Me Taleb Khyar Ould Mohamed Maouloud, membre du collectif de défense de l’ancien président Mohamed Abdel Aziz : ‘’La vérité finira par triompher et notre client réhabilité’’

29 September, 2022 - 01:56

Le Calame : Le contrôle judiciaire de votre client, l’ancien président Aziz est levé depuis le 7 septembre. Il est désormais libre de ses mouvements. Mais pour autant le dossier n’est pas clos, pour preuve, il a été renvoyé devant un tribunal pour être jugé. D’abord, comment votre client a vécu ces mois de privation de liberté de mouvements  et de rencontre ? Ensuite, comment vous vous préparez à  cette deuxième étape de ce feuilleton ?
Me Taleb Khyar Ould Mohamed Maouloud : 
Ce furent des mois pénibles, vécus dans un isolement total, dans une prison sinistre surveillée par des éléments chargés de la lutte contre le terrorisme
Pendant six mois, du 22 juin 2021 au 7 janvier 2022, le président n’a jamais eu accès au moindre rayon de soleil, maintenu en isolement total, privé de la visite des personnes les plus proches, des soins médicaux élémentaires, puis soumis à toutes sortes de tracasseries, dont la pose de caméras de surveillance contrôlant ses mouvements jusque dans les plus intimes de ses déplacements à l’intérieur du réduit qui lui servait de prison, les intrusions intempestives d’éléments cagoulés, dans son lieu de détention, intrusions d’une violence inouïe accompagnée de vociférations et de gesticulations menaçantes, qui débouchaient invariablement sur la mise sens dessus-dessous de la chambre qu’il occupait, sans compter la détresse psychologique qu’occasionnaient ces irruptions qui se faisaient à des moments choisis pour mieux affecter les facultés mentales et physiques de l’ancien président de la République ; le tout finissant par lui occasionner des désagréments de santé ayant débouché sur un accident cardio-vasculaire qui n’a été pris en charge que bien après que sa situation se soit suffisamment détériorée.
Puis ce fut une mise sous contrôle judiciaire intervenue en date du 7 janvier 2022, après que des soins lui aient été prodigués à l’hôpital de cardiologie, alors que sa situation était d’une gravité alarmante, et nécessitait son évacuation comme n’a jamais cessé de le réclamer le collectif chargé de sa défense.
Son maintien sous contrôle judiciaire « renforcé » (le terme « renforcé » n’existe pas dans la législation, mais créée pour la circonstance par des magistrats dont le zèle dans la défiguration des textes de loi, n’a d’égal que leur soumission aveugle au parquet agissant sur instructions du ministre de la justice).
Ce contrôle judiciaire « renforcé » n’était ni plus ni moins qu’une autre mise en isolement, mais cette fois-ci à domicile.
A nouveau, la santé de l’ancien président de la République allait se détériorer, dans une indifférence totale, y compris de la part de son corps soignant dont les visites étaient de plus en plus rares, de plus en plus espacées.
Il faut regretter tout en le dénonçant, que le contrôle judiciaire « renforcé », qui aurait dû se terminer à la clôture de l’instruction, c’est-à-dire le 1°juin 2022, ait été prolongé de manière illégale, arbitraire et abusive jusqu’au 7 septembre de la même année.
La prochaine étape de ce feuilleton comme vous dites, ou plutôt de cette procédure inique, suscitera  de notre part le même intérêt, la même présence, le même souci constant de défendre notre client en accord avec le droit applicable en Mauritanie, y compris les conventions internationales auxquelles la Mauritanie est partie prenante.
Nous sommes convaincus de la justesse de la cause de notre client, comme nous sommes convaincus qu’il est victime d’une vendetta politique, qui trouve sa racine dans des partis hostiles à l’ancien président, qui ont su malheureusement, et en violation de la loi fondamentale,  instrumentaliser l’assemblée nationale, puis le pouvoir exécutif, à travers le ministre de la justice, qui à son tour a transmis le relais au ministère public.
La vérité finira par triompher, et notre client réhabilité

-Selon certaines sources, au lieu du juge chargé du dossier de votre client,  c’est plutôt un autre  qui a été chargé de la levée du contrôle judiciaire ? Si tel est le cas, comment avez-vous régi à ce changement ou de substitution ?
-
En effet, au niveau de la chambre d’accusation de la cour d’appel, le juge qui a connu de l’appel de l’ancien président de la République contre l’ordonnance de renvoi, n’était pas en fonction au moment de la saisine par cette chambre du dossier.
Le dossier devait être examiné par un autre juge, mais celui-ci a été écarté par le ministre de la justice, en violation de la règle de séparation des pouvoirs, qui édicte une interdiction formelle de l’immixtion de l’exécutif auquel appartient le ministre de la justice, dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire auquel appartient le magistrat écarté.
Le juge appelé pour la circonstance en remplacement du juge titulaire, va donc présider la séance avec pour seule mission de confirmer le renvoi, ce qu’il a fait d’un trait de plume, en lieu et place du juge titulaire, connu lui pour sa droiture et son indépendance, et dont on craignait qu’il ne passe outre les injonctions du ministre de la justice.
Ainsi donc, la chambre d’accusation de la cour d’appel qui a statué sur l’ordonnance de renvoi, est irrégulièrement composée, car présidé par un magistrat imposé pour la circonstance par le ministre de la justice, en violation du principe de la séparation des pouvoirs.
Le président désigné pour la circonstance ne saurait donc être considéré comme le juge naturel qui aurait dû connaitre du dossier, le juge naturel des parties concernés par l’appel de l’ordonnance de renvoi.
Nous avons réagi, en adressant une requête à la Cour suprême le vendredi neuf septembre, tendant à ordonner au juge chargé de mission, de surseoir à statuer.
La Cour suprême a notifié cette requête à l’intéressé, le vendredi neuf septembre, en lui accordant un délai de huit jours pour répondre, mais il n’a pas respecté ce délai, et a de manière accélérée déterminé la date du treize septembre comme date de l’audience, alors qu’une telle date ne figure pas dans le calendrier des audiences, et à la date retenue de manière arbitraire, il a statué sur le dossier avant même que la Cour suprême ne se prononce sur la requête aux fins de sursis au jugement.
Tout cela montre que la procédure est téléguidée en dehors des arcanes du pouvoir judiciaire, ce qui n’est pas à l’honneur de l’Etat de droit duquel nous nous réclamons, et menace gravement ses fondements, dont le plus essentiel est celui de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Nous avons d’ores et déjà introduit un pourvoi en cassation contre la décision de la chambre d’accusation, dont la composition est irrégulière, qui est présidée par un juge désigné d’autorité par le pouvoir exécutif pour confirmer l’ordonnance de renvoi, et après avoir écarté arbitrairement le juge naturel qui devait connaître du dossier ; une décision rendue dans la précipitation alors même que le juge qui l’a rendue est dans les liens d’une instance pendante devant la Cour suprême, aux fins de sursis au jugement.

-Ni vous, les conseils, ni lui, ni sa famille n’avez organisé un point de presse après la libération de l’ancien président, ce que l’opinion ne comprend pas et commence à suspecter un deal  avec le pouvoir. Votre réaction?
I
l n’y a aucun deal avec qui que ce soit ! Nous avons tenu une conférence de presse le 14 septembre 2022, donc le lendemain de la décision de la chambre d’accusation de la cour d’appel, et  une semaine après la levée du contrôle judiciaire.
Cette conférence de presse a été largement diffusée ; nous y avons relaté les circonstances dans lesquelles le ministre de la justice s’est immiscé dans le fonctionnement de la justice, en remplaçant manu-militari et de manière arbitraire, le président de chambre titulaire, par un autre aux ordres du pouvoir exécutif.
Nous y avons également abordé les causes qui ont conduit à la fin du contrôle judiciaire, entretenu, puis prolongé de manière abusive, illégale, et dans des conditions inhumaines par le parquet.  
Les plus importantes de ces causes sont :
-l’inconsistance des faits reprochés à notre client, inconsistance sur le plan factuel et du droit.
-Le courage, l’endurance de notre client, et sa croyance inébranlable en Dieu, ainsi que sa certitude que la vérité finit toujours par triompher.
-Le soutien et le mouvement de sympathie dont n’a cessé de bénéficier notre client auprès de  l’opinion publique nationale, qui a fini par se convaincre de la justesse de sa cause, et de l’injustice criante dont il est victime.
-Le combat incessant et l’expertise des avocats de l’ancien président de la République qui, de manière incessante, ininterrompue, renouvelée et suivie, n’ont jamais cessé de plaider pour le respect des droits de leur client, contre et à l’envers de tous.

-Vous  et votre client réclamiez un procès  aux fins de  «laver » de ce qu’il considère comme  étant un « affront». Devant quelle juridiction ?  Parce qu’il n’entendait répondre que devant la HCJ, conformément à l’article  93 de la Constitution ?
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 Contrairement aux « « fake news » savamment entretenues, et alimentées à dessein par une presse de caniveau, l’ancien président de la République n’a jamais réagi par le silence aux accusations qui sont portées à tort contre lui par un parquet aux ordres, mais il n’a objecté qu’en sa qualité d’ancien président de la République, il ne peut être poursuivi que pour haute trahison et ne peut être jugé que par la Haute cour de justice. Cela ne s’appelle pas « se murer dans le silence » ; cela s’appelle « invoquer des dispositions constitutionnelles comme moyens de défense », et aucun texte de loi n’interdit d’invoquer la loi comme moyen de défense, surtout lorsqu’il s’agit d’un article de la constitution (art 93) qui se situe au sommet de la hiérarchie des normes.
On a prétendu que le président de la République s’est muré dans le silence pour le priver du droit de se faire entendre, et justifier de la sorte son harcèlement judiciaire (privation de libertés, mise sous contrôle judiciaire, puis sous détention préventive plusieurs fois reconduites etc.)
Quelle que soit la juridiction saisie, l’ancien président de la République ne renoncera à aucun moyen de fait ou de droit que lui offre la loi.

-Vous vous plaigniez de n’avoir pas reçu le dossier de votre client pour en connaitre le contenu. Qu’en est-il  avec la levée de son contrôle judicaire et son renvoi devant un tribunal ?
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Nous n’avons jamais eu accès au dossier de l’ancien président, bien qu’en la matière, et après moult péripéties procédurales, il ait été ordonné qu’il nous soit communiqué par décision n°91 /2021 en date du 8 septembre 2021.
D’un côté, nous sommes en possession d’une décision judiciaire qui ordonne que le dossier nous soit communiqué, et de l’autre, cette décision est paralysée par ceux-là mêmes qui l’ont rendue.
Quelle hypocrisie ! On prend une décision pour donner l’impression d’appliquer la loi, puis on refuse de l’exécuter.

-Certains de ceux qui avaient été impliqués avec l’ancien président  « ont été retirés » du dossier   « blanchis » et d’autres « réhabilités »  même. Cela accrédite-t-il  le « règlement de comptes »  et   de «  deux poids deux mesures », dont se plaint votre client?
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Naturellement ! Toute cette mise en scène avait pour objectif ultime de retenir seul l’ancien président de la république dans les liens de la prévention ; d’ailleurs les faits sont là pour le prouver ; il a été le seul à subir toutes sortes de vexations, et d’actes attentatoires à sa liberté, ayant gravement entaché sa santé, altéré son patrimoine, ainsi que celui des siens ; le tout en violation de la personnalité des délits et des peines, suffisamment exprimée par cette formule de Loisel « Tous les délits sont personnels, et en crime n’y a point de garant ».
Tous les autres prévenus sont pour l’essentiel des figurants qui jouaient un rôle de faire-valoir, pour donner une apparence de crédit à ce qui allait très vite apparaître comme une véritable mascarade judiciaire.
Ces figurants, au nombre d’une centaine, n’ont pu camoufler la grossièreté des atteintes aux droits de la défense de l’ancien président de la république, et certains se sont même ravisés très vite, avant de se repentir,  après avoir découvert qu’ils étaient instrumentalisés par des chapelles politiques hostiles à Mohamed ould Abdel Aziz.

Vous vous êtes battus pour sortir votre client de sa situation d’accusé N° 1, d’ « humilié » et de « harcelé ». Pouvez-vous nous dire quel  a été le moment le plus difficile pour les avocats  de défendre un ancien président de la République accusé, entre autres,  de détournements de deniers publics, de leur dilapidation, d’octroi de faveurs indus,  de blanchiment d’argent, d’entrave à la justice...?
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Le moment le plus difficile a été celui où nous nous sommes convaincu  que l’ancien président de la république était victime d’une vendetta politique, mijotée au niveau de l’assemblée nationale, et dont le fer de lance allait très vite devenir le procureur de la république, instruit par le ministre de la justice.
C’est à ce moment que nous nous mîmes à douter de la pertinence de nos armes dans un combat inégal, avec d’un côté un Etat dans sa toute puissance, et de l’autre, une poussière d’avocats qui n’avaient comme seul et unique arme que le droit.
C’est alors que nous découvrîmes qu’il y avait parmi nous un expert en stratégie judicaire, particulièrement en stratégie offensive ; il s’agit du doyen Mohameden Ould Icheddou, qui fît preuve d’une intelligence des évènements, d’une présence d’esprit, et d’une clairvoyance à toutes épreuves ; il avait en toutes circonstances à portée de plume, les arguments de droit qu’il fallait soulever quel que soit l’obstacle procédural qui se dressait devant nous, comme il savait mettre en œuvre les moyens opérationnels pour faire produire à ces arguments de droit, leur plein et entier effet.
Oui ! Ce patriarche de la profession, que Dieu lui donne longue vie, est le rouage essentiel de la machine de combat de l’ancien président de la république contre les accusations mensongères dont il est victime.
Ma conviction est que sans l’engagement, la stature, l’étoffe et la présence de maître Mohamed ould Icheddou, le cours des évènements aurait pris une autre tournure, moins favorable pour notre client.

- Apres avoir récupéré tous ces documents, votre client vient de s’envoler vers Paris pour des soins et contrôles médicaux. Certain pensent qu’il  ne reviendrait pas de sitôt ; il pourrait même se dérober.  Partagez-vous cette crainte?
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Ces gens sont à mille lieues de craindre que Mohamed Ould Abdel Aziz ne revienne pas de son séjour médical en France, mais se procure un malin plaisir en répandant cette information, pour nuire à sa réputation, alors que l’ancien président n’est pas homme à se dérober en catimini. C’est de notoriété publique !

Propos recueillis par Dalay Lam