Transparence, lutte contre la gabegie et la corruption : Un vœu pieux

21 February, 2024 - 18:43

La lutte contre la gabegie et la corruption est devenue une rengaine depuis quelques années en Mauritanie. Les autorités mauritaniennes le proclament sur tous les toits. Elles ont mis en place des instruments juridiques pour combattre ce cancer qui gangrène le pays. L’Inspection Général d’État (IGE), une institution chargée du contrôle de l’Administration, a même été « rattachée » à la présidence de la République. Une volonté politique qui a suscité espoir et interrogations. Espoir parce que les Mauritaniens pensaient que le président de la République allait désormais suivre au quotidien le travail de cette institution et prendre des mesures idoines. On avait trop chanté en vain la lutte contre la gabegie.  Le Président allait traduire en actions concrètes, espérait-on, sa volonté politique d’éradiquer cette pandémie.

 

Déceptions…

Mais les patriotes mauritaniens ne cessent de s’interroger sur l’utilité et la pertinence de cette institution qui fit trembler tant de voleurs. Comme sa consœur la Cour des Comptes, elle ne cesse de produire des rapports parfois très accablants mais sans conséquences sur la carrière de ces filous. L’une et l’autre épinglent des responsables de haut niveau mais, hélas, ceux-ci restent trop souvent en poste, au lieu d’être relevés de leur fonction, ou, s’ils sont virés, reviennent par une autre porte. Une bonne manière d’encourager la gabegie. Une pratique qui mine le pays et a fini par ancrer les inégalités, l’impunité et les frustrations. Aujourd’hui, de nombreux mauritaniens ont le sentiment que certains sont nés pour s’enrichir sur le dos de leurs concitoyens et qu’ils sont même au-dessus de la loi. Les belles intentions exprimées par-ci et par là demeurent des velléités. Les énormes richesses exhibées, parfois de manière insolente, à Tevragh–Zeïna et ses nouveaux quartiers – Casablanca, Las-Palmas ; plus récemment, Istanbul et Ankara – prouvent amplement combien le pillage des deniers publics est devenu une gymnastique nationale pour les « irresponsables mauritaniens » qui ne se gênent pas de voler. Une dérive morale hautement dangereuse.

Peu avant la publication du rapport de l’ONG Transparence Inclusive mettant à nu les « graves manquements » dans l’exécution du projet Aftout ech-Chargui, de graves révélations furent publiées sur la mauvaise gestion d’entreprises publiques comme la SOMELEC. On connaît la suite. Le poids des tribus et le clientélisme ont été mis à contribution pour sauver ceux qui étaient présumés impliqués dans ces magouilles. Dans ces conditions, comment éradiquer la mauvaise gestion dans notre pays ? Un pays où les voleurs avérés ou supposés sont protégés, chantés et constamment réhabilités. Une partie de l’opposition politique et la Société civile, comme récemment Transparence Inclusive, ont beau crier au scandale, au vol, au népotisme, au clientélisme, au tribalisme, rien n’y fait : ceux qui se sentent protégés et couverts au sommet continuent tranquillement de sévir et le mauritanien d’en bas de ployer sous la pauvreté et la misère. L’augmentation récurrente des prix des denrées de première nécessité, les difficultés d’accès aux services de santé de qualité et à une bonne éducation, les injustices et les frustrations ne cessent de constituer son lot quotidien. Et ce qui est regrettable, voire dramatique, en tout cela, c’est que tous ceux qui dénoncent cette situation sont traités d’extrémistes, de racistes ou de jaloux aux yeux de crocodile, sinon, pis, d’ennemis de la République...

 

Une ornière toute tracée ?

La jeunesse mauritanienne censée prendre conscience de ces dérives morales se révèle, hélas encore, plus pourrie et rapace que la vieille garde. On me rétorquera qu’elle est née dans une république qui a perdu nombre de ses valeurs depuis un certain 10 Juillet 1978. C’est vrai mais seuls les imbéciles ne changent pas. Le cas du Rwanda du président Kagamé est là pour le prouver. Il paraît certes très difficile, pour ne pas dire impossible, que cette jeunesse-là qui rivalise en gadgets et autres signes ostentatoires de richesse prenne un chemin différent de celui qu’elle s’est crue obligée de suivre, puisque le village, c’est-à-dire l’environnement qui devrait l’éduquer aux bonnes manières, s’est transformé en un lieu de compétition entre villas dont les voisins s’ignorent et ne se mesurent qu’en fastes châtelains et nombre de voitures garées devant leurs portes. Les valeurs de notre sainte religion I’islam ne sont convoquées que lorsqu’elles « arrangent». Triste pays où l’argent et les intérêts égoïstes ont fini par tout dépraver et enraciner la méfiance et les crispations. Ce n’est certes pas anodin que les clameurs à l’encontre de la corruption et de la gabegie se doublent, à chaque occasion, de plaintes sur l’unité nationale...

Dalay Lam