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28 February, 2024 - 07:28

Levée de l’immunité parlementaire de Biram Dah Abeïd : concert de réprobations

La levée de l’immunité parlementaire de Biram Dah Abeïd, mardi dernier par le bureau de l’Assemblée nationale, en exécution d’une demande du ministère de la Justice à la suite d’une action intentée contre lui le 13 Février dernier par le président de l'Union des Forces du Progrès (UFP), Mohamed ould Maouloud, a suscité un concert de réprobations.

Réagissant à cette décision, le désormais ex-parlementaire l’a qualifiée de « plan orchestré par le régime en raison du conflit qui l’oppose au pouvoir » et de « simple petite bataille parlementaire avant d’autres plus grandes à venir ». Selon lui, le régime cherche à « écraser ses concurrents en vue de la prochaine élection présidentielle ». Biram a également déclaré ne vouloir entreprendre aucune démarche vers Mohamed Ould Maouloud, auteur de ladite plainte pour diffamation. L’ex-candidat à la présidentielle de Juin 2019 a d’ailleurs éconduit une délégation de l’AJD/MR venue jouer les bons offices.

« La décision soudaine et précipitée du bureau de l'Assemblée nationale de lever l'immunité du député Biram Al-Dah Abeïd, en réponse à la demande du pouvoir exécutif, a choqué tous les parlementaires de l'opposition », a déploré le groupe Tawassoul, Espoir-Mauritanie, SAWAB et AJD/MR, « c'est une évolution dangereuse et malheureuse qui reflète l'empiétement du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, le vidant de ses fonctions constitutionnelles, sapant son prestige et insultant les législateurs. […] La rapidité avec laquelle sont appliquées les demandes et les ordres du gouvernement est une procédure condamnée et rejetée […] il n'aurait pas été possible d'imaginer y tomber sans la présence d'un système interne faible, rempli de failles qui facilitent la manipulation des acquis démocratiques du peuple mauritanien et le ramènent sur les places de la dictature et des méthodes de jugement d'exception pour faire taire le peuple et éliminer les opposants ».

Selon ledit groupe, « le débat doit toujours se dérouler dans les arènes politiques et non dans les salles d'audience ». Appelant à retirer immédiatement l'autorisation de poursuivre le député Biram, le groupe appelle « les élus à œuvrer rapidement à la révision du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, de manière à préserver la dignité des élus et à garantir leur capacité à remplir le rôle que leur a confié le peuple mauritanien et qui pourrait devenir impossible à tenir dans le contexte actuel.

Pour l’Observatoire des droits de l’Homme, « le règlement intérieur du Parlement est devenu un outil de restriction des opposants ». Dans son communiqué, l’Observatoire souligne que « le déclin significatif observé dans le système interne a permis au pouvoir exécutif de régler ses comptes politiques avec ses opposants au Parlement et d'adopter toutes les politiques qu'il souhaitait : c’est un revers dans les acquis démocratiques ». Et l’Observatoire de décrire la levée de l'immunité du député Biram comme « une violation flagrante du prestige de l'institution législative, une atteinte malheureuse à l'immunité constitutionnelle des membres du Parlement et un moyen facile de la contourner ».

Par ailleurs, c’est toute l’opposition qui condamne cette décision, la qualifiant « d’atteinte aux principes de la pratique démocratique et résultat de la subordination du pouvoir législatif au pouvoir exécutif qui exerce une pression constante et un chantage, menaçant les représentants du peuple et les transformant en agents d’exécution des décisions de l’Exécutif ». L’opposition a exprimé sa surprise de ce qu’elle qualifie de « passage soudain », « raccourci rapide » : une « décision prise par le bureau en dehors des sessions ordinaires de l’Assemblée nationale, sans la soumettre au vote des députés en plénière ». Aussi l’opposition appelle-t-elle tous les députés à rejeter cet arbitraire, pour préserver la crédibilité du Parlement et sa responsabilité nationale. La déclaration a été signée par l’Alliance Populaire Progressiste, l’Alliance pour la Démocratie et la Justice, Sawab, le Rassemblement national pour la Réforme et le Développement (Tawassoul), le Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie, le RAG, le Front pour le Changement et Mauritanie en avant.

 

Levée de boucliers contre l’accord de coopération Mauritanie/UE sur l’accueil des migrants

La Société civile et les partis politiques de l’opposition dénoncent vivement l’accord de coopération signé entre l’Union Européenne (UE) et le gouvernement mauritanien sur l’accueil des migrants africains expulsés de l’espace européen. Lesdits partis ont convenu, jeudi, lors d’une réunion au siège de l’Institution de l’opposition démocratique, de « la gravité de l’accord du gouvernement mauritanien avec l’UE concernant l’accueil et l’hébergement des migrants refoulés par l’Union Européenne. Les risques sont multiples.

Ils représenteraient une menace pour la sécurité nationale et auraient un impact direct sur le changement de la composition démographique du pays. Menace également pour les valeurs religieuses et culturelles. Menace aussi pour l’avenir des générations et pression sur les ressources économiques limitées, en plus de la propagation du crime organisé transfrontalier ». Le communiqué ajoute que tout cela se fait « en contrepartie de miettes qui auront le même sort que les énormes ressources du pays qui sont allées dans les poches des corrompus ». Et d’appeler le gouvernement mauritanien à « mettre fin immédiatement à l’accord, dans l’intérêt supérieur de la Mauritanie ». L’opposition appelle également le peuple mauritanien à « se tenir résolument uni pour en empêcher la signature ».

Dans une déclaration rendue publique au soir du mercredi 20 février, le document des camarades de Messaoud ould Boulkheïr rejette une entente qui scelle « l’accueil et l’hébergement de nombres considérables de migrants et de réfugiés, rêvant d’une douce vie en Europe, loin des affres de la misère et du traumatisme qu’ils vivent dans leurs pays respectifs d’Afrique et d’Asie ». Un accord signé sous la pression et la menace des partenaires européens « de déterrer les dossiers relatifs au passif des droits humains en Mauritanie : massacres des années 1989/1991, esclavage, disparités et injustices sociales, statut de la femme, rejet de l’homosexualité, etc. […] À seulement quelques mois de la fin d’un mandat qui aura incarné la totale remise en cause de tous les acquis du pays dans tous les domaines, signer ce contrat serait la pire des trahisons de nos dirigeants, le plus grand danger auquel seraient confrontés notre pays et ses futures générations ».

La présidente de la Commission de l’Union européenne Ursula Van der Leyen était à Nouakchott le 8 Février dernier en compagnie du Premier ministre espagnol. Elle devrait y revenir le 7 Mars prochain pour la signature de l’accord. Depuis plusieurs mois, l'UE s'efforce de mettre en place un « partenariat renforcé » avec la Mauritanie, afin de lutter contre l'immigration irrégulière. L’accord stipule, entre autres, l’accueil et l’assistance en Mauritanie des migrants interceptés en mer. Une aide à la jeunesse mauritanienne est également prévue, ainsi qu’au renforcement de la sécurité à la frontière avec le Mali. Cela comprend la formation des garde-frontières et la lutte contre le terrorisme. D’autres investissements sont évoqués, comme la transition vers l’énergie verte. En échange, Nouakchott recevra une enveloppe de 522 millions d'euros dont 210 millions d'ici la fin de l'année. 40 millions d’euros seront dédiés à la sécurité.

L’opposition et les ONG de la Société civile réclament des clarifications de la part du gouvernement sur la nature de son engagement. Le ministère de l’Intérieur a tenté de rassurer, dimanche dans un communiqué, en niant son intention d’accueillir les migrants cherchant à atteindre l’Europe. Le document proposé est toujours à l’étude afin de le rendre « plus équilibré » et servir « les intérêts des deux parties », explique le communiqué précisant que « la Mauritanie ne sera jamais une patrie alternative des migrants illégaux. […] Le gouvernement est intransigeant face aux questions liées à la souveraineté et aux intérêts vitaux du pays. Tout ce qui circule à propos de la naturalisation des migrants étrangers illégaux pour en faire de la Mauritanie une patrie alternative est sans fondement ».

 

Remous à l’APP : défection de deux figures emblématiques

Le président du Conseil national de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), Mohamed El Hafedh Ismaïl et le secrétaire général adjoint, Mohamed Val Mahmadi, ont annoncé conjointement leur retrait du parti, affirmant toutefois leur attachement à tous les principes, objectifs et visions sur lesquels l’APP a été fondée. Ancien président de l’APP, Ould Ismaïl avait été remplacé en 2003 par Messaoud ould Boulkheïr, lors de l’intégration du groupe des anciens de la dissoute Action Pour le Changement au sein du parti des nasséristes. Ould Ismaïl et Mohamed Val Mahmadi justifient leur décision « par les obstacles majeurs qui empêchent le parti d’aller de l’avant pour atteindre les objectifs tracés et qui ont fortement impacté le rendement de la formation politique ».

Les partants précisent dans leur communiqué que « le formidable travail réalisé sur la base d’un programme national axé sur des visions nationales éclairées bien négociées, lors de l’intégration en 2003 de forces nationales sérieuses et militantes, se heurte depuis des années à des difficultés internes […] qui ont conduit à un déclin de l’efficacité et du rôle du parti sur l’arène politique et l’ont rendu incapable de remplir le rôle pour lequel il fut fondé. Ces obstacles résident principalement dans la manière dont les instances de haute direction du parti étaient gérées, sans que les grands efforts déployés par de nombreux dirigeants et militants du parti pour surmonter ces difficultés via les mécanismes des procédures partisanes ne parviennent malheureusement pas à rétablir les choses et d’atteindre l’objectif visé à travers les mécanismes du travail institutionnel du parti ».