Robert Badinter ou l'esprit combatif de la défense

14 February, 2024 - 08:26

En 2004, lors du conseil national du Parti républicain démocratique et social (PRDS), un notable mauritanien prit  la parole pour saluer le fait que la peine de mort n'avait pas été  retenue à l'issue du procès des " cavaliers du changement ". Il argumenta son propos en se référant à un appel lancé sur Radio France internationale, à la veille de la prononciation du verdict, par Robert Badinter implorant les hautes autorités de la République Islamique de Mauritanie de tout faire pour éviter le recours à la peine de mort contre les accusés.
Ce propos, qui fut appuyé avec enthousiasme par certains intervenants, suscita  une mise au  point d'un autre membre du conseil, notable religieux et ancien ministre qui  invoqua l'indépendance de la justice en tant qu'unique motif de la décision..
A ce moment précis, l'ex président de la République, Président du Parti, Maouiya
intervint pour approuver  l'argument tenant à l'indépendance de la justice tout en soulignant, en le répétant, que " le peuple mauritanien est grand " ( al chaab al mourirani chaab Adhim ) ..
 Est-ce une manière de dire que Badinter et la France n'avaient rien à voir avec cette affaire ? Ou que la volonté politique nationale était bien présente dans ce verdict ? Je n'en sais rien du tout.
    En revanche, je sais et je ne suis pas le seul à le savoir que nous n'avions pas du tout besoin du recours à la peine de mort dans un contexte troublé dans lequel  notre pays déjà fragilisé par une tragique série de tentatives de coups d'état  avait tout intérêt de parier sur l'apaisement politique en tant que vecteur de la réconciliation nationale.
Je me suis, d'ailleurs, souvent demandé est-ce que nos dirigeants n'auraient pas été  mieux inspirés de recourir à la vertu du pardon prescrite par l'islam, notre sainte religion, afin d'éviter les exécutions de mars 1981 et de décembre 1987 mais cela est un autre débat ou disons une autre plaie que je n'ai pas envie de rouvrir .
Il faut dire que le combat de Robert Badinter contre la peine de mort est un combat bien difficile voire impossible pour des raisons  religieuses, culturelles et même politiques quand on sait qu'il est refusé au nom de " la Démocratie en Amérique ".
Mais il est bien permis de constater que la dimension politique de ce combat incarne une certaine idée de  la justice.
Une idée attirante dont  il parle avec l'éloquence du brillant avocat de défense
dans son livre " L'Exécution "  paru en 1973 dans lequel il relate l'affaire du Sieur  Bontems condamné à la guillotine alors qu'il n'avait jamais tué.
Ce livre plaidoyer contre la peine de mort  fut au centre de la pensée du l'illustre homme politique que l'imagination porta au pouvoir  en 1981 en tant que ministre de la justice.
Dans ce sens, il avait , disait-il,  " rêvé de la plaidoirie d'un avocat qui saurait qu'il va être condamné, emprisonné, exécuté avec son client. Quelle force aurait son propos ! Et quelle belle fin pour un avocat ".
Etant de ceux qui avaient succombé,  au temps où la politique faisait  rêver, au charme de l'idéal  incarné par l'illustre figure intellectuelle de la gauche française, je pense que la fin  aurait été plus belle  s'il avait vu se réaliser son souhait tenant à une solution juste et équitable  du  tragique problème palestinien, lequel résulte d'une injuste colonisation.
Sur ce plan, nous sommes restés sur notre faim.
 

Abdelkader Ould Mohamed