Autour d'un thé

13 January, 2016 - 23:09

Il y a un problème ici. Un problème insoluble. Un problème qui fait problème. Entre tous. C’est un vrai problème que ce problème-là. En cela, chacun dit ce qu’il veut. Selon ses problèmes, il évoque « Le » problème. Un problème sur lequel personne n’est d’accord avec personne. Sur ce problème, chacun raconte ce qu’il veut. Ce qui lui semble bon. Ce qu’il lui plaît. Un problème et une solution à la fois. C’est une devinette ? Un problème sans lequel y a pas de démocratie. Y a pas d’Etat. Y a pas de président. Y a pas de ministres. Y a pas de presse. Y a pas de société civile. Y a pas de partis politiques. Y a pas d’opposition. Y a pas de majorité. Un problème sans lequel il n’y a rien. Rien du tout. Un problème sans lequel y a même pas de solution. A rien. Ce problème, c’est l’argent. Nous on en a plein les poches. Dixit le Premier ministre. Plein les coffres. Plein les sous-sols privés. Plein les boutiques des grands marchés et les caisses des groupes ou des ensembles. Selon le Premier ministre : Aucun souci, l’argent ne manque pas. Pas de problème qui s’appelle l’argent. Il est là, droit dans ses bottes. L’argent est dans le pré. Dans le fisc. Dans les airs. L’essentiel est qu’il est là. Quelque part. Ici ou dans des comptes ailleurs. C’est pas important. L’argent, c’est l’argent. En Mauritanie ou à Hong-Kong. L’essentiel, c’est que c’est de l’argent. Il est transférable. Facilement. Comme on envoie cent mille de Néma, à travers Gaza Télécom. L’argent marche. L’argent vole. L’argent se repose. Il est important, l’argent. Sans lui, rien ne va. Avec lui, tout est foutu. Et puis, à bien regarder, tout tourne autour de lui. Depuis toujours. Les histoires commencent par l’argent et finissent par l’argent. Le discours de politique générale du PM, c’était juste pour dire qu’il y a de l’argent. Les ministres en costume bien tirés à quatre épingles et en voile dernier cri. C’est pour l’argent. Finalement, l’argent, c’est tout. La guerre du Sahara ? C’était pour l’argent. Tous les coups d’Etat militaires, de 1978 à 2008 ? C’était une affaire d’argent. L’éducation ne marche pas ? C’est la faute de l’argent. La santé ne marche pas ? C’est la faute de l’argent. L’insécurité ? C’est la faute de l’argent. Le salafiste qui est parti ? C’est la faute de l’argent. Tout revient à l’argent. Où vont les fonctionnaires chaque matin : emporte ton père, laisse ta mère, gare à celle-ci, ô dernier ! C’est pour l’argent. Les voitures roulent pour l’argent. Les avions volent pour l’argent. On vole pour l’argent. On atterrit pour l’argent. On vit pour l’argent. On meurt pour l’argent. On applaudit pour l’argent. On aime pour l’argent. On hait pour l’argent. On pleure pour l’argent. On rit pour l’argent. Ne les expérimentez pas via la prière ou le jeûne ; expérimentez-les par l’argent. C’est le véritable examen. Regardez-vous vous-même. Te réveille un jour sans le sou. Tu fais grise mine. Tu vas pas à l’école. Tu vas même pas à la Mahadra. Fermée ou ouverte. Qu’importe. Président a donné l’ordre. Président n’a pas donné l’ordre. Ecole buissonnière. Mahadra buissonnière. Tu parles à personne. Tu réfléchis à comment avoir un peu d’argent. Tu as des engagements. C’est un peu comme un Etat. A peu près. Bon : Mauritel, Mattel, Chinguitel. Présent. Présent. Présent. Redressement fiscal. Chacun trois milliards. Sinon, cinquante gros cadenas à chaque porte. Adieu SMS. Appels. Connexion. Banques primaires. Garde ou gare à vous. Repos ou réponse. A vos caisses. La patrie en danger. L’argent, c’est pas un problème. Il y a de l’argent en Mauritanie. Mais où ? Des milliards dans les marchés noirs de Nouakchott.  Au marché Tieb tieb de Sebkha. Dans les comptes personnels de quelques hauts fonctionnaires civils et militaires. Avec les blanchisseurs. Les faussaires. Les arnaqueurs. Tout ça, ça fait des milliards de milliards. Le Président, le Premier ministre, le ministre des Finances ont raison. Il ne sert à rien de radoter, Dame opposition, messieurs de mauvaise foi ! Pas de problème. L’argent est là, en nous et en dehors de nous. Et puis ça marche, non ? Vous voyez pas que ça marche ? Comment ? C’est sans argent. C’est quoi ? Salut.