Politique: La CUPAD peut-elle sauver le dialogue ?

14 October, 2015 - 20:40

Les participants aux journées de concertations pour  un  dialogue politique inclusif, organisé par le pouvoir, ont proposé la tenue officielle de ce débat national en ce mois d’Octobre, à Nouakchott.  Pour vendre les recommandations et préparer ces assises, les  ministres  du gouvernement ont été envoyés à l’intérieur du pays. Aujourd’hui, les Mauritaniens  attendent l’évènement  qu’une grande partie de l’opposition, notamment, le Forum National  pour la Démocratie et l’Unité  (FNDU), risque, comme en 2011 et en 2013 de boycotter. C’est justement pour éviter, au pouvoir,  un risible monologue que la CUPAD, rassemblant les partis APP de Messaoud ouldBoulkheïr, El Wiam de Boydiel ould Houmeid et Sawab d'Abdessalam ould Horma, entreprend, depuis quelques jours, des  démarches auprès de différents leaders du  FNDU et de diverses personnalités indépendantes, afin de les amener à prendre part à ce débat national.

Mais, pour  amener  le Forum et même la CUPAD, qui n’a pas boycotté les journées  préliminaires sans raison, il reste à lever plusieurs obstacles. En un, que  le pouvoir offre des garanties– ce que le FNDU appelle des  mesures  de confiance – autrement dit, qu’il revienne  sur le processus précédemment engagé avec  l’opposition et qui avait abouti à un échange de documents ou de vision, pour chaque camp de la Mauritanie. Secondement,  qu’il reporte la tenue du dialogue unilatéralement décrété pour ce mois d’Octobre.

A en croire certaines confidences, le président Mohamed ouldAbdel Aziz serait  disposé à  céder sur le second, mais pas sur le premier. Le président de Sawab qui mène les négociations aurait trouvé une oreille très sensible auprès du Raïs. Il croit, dur comme fer, que les protagonistes ont besoin de se parler.  Ce qui semble loin des  autres  acteurs politiques de l’opposition. Interrogé par Le Calame, le président du pôle politique du  FNDU, maître Bettah, qui a reçu la visite  d’Ould Horma  préfère rester  « prudent ». Ould Horma a également  rencontré le président de Tawassoul, Mohamed Jémil ouldMansour mais le communiqué publié par le parti islamiste reste très évasif. Du côté de l’UFP, le secrétaire général du parti, Moustapha ould Bedredine  fait savoir  qu’il est  encore très tôt  pour  se prononcer  sur les démarches  en cours,  préférant attendre  la rencontre avec  le  président de cette coalition. Pour Samory ould Bèye, vice-président du FNDU, cette initiative n’a rien encore d’officiel, donc, il faut attendre et voir, mais il s’interroge  sur  la  démarche  choisie pour  renouer le dialogue  entre le pouvoir et l’opposition. 

Un chef de parti parlant sous anonymat  se montre très sceptique : « Si le FNDU doit aller au dialogue, ce n’est pas par l’intermédiation de la CUPAD,  on a déjà expérimenté ces gens, je rappelle qu’après le dialogue de 2011, certains  de leurs leaders ont fermé la porte à tout autre dialogue,  invitant les autres à prendre le train en marche.  Et si le  président de la République veut  discuter, c’est directement avec le FNDU ». Et notre interlocuteur  de se demander comment une telle démarche pourrait  réussir, alors que  l’initiative du  président Messaoud, « La Mauritanie d’abord »,  s’était heurtée au refus du FNDU et du pouvoir de s’asseoir autour d’une table.

De réels obstacles jonchent donc le chemin du docteur Abdessalam ould Horma, président de la CUPAD. Renouer les fils du dialogue entre le pouvoir et l’opposition demeure un gros challenge tant les divergences restent énormes. La confiance a disparu entre les  deux camps depuis  les accords de Dakar. L’opposition, rassemblée, à l’époque, dans  un autre front, s’est dite «roulée dans la farine » et reste, depuis,  très méfiante. Et les refus de reconnaître la légitimité du président de Mohamed ould Abdel Aziz, au lendemain des  présidentielles de 2009 et 2014, la présidence de l’UA et le rôle diplomatique de l’homme fort de Nouakchott – notamment dans la lutte contre le terrorisme – ont fini d’éroder le peu de confiance entre le pouvoir et l’opposition dite radicale. Ould Abdel Aziz  n’hésite pas, lui non plus, à rendre la monnaie de sa pièce. Selon certains, il en serait même à « mépriser » cette opposition de « croulants ».  Au point d’évoquer publiquement le « renouvellement de la classe politique », afin de renvoyer tous ces « vieux à la retraite politique ». 

Pour rapprocher les deux camps, il faut donc déconstruire un sacré mur de « méfiance » et restaurer, au moins, les fondations  de la confiance. Pour cela, les uns et les autres doivent  accepter des « sacrifices » et le premier à devoir donner des gages en ce sens reste, bel et bien, le Président. Pourrions-nous,  alors et enfin, emprunter l’exemple tunisien, pour éviter, à notre pays, des lendemains incertains ?

DL