois avons-nous tiré la sonnette d’alarme !

Au 3èmeanniversaire du parti, en septembre 2011, les observateurs n’avaient pas manqué de constater que le discours d’anniversaire préfigurait d’un tournant. En effet, nous rappelions que “malgré la dénonciation et nos alertes répétées sur la dérive du pouvoir, nous avions le sentiment d’avoir été plus entendu, qu’écouter’’ fin de citation.

A tort ou à raison, au sein même de la majorité, nous étions considérée comme une opposition. Je dois à la vérité de dire, que la ligne de démarcation passait entre une majorité conservatrice et une minorité de progrès, entre une majorité de courtisans et une minorité de partisans. Cette minorité, dont le MPR, était attachée à de vraies réformes, de vraies forces propositions. Il va sans dire, que pour qui cherchait un ‘’béni-oui-oui’’, le MPR n’était pas la bonne adresse.  Ainsi, s’explique le choix douloureux que nous avons eu à assumer, quitte à perdre certain de nos frères et camarades de la première heure.

C’est parce que dès la création du parti, nous avions fait le choix d’être un parti de masses et non pas un parti de cadres, quoique nous ayons regretté ces départs, le repositionnement du parti à l’opposition, outre qu’il nous mettait en accord avec nous mêmes, il a considérablement permis d’élargir la base du parti et de renforcer sa crédibilité.

Si le parti est sorti indemne de ce choix, démontrant par la même qu’il avait gagné l’épreuve de l’indépendance, parce qu’ayant une somme de mérites personnels à son actif, il fut quelque mois plus tard confronté au défi du boycott des élections législatives et municipales du 23 octobre 2013.Bien que diversement apprécié, trois facteurs majeurs expliquent la décision du boycott de ces élections :

(i)                  l’espoir déçu de notre compagnonnage (ne parlons pas de trahison !) dans le cadre de l’AP-CAP.

Nous avions fortement soutenu l’initiative du Président Messaoud visant à organiser, in fine, des élections législatives et municipales transparentes crédibles, et consensuelles. La décision unilatérale d’organiser ces élections au 23 octobre, avec l’accord de la CAP, mais pas de l’AP, sonnait le glas de ce qui fut l’initiative Messaoud ou ‘’la Mauritanie d’abord’’ et en même temps nous donnait la certitude que ces élections marqueraient un recul de la démocratie mauritanienne.

(ii)                Les visites de terrain à l’intérieur du pays nous ont conforté dans notre certitude que le préalable à toute élection démocratique c’était la reconnaissance de la citoyenneté. Or, beaucoup de nos compatriotes ont été, et demeurent, victimes d’un enrôlement discriminatoire.

Cette donne a été une variable lourde dans la décision prise.

(iii)               Au sein même du parti, un travail de sape a été mené contre les candidats supposés ou potentiels ayant bloqué le fonctionnement de la commission du parti chargée des élections. Le choc des ambitions a contrarié la bonne préparation des élections. La longue absence du Président du parti jusqu'à la veille de la clôture des dépôts des listes a fait le reste ! la conjugaison de ces deux évènements explique, en retour, la décision quasi-solitaire prise par le Président du parti de ne pas participer aux élections législatives et municipales.

Malgré ces facteurs objectifs, beaucoup d’observateurs restent persuadés qu’une participation du MPR aux élections aurait donné des résultats probants. Et certains voudraient voir à travers le boycott, une erreur politique !

Mais cependant, ni les tentatives de dialogue entre le pouvoir et le COD, ni l’initiative du MPR pour un compromis politique n’ont permis d’empêcher l’irréparable. Le pouvoir s’était entêté dans la poursuite de son agenda électoral unilatéral.

Quoiqu’il en soit, avec les élections de 2013, boycottées par une majorité significative des partis de l’opposition, la démocratie mauritanienne, toujours chancelante, a connu un net recul. Il ne pouvait en résulter qu’un déficit de légitimité, voir de légalité pour l’Assemblée  nationale et le Sénat.

C’est bien ce triste constat, partagé par de nombreux segments de la société mauritanienne et les risques d’une répétition d’un scénario déjà vu et qui se profilait à l’horizon de juin 2014 avec l’élection présidentielle, qui fut à l’origine de la création du FNDU en février 2014.

Si le FNDU s’est très vite imposé comme une force incontournable, le « dialogue » avec un pouvoir toujours arc-bouté sur son agenda électoral a tourné court. La même cause produisant le même effet, le FNDU a fait bloc dans son boycott de l’élection présidentielle et le camp des boycottistes s’est même élargi avec la non-participation d’un poids lourd dans la vie politique du pays (Messaoud o/ Boulkheir).

Ainsi donc, chers camarades, la clé de voûte des institutions de la république, à savoir la présidence de la République, était à son tour victime de ses propres turpitudes et frappée d’une forte dose d’illégitimité.

A cette crise politique majeure est venue se superposer d’autres crises d’ordre économique et social, voire moral !

Nous savons qu’entre 2010 et 2013, le pays a engrangé des ressources financières énormes liées aux effets positifs de la table ronde de Bruxelles, aux recettes minières (fer et or), aux dividendesdes accords de pêche avec l’Union Européenne et aux aides, sous forme de dons ou quasi-dons, venant en particulier des pays Arabes et du FADES.

Malheureusement, ces ressources colossales et exceptionnelles ont été dilapidées dans des projets mal ficelés, des choix peu judicieux, des investissements mal orientés ou détournés de leur objet, en bref, vos richesses ont été très mal redistribuées. Le bilan du passif économique reste à faire !

L’année 2016 apparait sous des auspices inquiétants pour la Mauritanie : hausse continue des prix et baisse du pouvoir d’achat. Beaucoup de ménages se demandent comment gérer les repas du soir qui sont devenus un repas sur deux ?Comment donner le goûter aux enfants qui vont demain à l’école ?Mais, aussi comment payer la scolarité de leurs enfants dans les écoles privées parce que l’école publique est en faillite ?

Dans le domaine de la santé, les ravages orchestrés par la fièvre du Rift et la Dingue ont étalé toutes les limites et carences de notre système sanitaire, tant du point de vue des mesures préventives que curatives. On ne règle pas les problèmes de santé publique par une gestion clandestine des statistiques du nombre de malades et de morts !

Notre capitale donne toujours l’image d’un vaste dépôt d’ordures et aucune mesure sérieuse et durable n’a été prise en ce qui concerne le ramassage des ordures, depuis le départ de Pizzerno et l’assainissement des quartiers précaires.

Chers camarades,

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la question du chômage, notamment celui des jeunes et des diplômés-chômeurs. Hélas, aucune embellie ne pointe pour l’année 2016. Bien au contraire. SNIM, Taziast, MCM, c’est-à-dire, les fleurons de notre industrie minière n’ont d’autres perspectives pour des milliers de travailleurs que la mise au chômage, voire même la rupture de leurs activités. Les employés du secteur parapublic connaissent des fins de mois difficiles, dont les retards de salaires enregistrés, çà et là, ne sont que des signes avant-coureurs, de dépôts de bilans. Les agents du secteur public de l’Etat, civils ou militaires, sont souvent réduits aux rôles de fonctionnaires le jour, chauffeurs de taxi, la nuit.

Bien que le baril de pétrole coûte moins de 30 $ us, soit 4 fois moins cher que son prix d’il y a à peine 2 ans, le prix à la pompe est resté figé, depuis lors, ce qui pénalisent les usagers des services de transport. Cette situation ne se justifie absolument pas ; et il est urgent de baisser les prix des carburants, particulièrement celui de la pompe. J’invite le BE à prendre une résolution forte condamnant ces hausses de prix injustifiées !

Chers camarades,

Ce contexte économique et social délétère et qui nourrit la pauvreté, contribue également à renforcer la menace terroriste dans notre pays. Ce défi terroriste, quoique régional et même planétaire, est d’autant plus compliqué pour nous, musulmans et mauritaniens, que l’ennemi a le même visage que nous ! Bien que la réponse réside dans la mutualisation des moyens et des actions, tant au plan régional, qu’international, pour venir à bout de ce fléau, l’effort de solidarité nationale reste indispensable.

C’est aussi le lieu de condamner fermement les actes barbares et crimes odieux perpétrés dans la sous-région ouest africaine par des groupes terroristes criminels, quelle que soit l’appellation qu’ils se donnent. Le BE est invité à prendre une résolution sur cette question.

Il va sans dire, chers camarades, que l’expression d’une solidarité nationale sur ces nouvelles menaces comme sur d’autres, plus anciennes, telles que les atteintes à l’unité nationale et à la cohésion sociale, le déficit démocratique, etc., n’aurait de sens qu’à travers un dialogue national authentique et inclusif, toujours différé, mais qui n’en demeure pas moins vital. Nous avons déjà dit et réaffirmé, que pour le MPR, « le dialogue n’est pas seulement une nécessité, mais il doit être vécu comme une nouvelle forme de civilisation ». Les participants à ces journées de réflexion sont cordialement invités à se prononcer sur la question de savoir : où va la Mauritanie dans une situation de non-dialogue ?

Il s’agit là d’un thème de réflexion majeur que j’ai abordé avec la diaspora mauritanienne en Espagne, aux Etats-Unis et en France. Je puis vous assurer qu’elle est également à l’écoute de nos travaux. Permettez-moi de renouveler mes remerciements les plus chaleureux aux populations de la diaspora devenue la 15ème ou la 1èreWilaya du pays de par son nombre, son dynamisme économique et l’importance qu’elle accorde à l’évolution du pays.

Chers camarades,

Je ne voudrais pas conclure mon propos sans souligner, pour le saluer, le résultat historique obtenu à Paris en décembre dernier avec l’adoption de l’Agenda de la  COP21. Pour un pays, comme le nôtre, confronté à un défi écologique majeur, la mise en œuvre de l’accord de Paris doit être élevée au rang de cause nationale !

Chers camarades,

Nos journées de réflexion auront à revisiter les textes de base du Parti, à faire un diagnostic, sans complaisance, de notre organisation et fonctionnement et à se prononcer librement sur les perspectives du pays. Vos analyses, réflexions et orientations permettront d’éclairer les décisions du Bureau Exécutif du Parti.

Sur ce, je déclare ouvertes les journées de réflexion et souhaite plein succès à nos travaux !

Je vous remercie.

Nouakchott, le 23 janvier 2016