Chiffres et démagogie

23 September, 2015 - 17:10

Le mardi soir 22 septembre 2015, le ministre des finances Moktar Ould Diay était l’invité de l’émission « Dans la balance du peuple » animé par le confrère Sidi Ould Nemine sur la Mauritanienne. Normalement, son Excellence devait profiter de l'émission pour éclairer l’opinion publique sur la situation d’un secteur important qui constitue le socle de toute l’économie et la provenance des richesses privées et publiques. Le jeune ministre a visiblement pris goût au jeu. Sa tonitruance et sa légendaire hilarité ont travesti l’émission au point que le journaliste était obligé au moins par deux fois de le « rappeler à l’ordre » afin de revenir au sujet. Irrésistiblement, le ministre faisait des dérapages de plusieurs minutes pour vanter les mérites de son bienfaiteur, de '´ses politiques et de ses stratégies de développement qui ont permis de réaliser dans tous les domaines en six ans ce que tous les autres n’ont pas réussi à faire en quarante neuf ans". Selon le ministre, au jour d’aujourd’hui, aucun fournisseur ne peut revendiquer un paiement au titre de l’année 2015. C’est véritablement une prouesse. Surtout si l’on sait que certains fournisseurs courent encore derrière des dettes de plus de six à sept ans. Le ministre rassure par rapport aux déclarations de certaines personnes sur la crise dont souffrirait le pays. Or, selon le ministre des finances, jamais l’économie et les finances ne se sont jamais portées aussi mieux. La Banque Centrale affiche full  avec un peu moins de 900 millions de dollars d’avoirs. Un montant qui peut garantir cinq mois d’importations sans coup férir. Selon le ministre, les indicateurs économiques sont rassurants. Le budget d’investissement a augmenté de 12 milliards, la masse salariale est passée de plus de 70 milliards en 2008 à 116 milliards en 2014 soit une augmentation de 46 milliards. Des procédures et des modes d’une plus grande équité dans le partage des ressources ont été mis en œuvre. Par exemple le redéploiement de manière plus juste des frais d’hôtel dont 68% étaient accaparés par une dizaine de représentations diplomatiques au point qu’une ambassade recevait 600.000 UM/an alors qu’une autre avait 21.000.0000 UM/an. Le ministre s’est néanmoins gardé de déclarer que tout est rose. Selon lui, le secteur minier qui apportait beaucoup à la fiscalité est en crise. C’est pourquoi c’est à peine si 10 milliards d’impôts seront perçus en 2015 contre 100 milliards l’année dernière. L’assiette fiscale s’est considérablement élargie. De 300  en 2008, les contribuables sont passés à 1700 en 2015. Des chiffres, le ministre en a donnés à tort et à travers non sans s’en prendre avec péjoration à « El khelta » littéralement et péjorativement ces gens, « El khalg » littéralement le monde avec leur « Mra’d » littéralement histoires qu’ils racontent depuis six à sept ans. Des allusions à peine voilées à tous ceux qui osent penser qu’économiquement, financièrement ou politiquement, le pays va mal. Pourtant, quasiment tous les intervenants dans les micro-trottoirs organisés pour les besoins de l’émission, notamment les transitaires, les vendeurs de pièces détachées, les conseillers fiscaux et autres intermédiaires déplorent qui l’augmentation insensée des taxes douanières et portuaires qui la rigidité des procédures.