M. Abdessalam Horma, président SAWAB et député réélu: ‘’Nous avons été déçus par les élections et leur manque de transparence et de crédibilité’’

7 June, 2023 - 08:26

Le Calame : Les mauritaniens se sont rendus aux urnes, les 13 et 27 mai 23 pour élire les conseils municipaux, régionaux et les députés au parlement. Quelle appréciations votre parti, SAWAB fait-il de ces scrutins ? Êtes-vous satisfait des résultats de votre coalition ?

Abdessalam Horma : Nous avons été déçus comme tous les Mauritaniens par les élections, par leur organisation et le manque de conditions de transparence et de crédibilité que nous attendions. Nous ne sommes pas également satisfaits des résultats obtenus par notre coalition en raison des fraudes auxquelles nous avons été confrontés et de l'influence de la volonté de nos électeurs.

 

-Les partis de l’opposition dont le vôtre a contesté les résultats, réclamé l’annulation des résultats à Nouakchott et à Boutilimit. Vos représentants au sein de la CENI ne pouvaient rien faire ? Avez-vous déposé des recours ?

-La vérité est que nous avons contesté toutes les élections, donc pas seulement au niveau de Nouakchott et de Boutilimit. Nous avons exigé aussi qu’elles soient réorganisées dans leur intégralité et à assurer les conditions objectives de leur transparence. Concernant nos électeurs, nous sommes conscients de la manipulation de plusieurs parties au sein de la Commission Électorale Indépendante (CENI) des élections comme nous nous sommes rendus compte  de son impuissance totale et de sa réticence à être transparente.

En effet, elle a refusé de répondre aux demandes les plus simples que nous avons avancées avec nos collègues de l'opposition et même de certains partis de la majorité. C’est également le cas de l'intégrité du fichier électoral, sa vérification par une partie jouissant de l'expérience et de l'intégrité après son élaboration ainsi que son rejet absolu du système d'empreintes digitales, et au-delà son insistance à nommer des présidents de bureaux sans concertation avec les acteurs locaux. 

 

-Après une réunion avec le ministère de l’intérieur et la CENI, Y a-t-il espoir de voir cette dernière accéder à votre requête ?

-Je ne pense pas que la CENI ait maintenant autre chose à présenter autre que sa reconnaissance des erreurs qu'elle a commises, et l'on craint que le pays ne replonge dans une crise politique dont il s'apprêtait à sortir.

Le gouvernement est le parrain de l'accord et la responsabilité politique lui impose de revoir la situation et de trouver une issue.

 

 - Croyez-vous que la CENI était partisane et que seule la fraude justifie les faibles résultats de l’opposition ?

Je ne nie pas le fait que l'opposition ait commis des erreurs, dont certaines fatales, telles qu’aller à des élections décisives sans la moindre forme de coordination entre ses différentes forces et se baser dans des étapes cruciales bien avant, sur les bonnes intentions annoncées par le pouvoir en plus de la complicité de certaines de ses composantes avec une partie de ses orientations. Mais cela ne justifie pas à mon avis les résultats obtenus, dans lesquels l’utilisation des moyens de l’Etat et la complaisance de la CENI avec la communauté traditionnelle partisane sous intimidation ont joué un rôle décisif.

 

- Pour protester contre les résultats publiés par la CENI, l’opposition a organisé un meeting réussi. Pourrait-elle se retrouver dans la perspective de la présidentielle?

-Je crois que les options efficaces les plus importantes qui s'offrent à l'opposition aujourd'hui est d’adopter dans son activisme une nouvelle formule et une préparation précoce à cet horizon pour toute élection à venir, qu'il s'agisse de consultations législatives ou présidentielles. La carte de l’unité de l’opposition est la plus forte de ses stratégies, la plus efficace et la plus déterminante. Toutefois, elle l’a abandonnée, ce qui constitue une grande erreur stratégique, dont notre démocratie paye aujourd’hui le prix.

 

 -A la veille du meeting de l’opposition, le député BiramDah a été arrêté par la police. On lui a reproché d’avoir appelé à la violence. Que pensez-vous de cette accusation ?

-Tout le monde sait que le député Biram n'est pas de ceux qui incitent ou adoptent la violence, que son expérience passée et actuelle ainsi que l'histoire pacifique de son mouvement des droits de l'homme sont des témoins incontestés de cela. Son arrestation la semaine dernière fait partie des graves erreurs commises par les forces de sécurité qui sapent l'idée de l'État de droit et éliminent tout espoir d'y parvenir.

 

- Quelles sont les perspectives d’avenir de votre alliance avec le RAG ?

-Le parti RAG est parmi les partis les plus présents sur la scène nationale, et son projet politique ne peut être jugé que par le peuple mauritanien, dans le cadre d’élections justes et transparentes.  Il est de son droit de jouir des normes et de l'action politique comme les autres de nos partis nationaux. Fermer le champ devant lui, c'est de l'injustice et de l'arbitraire qui doivent cesser. 

 

-La police est accusée d’avoir torturé à mort un jeune mauritanien au commissariat de Sebkha 1 de Nouakchott. Des manifestations s’en sont suivies et un jeune de Boghé a été aussi tué par balle tirée par un policier. Que vous inspirent ces violences policières?

-La violence officielle, comme la violence de rue, est un danger bien connu. Ce qui se passe au niveau de certains de nos commissariats de police ne peut pas continuer et constitue un grave danger pour la paix civile.

Il faut savoir ici que l'action politique nationale tire sa force de sa pacification et de l'adoption de modes de protestation éloignés de la violence et de ce qui conduit à la violence et menace la paix publique. L’impunité des auteurs sécuritaires de dépassements humains abominables commis reste l'un des chemins les plus courts qui mènent à la violence et au chaos.

C'est ce à quoi les élites et les leaders d'opinion devraient prêter attention, et les responsables de l'État combattre.

Propos recueillis par Dalay Lam